vendredi 11 septembre 2015

Faire payer les pauvres ?



Dans les années 70, le communiste Georges Marchais demandait à "faire payer les riches". Je trouvais ça un peu démago. En même temps, j'ai toujours adhéré au principe républicain de l'impôt sur le revenu : plus on gagne d'argent, plus on doit payer d'impôt. Aujourd'hui, jusqu'à la gauche, c'est le contraire qui est défendu : les plus modestes, qui depuis toujours bénéficient de l'exonération, devraient maintenant être imposés ! Cette réaction est déclenchée par la décision du gouvernement de sortir l'an prochain un million de foyers de l'imposition fiscale, que j'approuve entièrement : redonner du pouvoir d'achat aux classes populaires, quel homme de gauche pourrait être contre, quand on sait que ces mêmes classes sont les premières victimes de la crise, frappées par le chômage ?

J'entends dire que cette imposition de ceux qui ne le sont pas serait purement symbolique, une somme minime. C'est ridicule : le système fiscal n'est pas là pour générer des symboles, mais de la justice sociale. Or, il n'est pas juste que les plus modestes, qui souffrent déjà de nombreuses difficultés, supportent la pression fiscale, même légère. Et puis, la perception de cet impôt "symbolique" va coûter beaucoup plus chère que ses recettes. A l'injustice vont se joindre l'inefficacité et le gaspillage !

Autre argument : il y aurait une fierté et une dignité à payer l'impôt, dont les plus pauvres seraient jusqu'à présent privés. Ah bon ? Quand j'étais smicard, avant de devenir enseignant, je ne payais pas d'impôt, sans me sentir indigne. Et depuis que j'en paie, je ne me sens pas particulièrement fier. Alors, laissons tomber ces faux raisonnements psychologiques et moraux. Je me fais une trop haute idée de ce que sont la fierté et la dignité humaine pour les placer dans une déclaration fiscale.

Plus sérieux semble le lien qui est établi entre l'impôt et la citoyenneté : ne serait vraiment citoyen que celui qui paie des impôts. Mais là aussi, ma conscience de gauche est heurtée, car l'idée supposerait que plus on paie d'impôt, plus on est citoyen, et inversement ! Non, je conteste un tel rapport. En revanche, je crois ferme que la citoyenneté se définit par le droit de vote, et je regrette vivement que 5 millions de nos compatriotes, d'origine immigrée, en soient privés. Je crois aussi que la citoyenneté, et la dignité qui va avec, consiste à bénéficier d'un travail, ce dont 5 millions de nos concitoyens sont privés. Pour eux, j'aimerais vraiment qu'on fasse quelque chose, au lieu de vouloir les assujettir à l'impôt.

Vous vous souvenez de l'impôt du sang ? C'était le service militaire. Lui aussi était censé définir la citoyenneté. Mais sa disparition n'a pas été un drame pour la République, parce que la citoyenneté se définit de bien d'autres façons. Il en va de même pour l'impôt sur le revenu : que moins d'un Français sur deux le paie ne sapera pas les bases de la République !

Ceci dit, à tous ceux qui veulent que chaque Français paie l'impôt, je réponds très simplement : vous avez raison, moi aussi, je veux bien. Mais alors, donnez à chacun un travail et un salaire correct, ainsi tous seront assujettis à l'impôt ! En dehors de cette perspective, je me refuse à ce que les classes populaires, une fois de plus, fassent les frais de la crise.

2 commentaires:

U a dit…

La baisse prévue des impôts directs correspond à peu près à une annulation de la tranche la plus basse de la TVA en terme d'euros sonnants et trébuchants.
Cette tranche inférieure taxe en principe ce que communément on dénomme les "produits de première nécessité".
Si on veut aider les pauvres, ce serait éventuellement judicieux de baisser la TVA au niveau le plus bas et où ils sont directement concernés plutôt que diminuer les impôts directs où ils ne sont absolument pas concernés puisqu'ils en sont déjà exonérés.
La diminution de ces impôts directs s'adresse donc non pas aux plus démunis (qui comme par hasard, votent peu lors des élections) mais aux classes moyennes (qui elles votent davantage lors des tours de scrutin).
Le hasard fait bien les choses, non ?

Emmanuel Mousset a dit…

L'essentiel est que les impôts baissent ou disparaissent. De toute façon, presque tout le monde prétend aujourd'hui faire partie des classes moyennes.