lundi 14 septembre 2015

Un ministère de l'Autorité ?



Je reconnais bien volontiers à Xavier Bertrand le mérite de lancer des idées, de mener une campagne régionale dynamique et de construire au sein de son parti un courant original, le gaullisme social. Mais, en tant que socialiste, je suis rarement d'accord avec ses propositions, dont la dernière en date, créer un ministère de l'Autorité. Pour 6 raisons principales :

1- Le fait que l'opinion soit demandeuse n'incline pas à la suivre. Il faut éclairer l'opinion, pas se soumettre à ses désirs, qui ne sont pas forcément clairs, ni légitimes. La démocratie, c'est l'élection, pas l'opinion !

2- En règle générale, je crois qu'il faut respecter les divisions gouvernementales traditionnelles, qui ont leurs raisons d'être, qui ont fait leurs preuves depuis très longtemps. Un ministère de l'Autorité serait tout aussi fantaisiste que le ministère du Temps libre en 1981 ou que le ministère de l'Identité nationale en 2007.

3- La notion d'autorité est interministérielle. Pourquoi la réduire à la Justice et à l'Intérieur ? Si on considère que l'autorité est un problème politique essentiel, il concerne tout autant le ministère de l'Education nationale par exemple, puisque la perte d'autorité des enseignants serait elle aussi à considérer. La vérité, c'est que c'est tout le gouvernement et ses ministères qui sont concernés par l'autorité.

4- Que notre société rencontre des difficultés par rapport à l'autorité, je n'en disconviens pas. Mais ce n'est pas une raison pour lui dédier un ministère spécifique, car il y aurait alors beaucoup d'autres sujets de crise majeurs qui mériteraient, si l'on peut dire, un tel honneur. Surtout, je crois que l'autorité est une notion idéologique, discutable, parfois polémique. Un ministère est une administration en charge de problèmes concrets : le logement, la santé, le travail, le transport, etc. L'autorité n'en fait pas partie, parce que la question est plus théorique que politique.

5- Ce qui m'embête le plus dans la proposition de Xavier Bertrand, c'est qu'elle confond la loi et son application, l'exercice libéral de la justice et la fonction répressive, le judiciaire et l'exécutif. Cette confusion est problématique du point de vue du principe républicain. On ne peut pas identifier la justice et sa nécessaire bienveillance avec la police et son indispensable fermeté.

6- Contrairement à ce que croit Xavier Bertrand, le regroupement des deux ministères ne renforcerait pas le principe d'autorité, son adjonction à la Justice lui faisant perdre sa spécificité. Il faut que le ministre de l'Intérieur, au nom même de l'autorité, demeure le "premier flic de France", comme on a coutume à l'appeler, ce qu'il ne pourra plus être, ou moins être, s'il est aussi Garde des Sceaux.

2 commentaires:

V a dit…

(La démocratie, c'est l'élection) ?
Bachar, Ben Ali, Adolf, Bongo et tutti quanti, Benito entre autres ont surgi d'élections...
A mon avis, si l'élection est le critère formel, ce qui doit la précéder, c'est l'éveil et l'éducation de la population à la citoyenneté.
Mon humble avis mais je le partagerai volontiers avec tous.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous auriez pu ajouter Adolf Hitler et le maréchal Pétain. Il n'empêche que la démocratie se définit fondamentalement par l'élection de ses dirigeants.