mardi 15 septembre 2015

Fusion et confusion



On ne devrait pas laisser s'exprimer un ministre sous anonymat. Un homme public doit assumer une parole publique. Le off n'est pas une bonne pratique. Nous l'avons encore vérifié en ce début de semaine, où un membre du gouvernement aurait préconisé une fusion des listes de gauche et de droite au second tour des élections régionales, sous certaines modalités techniques, afin de priver le Front national d'une majorité. L'intention est bonne : il faut en effet tout faire pour mettre en échec le FN. Mais la solution proposée n'est pas politiquement défendable : elle brouille le jeu de la démocratie, rend peu visible le choix des électeurs.

En revanche, je suis, depuis la catastrophe électorale de 2002, un chaud partisan de la stratégie de front républicain, qui a la clarté et la cohérence pour elle, dans le respect des votes des électeurs : au second tour, soutenir le candidat républicain arrivé en tête, qu'il soit de gauche et de droite, afin de faire barrage au Front national, mais sans aucune combinaison préalable qui tendrait à un partage des places entre les partis. La fusion, c'est la confusion.

Je crois que c'est, chez nous, ce qu'a voulu dire Michel Potelet, président du groupe de gauche au Conseil départemental de l'Aisne, en manifestant son soutien à Xavier Bertrand dans un second tour des régionales, afin de faire battre Marine Le Pen. Mais la formulation a été si maladroite qu'elle laissait penser à un ralliement pur et simple dès le premier tour, ce que l'intéressé a démenti à la suite du pataquès qu'il a déclenché. Moi aussi, comme je l'ai toujours fait jusqu'à maintenant, entre droite et extrême droite, pas d'hésitation : je voterai Bertrand, sans états d'âme.

Le fond du problème, c'est celui des alliances du PS, que Jean-Christophe Cambadélis a parfaitement analysé dans une lettre envoyée hier aux adhérents. Il formule l'idée d'un rassemblement de la gauche, sous le labelle de l'alliance populaire. Il y a nécessité : La dispersion, c'est la disparition, comme l'a très justement rappelé François Hollande. La décision des Verts de notre grande région de jouer l'autonomie et de se rapprocher du Parti de gauche en est une préoccupante illustration.

A long terme, il faudra bien que le parti socialiste s'interroge sur une alliance avec les centristes. Quant à une solution de grande coalition, comme en Allemagne entre la CDU et le SPD, nous n'y sommes culturellement pas prêts, et les institutions ne le favorisent pas.

La question de l'union va encore plus loin : elle touche même l'intérieur du parti socialiste. Samir Heddar, avec lequel je suis le plus souvent d'accord, a bien cerné le problème dans son éditorial de L'Aisne nouvelle de samedi dernier : une organisation qui fait cohabiter en son sein Emmanuel Macron et Benoît Hamon, qui sont sur deux lignes économiques complètement différentes, a du mal à être crédible (et je ne parle même pas de Lienemann et Filoche, qui sont carrément hors du PS, tout en y demeurant statutairement). Cette question-là, je ne vois pas comment elle peut être collectivement tranchée.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Benoît Hamon est-il si détestable que cela ?
Si ce n'est pas un "ténor", c'est quand même une "voix" et peut-être même une "voie" de recours du côté senestre de l'échiquier parlementaire ?
Idem l'homme de Belfort ou celui de Frangy...
L'un est âgé, l'autre encore jeune...
Les trois sont de gauche, indéniablement et ne méritent nulle vindicte ni suspicion légitime.
Bien au contraire.
Tous trois sont (comme l'ex-ministre de l'éducation) des fervents supporters de la laïcité et des oeuvres laïques, (bien ancrées à gauche), dont on croit pouvoir affirmer que vous avez été très proche.

Emmanuel Mousset a dit…

Hamon n'est pas "détestable", mais pas social-démocrate, ce qui est contradictoire dans un parti social-démocrate. Il n'est pas plus laïque qu'aucun autre socialiste, et par rapport à certains plus qualifiés, il l'est plutôt moins.

Anonyme a dit…

Ah le PS social démocrate .... C'est nouveau ............

Emmanuel Mousset a dit…

Pas tant que ça : 1983.

Anonyme a dit…

On déduit qu'il y a bien deux partis dans le PS actuel (et ça se voit comme les deux yeux d'un visage dans la fédération du Nord)...
Que ces deux partis le reconnaissent et ne leurrent pas ou plus l'opinion...
Que le PS de droite devienne PSD (parti socialiste démocrate) et ce sera plus clair (bien qu'on puisse toutefois se demander depuis quand notre actuel président a viré PSD car il n'y a pas si longtemps, il a claqué la porte à F Bayrou qu'en tant que PSD il aurait pu mieux recevoir).

Emmanuel Mousset a dit…

La social-démocratie ne leurre pas l'opinion. Elle dit ce qu'elle fait et fait ce qu'elle dit. En revanche, l'aile gauche laisse croire qu'elle peut transformer le PS de l'intérieur, ce que jamais aucune aile gauche n'a réussi à faire dans l'histoire du parti. Sauf lorsqu'il est dans l'opposition (voir le CERES avec le "Programme commun" dans les années 70). Mais c'est l'exercice des responsabilités et la confrontation avec le réel qui comptent.

Anonyme a dit…

Vous n'avez pas "d'états d'âme" dites vous. Le problème c'est quand même qu'on s'en fiche un peu de vos états d'âme.

Emmanuel Mousset a dit…

Mais justement, on ne peut pas s'en fiche puisque je n'en ai pas ! CQFD

Anonyme a dit…

les figures de style rhétoriques que sont le sophisme ou le syllogisme ne marchent pas à tous les coups: vous n'avez pas d'états d'âme donc vous votez à droite....

Emmanuel Mousset a dit…

Je confirme : pas d'états d'âme, contre l'extrême droite, il faut voter pour la droite républicaine. C'est un choix, pas un sophisme, ni un syllogisme !

B a dit…

Voter à droite ?
On a été refait au moins une fois en 2002 avec sa suite sarkozienne (dont le chef de file a oublié d'où sa filiation provient)...
Non merci !
Plutôt qu'avoir de l'édulcoré, autant avoir l'original pour mieux pouvoir le combattre frontalement et pas seulement verbalement comme ici !

Emmanuel Mousset a dit…

1- Préférer l'extrême droite à la droite, ce n'est pas une réaction d'homme de gauche.

2- En démocratie, le combat est verbal, pas physique ou armé. Votre avis n'est pas celui d'un républicain.

Anonyme a dit…

Emmanuel,

Tu préfèrerais l'absence d'élus de gauche dans une assemblée qui va prendre de plus en plus d'importance ?
Pour nous, pas de désistement en faveur de Xavier BERTRAND. Ce n'est pas un sophisme, c'est vrai. Peut-être du pragmatisme ou simplement du courage et de la droiture intellectuelle. Sachant que Xavier BERTRAND n'est plus un gaulliste social, mais bien quelqu'un qui dérape vers la droite dure.
Pas d'état d'âme à avoir.

Laurent ELIE

Emmanuel Mousset a dit…

Au deuxième tour, chacun prendra ses responsabilités, et c'est l'Histoire qui jugera.