samedi 2 mars 2013

Jacques a dit



Qui était l'invité d'honneur, la cible de tous les regards, l'objet de toutes les attentions ce matin en salle des mariages de l'Hôtel de Ville à Saint-Quentin ? Pas le sous-préfet que nous avons pendant six ans connu : il y en a un nouveau, il ne peut pas y en avoir deux, l'Etat n'a qu'une seule tête sur le même territoire, c'est le principe universel de l'unité du pouvoir. Etait-ce alors le sous-préfet, nouvellement nommé, de Douai ? Officiellement oui ; mais que serait-il venu faire à Saint-Quentin ? Non, ce matin, devant les autorités civiles, militaires et religieuses (l'abbé de Hédouville), c'est plutôt "Jacques", comme l'a nommé au long de son discours Xavier Bertrand, qui était présent et qui a parlé.

Jacques Destouches s'est lui aussi laissé aller à quelques familiarités, confessant avoir fait du pédalo et de l'auto-tamponneuse avec le député-maire, qui sont des manières d'enfant et pas de sous-préfet. Il a même reconnu avoir été affecté à une "mission très spéciale" : assurer la sécurité de la conseillère générale Colette Blériot à l'intérieur du train fantôme, dans la foire de la Saint-Denis. Il y a en effet de quoi avoir peur (des fantômes, pas de Colette). Mais un sous-préfet n'a peur de rien : le nôtre a survolé en hélicoptère Saint-Quentin enneigée pour venir en aide aux personnes en difficulté.

Xavier Bertrand, en lui attribuant la médaille d'or de la Ville, en a fait une sorte de héros, avec ce compliment : si "Jacques" avait fait de la politique, il aurait été facilement élu ! Homme de terrain, il a "accompagné" (le mot est souvent revenu) les collectivités, les entreprises et les citoyens dans les bons et les mauvais jours. Un "bosseur", qui ne compte ni ses efforts ni son temps, voilà l'image qui se dégage.

Et lui, que nous a-t-il dit ? Je crois qu'il était ému, bien conscient que c'était sa dernière prise de parole devant les Saint-Quentinois, soucieux aussi que les liens se poursuivent entre nous et lui. Politesse de départ ? Je ne crois pas (en tout cas, je garde en tête l'idée de l'inviter un jour à une de mes manifestations : Douai, c'est presque à côté !). Drôle de métier que celui de sous-préfet (on dirait plutôt un sacerdoce) ? Il y a six ans, arrivant à Saint-Quentin, il ne connaissait personne. Aujourd'hui, en salle des mariages, tous les visages lui étaient familiers, mais peu à peu ils s'effaceront, d'autres, là-bas à Douai, encore anonymes, s'imposeront à lui, les remplaceront, avant qu'un jour, à nouveau, "Jacques" ne parte vers une autre destination, vers des visages inconnus et peu à peu connus. Ce qui m'épate professionnellement, c'est la capacité d'adaptation, très rapide, de ces agents de l'Etat.

"Jacques" a avoué avoir ressenti un petit "coup de blues" en arrivant à Douai, se demandant ce qu'il faisait là. Jacques Destouches est homme, il n'en est pas moins sous-préfet, c'est-à-dire serviteur, enthousiaste, optimiste, peu enclin aux états d'âme, aux faiblesses de caractère : je l'imagine sous-préfet jusque dans sa cuisine, le matin devant son bol de café, en uniforme officiel. Xavier Bertrand a beau lui donner du "Jacques", il lui répond invariablement par un "Monsieur le Ministre". Jacques Destouches n'a pas raté sa sortie (beaucoup plus difficile à réussir qu'une entrée en fonction) : c'est par un beau discours de "gratitude" (terme qu'il a souvent employé) qu'il nous a quittés. Un discours de sous-préfet, quoi ! Nous nous reverrons, c'est sûr, mais comme on ne sait jamais ce que nous réserve la vie, j'ai voulu garder de lui ce souvenir (en vignette).

En rentrant chez moi, j'avais une question en tête : à quoi rêve un sous-préfet, allant ainsi, tout au long de l'existence, de ville en ville, du sud au nord ? A devenir un jour préfet ? Ou autre chose ? C'est quoi une ambition de sous-préfet ? Attendre que l'Etat vous appelle et vous nomme quelque part ? Et si son esprit était aussi plein de pédalos, d'auto-tamponneuses et de trains fantômes ? Là, Jacques n'a pas dit ...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et le nouveau , un ancien prof d'histoire un collègue; encore mieux pour le philosophe !!!