jeudi 14 mars 2013

Mauvais citoyens



L'épisode neigeux que nous venons de traverser a aussi une dimension politique et morale. Il a d'abord mis en relief les vertus de nos structures collectives : Météo-France, les autorités publiques, les services de l'Etat, les collectivités locales, les agents territoriaux, la presse régionale, tous ont fait leur travail d'information, de prévention et d'intervention et doivent être à ce titre salués.

En revanche, bien des citoyens se sont comportés lamentablement. L'image qui les condamne, ce sont ces files de voitures individuelles abandonnées le long des routes par leurs occupants, errant je ne sais où, qui m'ont inévitablement fait penser à la débâcle de 1940, où les Français fuyaient hagards l'ennemi, dans un mouvement de panique totalement irrationnel qui gênait la progression de nos armées. L'ennemi en 2 013, c'est la neige, le froid et le n'importe quoi. Sept vices se sont à l'occasion révélés, vices de mauvais citoyens :

1- La peur : elle est toujours mauvaise conseillère, mais le mauvais citoyen l'a oublié. Il a peur de tout, croit qu'on est au printemps parce qu'on est à dix jours du printemps. La neige, le froid, le vent, le gel, le dégel, tout l'inquiète, le préoccupe. C'est le drame de sa vie, mais chacun a les drames qu'il peut. N'a-t-il donc rien d'autres à penser, des peurs qui soient un peu plus nobles ? Non, c'est là aussi sa tragédie.

2- L'inconscience : le mauvais citoyen a tellement la trouille qu'il ne réfléchit plus, ne fait attention à rien, prend sa voiture sans précaution, se jette sur les routes alors que Météo-France lui a demandé depuis dimanche soir d'être prudent. Il est sourd et aveugle, enfermé dans sa bulle de trouille qui lui fait faire n'importe quoi.

3- L'irresponsabilité : par sa décision de rouler coûte que coûte, le mauvais citoyen menace sa propre vie et celle d'autrui. En engorgeant, barrant et bloquant les voies de circulation, il paralyse le trafic, gêne l'intervention des secours, crée lui-même la pagaille et le chaos qu'ensuite il dénonce vicieusement, reportant sur les autres sa propre folie.

4- La perte d'autonomie : le mauvais citoyen est un être dépendant, un individu infantile qui ne peut vivre que sous la tutelle de l'Etat et des structures publiques. Comme l'enfant qui sort alors qu'on le lui a interdit, il ne prend aucune précaution, ne sait pas se débrouiller tout seul. Coincé par sa faute dans son automobile, il voudrait qu'on lui rende visite, qu'on s'occupe de lui, qu'on mobilise la société pour réparer son imprévoyance, sur les deniers publics ! Le mauvais citoyen n'a même pas la prudence de s'équiper d'une pelle de déblaiement dans son coffre et de quelques provisions de bouche. Il geint, il se plaint, il voudrait qu'on lui apporte à domicile, dans son véhicule, café et croissants chauds. Et puis quoi encore ?

5- La cupidité : le mauvais citoyen veut tout recevoir et ne rien donner. Il a un portefeuille en peau d'hérisson. C'est à lui qu'il incombe de débourser pour se munir de pneus neige. Si tous les automobilistes avaient fait cette dépense, nous n'aurions pas connu trois journées de désordre. Mais voilà, les mauvais citoyens sont cupides. Quant à la solution de rester tranquillement chez soi quand le temps est épouvantable, ils n'y pensent même pas, trop anxieux de perdre le salaire d'une ou plusieurs journées. Les entreprises de transport routier partagent une identique cupidité : âpres au gain, elles lancent des milliers de camions sur nos routes, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. Même en cas de guerre nucléaire, elles se plieraient probablement à la loi du profit. Ces camions circulent au détriment de la santé publique, polluant énormément, et bloquent totalement routes et autoroutes dans les périodes de turbulences atmosphériques.

6- La fainéantise : les chutes nombreuses de piétons sont souvent causées par la paresse des mauvais citoyens qui ne nettoient pas à la pelle leur trottoir, qui ne le protègent pas du gel avec du gros sel. Ils ont perdu cette habitude qui autrefois était naturelle. Ils tiennent à leur petit confort. Sont-ils encore capables de manier une pelle ? Je n'en suis pas certain. Pour se déplacer à quelques centaines de mètres, leur voiture leur est soi-disant indispensable, même quand la chaussée est visiblement impraticable.

