dimanche 17 mars 2013

Viva il papa !



Après une semaine blancheur de neige et blancheur pontificale, que faut-il penser, non de l'évènement papal en lui-même (c'est affaire de convictions, selon qu'on est croyant ou pas), mais des réactions qu'il a suscitées dans les médias ? La question m'intéresse à titre expérimental : comment se comporte une société très largement déchristianisée, et même sur certains points antichrétienne, devant le plus grand évènement de l'Eglise catholique, l'élection d'un pape ? C'est un peu comme des Terriens observant un ballet de soucoupes volantes ou un défilé d'extra-terrestres : leurs témoignages méritent d'être examinés. Je n'ai pas été déçu, mais plutôt amusé. Je vous dis pourquoi :

Il y a d'abord eu la prière universelle de cette pauvre traductrice sur TF1, ânonnée, déformée, massacrée au moment où le nouveau pape était au balcon et se faisait connaître au monde. La chaîne de télévision s'est sentie obligée de présenter ses excuses. Mais l'erreur professionnelle était presque un lapsus révélateur applicable à toute notre société, qui ne sait plus grand chose de la foi chrétienne. Il n'y a plus que 5% de croyants pratiquants. Quant aux croyants non pratiquants, ils sont aussi cohérents avec eux-mêmes que les amants qui ne font pas l'amour.

Et le pape dans tout ça ? comme aurait dit Jacques Chancel. On ne sait rien de sa vie, de ce qu'il a dit, écrit ou fait, il a un visage plutôt austère mais il a vaguement souri et durant quelques secondes plaisanté, ce qui suffit à nous rassurer. Et puis, un homme qui paraît-il aime le foot ne peut pas être entièrement mauvais. Il y a quand même plus que ça, moins superficiel : François 1er prend le bus, vit en appartement, fait sa cuisine et mange parfois à midi un sandwich (lire l'interview de l'évêque d'Amiens dans le Courrier picard d'aujourd'hui).

Déduction logique ? C'est le pape des pauvres. Ah bon ? Je crains que ceux qui affirment cela ne savent pas ce qu'est la pauvreté. En vérité, ils veulent dire, autre lapsus, que ce pape leur ressemble et qu'ils en sont très contents. Pourtant, un pape comme tout le monde, est-ce encore un pape ? Autrefois, les hommes d'Eglise étaient vénérés parce qu'ils faisaient des choses extraordinaires, qualifiées de surnaturelles. Aujourd'hui, c'est le contraire : nous admirons un souverain pontife parce qu'il mange des sandwiches.

Il y a l'incontournable et idiote question : est-il conservateur ou réformateur ? Je n'ai jamais compris qu'on applique des catégories politiques à une autorité spirituelle. Tant qu'on y est, pourquoi ne pas se demander s'il est de gauche ou de droite ? Un pape est forcément conservateur puisque sa foi est vieille de 2 000 ans et forcément réformateur puisque cette foi a dû se réformer pour subsister durant deux millénaires.

Mais sur les problèmes de société, l'avortement, le préservatif, le mariage homo ? Qu'est-ce qu'un pape en a à foutre des problèmes de société ! Il a pour lui l'absolu et l'éternité, il ne va pas s'embêter avec les misérables préoccupations humaines. Que la société se démerde avec ses problèmes : elle ne croit plus en Dieu, ne fait appel à l'Eglise que pour le décorum du mariage et l'adieu à ses morts ; qu'elle n'aille pas chercher le pape comme caution morale, qu'elle assume toute seule ses réjouissantes turpitudes !

Quant à demander l'ordination des femmes, le mariage des prêtres et la simplification du protocole du Vatican, de quoi j'me mêle ? Ce ne sont pas des athées, des indifférents, des anticléricaux qui vont expliquer comment l'Eglise catholique doit se comporter et ce qu'elle doit faire ! Pour eux, les rites n'ont aucun sens : pourquoi voudraient-ils leur en donner ?

La seule et l'unique nouveauté, c'est que ce pape est jésuite. Mais qu'est-ce que ça dit aux gens d'aujourd'hui, le mot de jésuite ? Partisan de Jésus, sans aller chercher plus loin, sans savoir qu'en leur temps les jésuites étaient de formidables intellectuels combattus par ... le pape ! Encore il y a trente ans, pas mal de personnes se souvenaient de leur scolarité chez les Pères et n'auraient pas une seconde associé un jésuite à quelqu'un de sympa. On doit à la Compagnie de Jésus d'avoir formée dans ses écoles toute une génération d'athées et d'anticléricaux solides et obtus.

Que demande notre société déchristianisée à un pape dont elle n'a rien à faire ? Qu'il ressemble à tout sauf à un pape. Et quand celui-ci, in fine, aura cessé d'être chrétien, tous pourront le trouver formidable, cet homme-là, et crier cette fois sans réserve : Viva il papa !


Sur le même sujet mais sous une perspective différente, vous pouvez utilement consulter billet et commentaires de http://anevert.blogspot.fr/

1 commentaire:

Ane-Vert a dit…

Ta sociologie des discours médiatiques n’est pas inintéressante, mais pourquoi prendre comme référence les pires des médias ? Enfin tu fais une petite exception en renvoyant tes lecteurs sur mon blog mais c’est un peu court (et même très court).

Si on transposait ton texte à la politique la seule question qui vaille serait « combien de croyants et de pratiquants en Politique ? », l’intérêt de la Chose publique réduite aux petites phrases et aux postures que distillent les médias de masse …etc. Est-ce que François Hollande deviendra populaire le jour où il dira qu’il n’est plus socialiste ou le jour où il se décidera à se coiffer d’une casquette plébéienne ?... Suffit-il de proclamer urbi et orbi qu’on ne regarde que TF1 pour faire peuple ? etc

Crois tu vraiment que les lecteurs de ces médias, nous tous, ne soyons plus qu’un peuple écervelé, sans mémoire, sans histoire, sans désirs, sans espérance, qui ne s’intéresse qu’au foot et au sandwich que nous mangerons demain à midi ?

Personnellement dans le retentissement de cette élection j’entends que pour beaucoup d’entre nous, au delà des questions de foi (tu as lu les grands mystiques et tu dois avoir aperçu que la foi n’est pas un bunker ni un hochet à vantardises qu’il suffit d’agiter dans le vent ; dans ce quelle a de plus admirable et respectable la foi est traversée par le doute et se refuse de faire frontière entre les créatures), l’intérêt que nous y portons tient au souvenir des bouts de chemin que nous avons fait avec l’héritage chrétien. Pour le meilleur ou pour le pire selon nos trajectoires de vie et de lectures. J’ai eu la chance personnellement d’en côtoyer surtout le meilleur, c’est une histoire qui n’est pas close et dont j’ai voulu témoigner, de façon peut-être trop émotionnelle ( j’ai écrit la nuit même de l’événement). Avec la conviction que ce qu’il y a de meilleur dans le projet et l’identité de la gauche, vient du meilleur de cet héritage que nous a légué le christianisme. Chateaubriand l’a écrit avant moi mais je m’y rallie volontiers : le programme « Liberté, Egalité, Fraternité » était déjà dans l’Evangile, il reste largement à accomplir dans l’ensemble des institutions humaines.