samedi 19 septembre 2015

Bourgeois, malheureux et bon



Je vous recommande la lecture passionnante du dernier ouvrage de Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde : "Richie", sur la vie de Richard Descoings, directeur de Sciences-po, disparu en 2012, à 53 ans (chez Grasset, avril 2015, 18 euros). Mine de rien, c'est un livre très politique, la psychologie et le parcours d'un jeune bourgeois dans les arcanes du pouvoir. Du bourgeois, Descoings a le conformisme : à l'ENA, on ne le remarque pas. Du bourgeois, il a la vie cachée : homosexuel, qui finira pas se marier, parce que le bourgeois sait qu'il faut cultiver les apparences, même si personne n'est dupe.

Richard Descoings est en quête de pouvoir : après les écoles qui embourgeoisent, il passe au Conseil d'Etat, entre dans un cabinet ministériel, rêve d'un portefeuille, mais le bourgeois ne réussit pas tout : sous Sarkozy, il devra se contenter d'être simple chargé de mission. Mais sa grande réussite de bourgeois, c'est son accession à la présidence de Sciences-po, la pouponnière des gens de sa classe et de ceux qui veulent en être. Pouvoir, réussite, notoriété, la vie bourgeoise va aussi avec l'argent : à la tête de la prestigieuse institution, il nomme son épouse directrice-adjointe et verse des rémunérations dont le montant fait polémique.

Richard Descoings a vécu en bourgeois et est mort en bourgeois, l'Eglise ouvrant les portes de Saint-Sulpice pour les obsèques de ce débauché, rattrapé par son destin dans une chambre de Manhattan, après une nuit d'amour avec deux jeunes hommes. Un peu comme sa fameuse recrue de Sciences-po, dans un autre genre et en moins tragique : DSK.

Richard Descoings était bourgeois, mais malheureux : passant des heures sur Facebook, comme un ado en mal d'amour ; perdu dans la drogue, l'alcool, le sexe ; tentant de mettre fin à ses jours en 2002. Surtout, Descoings, tout bourgeois qu'il était et les tares qui vont avec, était quelqu'un de bien : travaillant bénévolement pour l'association AIDES dans les années 80, ouvrant Sciences-po aux élèves des milieux défavorisés, donnant à l'école une dimension internationale qu'elle n'avait pas avant lui. Pour tout cela, Richard n'aura pas vécu inutilement.


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