vendredi 4 septembre 2015

Enfin et hélas



Il aura fallu HELAS la photo d'un enfant mort sur une plage, rejeté par la mer, pour que la France et l'Allemagne s'accordent ENFIN sur un accueil systématique et obligatoire des migrants en Europe. Alors que la crise sévit depuis trois ans, alors qu'elle s'est accrue depuis trois mois ! Ce n'est pas à l'honneur de nos dirigeants que de réagir ainsi, sous le coup d'une émotion médiatique (voir le billet d'hier). Comme si le corps sans vie d'un enfant couché sur un cliché avait plus de valeur que des centaines d'autres, enfants, adultes, vieillards qui meurent en toute indifférence.

Les vieilles nations du continent auront été bien peu exemplaires, et certaines carrément égoïstes, quand ce n'est pas xénophobes. La Commission européenne, au contraire, aura montré le bon chemin, en proposant depuis longtemps le système de répartition qui s'impose aujourd'hui. C'est l'évidence : l'avenir est à plus d'Europe et moins de nations !

Même mes amis socialistes ont été trop timides, trop prudents dans cette affaire, défendant certes de généreux principes, mais refusant, encore maintenant, de prononcer le mot politiquement décisif : quotas par pays pour recevoir les réfugiés. L'Allemagne, c'est un comble, fait mieux que nous, se montre volontaire, avance des chiffres, tient des propos justes et éclairants : sur ce point, Angela Merkel est une grande dirigeante.

La presse nationale, de son côté, n'aura résisté à la pression qu'une seule journée, avant de céder à la diffusion de la photo, Le Monde en premier, qui était pourtant, par le passé, le grand journal de référence, réputé pour son sérieux et son austérité, se refusant, comme le Canard Enchaîné, à illustrer ses papiers par des photos.

France 2 a trouvé une solution intermédiaire, qui prouve bien l'embarras des médias : la photo oui, mais le visage de l'enfant flouté. Cette décision-là est la pire : elle me fait penser, en matière d'hypocrisie et de fausse convenance, aux photos érotiques quand j'étais ado, où les tétons et les poils pubiens étaient eux aussi floutés. Pornographie du corps, pornographie de la mort, même indécence (pour le corps, c'est moins grave, les dames généralement sont volontaires et rémunérées).

Un quotidien résiste et argumente : La Croix. Réfléchissons au paradoxe d'un journal catholique, qui défend des valeurs de pitié, de charité et de miséricorde et qui refuse cependant de s'associer à tous ceux qui prétendent agir au nom de l'éveil des consciences, de la compassion et de la générosité.

Autre paradoxe : notre société, contrairement à celles du passé, cache ses morts, bâcle les obsèques, répugne à regarder le corps des défunts ... sauf au cinéma, où nos films sont pleins de morts et de meurtres. On est prêt à voir la mort en photo, mais sa réalité la plus directe, la plus concrète nous effraie. On veut bien représenter la mort, mais pas la voir ni la toucher réellement.

2 commentaires:

D a dit…

"volontaires et rémunérées" ?
Rémunérées, certes...
La plupart volontaires parce que rémunérées serait plus juste.
Quel pourcentage de 100% volontaires (qui le font ou le feraient sans rémunération) par rapport au total ?
Si vous avez les chiffres...

Emmanuel Mousset a dit…

Les seuls chiffres qui m'intéressent, ce sont ceux des migrants qui meurent et ceux qu'on peut encore accueillir, pas les statistiques sur les femmes à poil.