7- La stupidité : les mauvais citoyens ne savent plus marcher dans la neige, arpenter un sol gelé, se vêtir contre le froid et le vent. Ils se cassent sans arrêt la gueule, comme Charlot dans ses films. Faut-il être bête pour s'étonner qu'il neige à la mi-mars ! Leurs récriminations sont sottes, ignares, narcissiques. Sur son blog saint-quentinois, Jean-Claude Le Garrec va jusqu'à reprocher aux agents de la ville sur leurs tractopelles de rejeter la neige sur les trottoirs. Peut-être voudrait-il que ces fonctionnaires dévoués et débordés de travail la fassent fondre au sèche-cheveux et au chalumeau ? Quel con !

Pour punir tous ces mauvais citoyens qui auront donné un déplorable exemple ces dernières heures, les autorités devraient leur infliger une lourde amende pour non respect des préconisations de Météo-France, trouble à l'ordre public et mise en danger de la vie d'autrui. Quant à leurs tristes véhicules abandonnés en rase campagne, aucun centime ne devrait être versé pour les rapatrier. Au contraire, les pitoyables carcasses pourrissant sur pied constitueraient de formidables monuments illustrant les inconséquences humaines, les sept vices des mauvais citoyens.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

2517Vous parlez d'habitude mais l'arrêté municipal du 17 mars 1966 , articles 9 et 10, existe toujours encore faudrait-il le remanier et l'appliquer...

Emmanuel Mousset a dit…


L'article 9, que vous avez bien voulu me transmettre, mentionne dans son premier alinéa que la neige doit être déblayée des trottoirs et mis en tas devant les habitations.

Le deuxième alinéa, conscient de la gêne occasionnée par la présence de ces tas de neige, émet une "préférence" : faire fondre la neige à l'aide de sel ou tout autre produit.

Cette "recommandation" est idéale mais difficilement applicable, la fonte étant lente, qu'aucun produit ne peut vraiment accélérer.

Les récriminations assez souvent entendues contre les tas de neige sur le bord des chaussées ne sont donc pas recevables.

Ane-Vert a dit…

"aucun produit" ? c'est curieux, chez moi une casserole d'eau bouillante fait parfaitement l'affaire.

Et quant à l'idée de coller des PV à tous et celles qui ont l'audace de mettre le nez dehors quand météo France annonce qu'il va neiger, venter, pleuvoir ou que Jack l'éventreur rôde en ville, bravo. Il va falloir en créer des postes de policiers, ça réduira le chômage. Quant aux chômeurs résiduels qui ont l'audace d'aller, par tous les temps, à Pôle Emploi alors que les journaux les ont bien prévenu qu'il n'y avait pas de boulot, un PV aussi j'imagine et pourquoi pas un camp de rééducation où on leur ferait creuser des canaux, construire des voies ferrées, déblayer la neige, sonner le tocsin quand il neige, pleut ou vente ou risque d'inondation ou de submersion ?

Emmanuel Mousset a dit…


Je ne suis pas convaincu par la casserole d'eau bouillante, tellement les tas de neige sont volumineux. En revanche, l'idée de camp de rééducation est à creuser, si j'ose dire.

Ane-Vert a dit…

Trois casseroles, je te l'accorde, pour les cas critiques. Quant aux camps de rééducation ne creuse pas trop profond. Ça déjà été tenté à grande échelle avec les bilans que l'on sait.

Emmanuel Mousset a dit…


Ton système pour dissoudre les tas de neige, je ne peux pas me le permettre à Saint-Quentin. Mes adversaires politiques diraient que je n'ai pas inventé l'eau chaude et que je traîne des casseroles.

Ane-Vert a dit…

C'est souvent au nom de l'impératif de ne par réinventer l'eau chaude qu'en France, comme dans l'ancienne Chine mandarinale et passablement décadente, on promeut l'idée générale suivante : "pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué".
Pour ce qu'il en est de traîner des casseroles tu sembles méconnaître l'intérêt que cela présente en politique où l'essentiel, trop souvent, est de faire du ramdam (pour ne pas dire buzzz) : qu'importe le parfum, pourvu qu'on est l'ivresse ?

Emmanuel Mousset a dit…


Non, qu'importe le parfum pourvu qu'on ait l'Everest. La politique vise le sommet.