jeudi 10 septembre 2015

Juppé ne sera pas président



Le Point a beau publier cette semaine un sondage donnant Alain Juppé vainqueur aux primaires de la droite, je ne crois pas du tout en sa capacité à devenir président de la République. Pourtant, ces derniers mois, je le pensais. Et puis, son profil d'homme de droite modéré me le rend sympathique, par comparaison avec Fillon et Sarkozy. Qu'est-ce qui fait que j'ai changé brusquement ? Mon côté inspecteur Columbo : un petit détail me chiffonne, et je me mets à soupçonner ...

Ce sont quelques mots prononcés dans Le Monde du 26 août 2015 qui m'ont fait douter du statut présidentiable d'Alain Juppé : "oui, j'ai envie d'être aimé, n'est-ce pas le cas de tout le monde ?" Patatras ! Je me suis dit : ce gars-là ne deviendra jamais président de la République. Pourquoi ? Bien sûr, il a raison : tout le monde a envie d'être aimé. Mais justement : un chef d'Etat n'est pas tout le monde !

En politique, vouloir être aimé est au pire une démagogie, au mieux une faiblesse. Ce sont les enfants qui veulent être aimés, pas les grands. Sur la scène publique, il y a beaucoup d'enfants, mais rares sont les grands. Pour être aimé, il faut plaire, séduire, faire rire : ce n'est pas ce qu'on attend d'un vrai chef ; on veut qu'il travaille, qu'il agisse, qu'il règle nos problèmes. L'un peut aller avec l'autre ? Non, précisément : gouverner, c'est déplaire.

Comme tous les gens qui veulent être aimés, Alain Juppé a un problème, ou plutôt deux, exactement. Le premier, c'est d'effacer le traumatisme de 1995, lorsque la France entière manifestait contre lui alors qu'il était Premier ministre depuis quelques mois seulement. "Droit dans mes bottes", disait-il : 20 ans après, la blessure est toujours là, il n'assume pas, il veut nous faire oublier ses bottes.

Son second problème, c'est qu'il doit sa popularité actuelle aux électeurs de centre gauche, un peu dans mon genre, qu'il essaie de charmer, pour doubler sur ce côté-là Nicolas Sarkozy. Mais le jour venu, cet électorat, comme moi, reviendra vers son seul et unique candidat, quel que soit son nom : le candidat socialiste. L'amour de Juppé est condamné à être déçu.

En politique, il ne doit pas être question de sentiments, mais de raison, de réflexion, de volonté. Et les rares sentiments qui s'introduisent en politique sont plus à craindre qu'à espérer : la folle ambition, la haine tenace, l'esprit de revanche, le mépris hautain ... merci bien ! Etre aimé, non ; aimer, peut-être, mais pas "aimer les gens", ça ne veut rien dire : aimer la France, aimer la République, aimer la liberté, aimer la vérité et aussi, en ce qui me concerne, aimer le socialisme, oui, sans doute.



PS : à la suite du billet d'hier, Olivier Lazo, président d'honneur de la LDH de l'Aisne, a repéré une possible ambiguïté. La photo du petit Syrien l'a évidement choqué, mais sa publication lui a semblé nécessaire pour éveiller les consciences. Je crois que ma phrase était claire, mais les choses qui vont sans dire vont encore mieux en les redisant.

1 commentaire:

Christophe a dit…

je suis tout d affait d accord, en fait c' est comme etre le successful boss d une entreprise ou organisation. rare sont ceux qui sont aimes de tout le monde, ceux qui le sont sont generalement ceux qui ne font pas grand chose ... en vue de ne deplaire a persone ... j ai un motto pour mon committee executifs et mes directeurs: ceux qui ne vexe jamais personne ou ne font jamais d erreur, ce sont ceux qui on tendance a ne jamais rien faire ou ceux qui sont dans la continuite plus tot que le changement.