vendredi 15 mars 2013

Gaby Portemer



Je ne le voyais plus depuis déjà quelques temps dans les cérémonies patriotiques. La dernière fois, c'était devant le monument de la Résistance, aux Champs-Elysées, où il m'avait dit : "La tête est encore là, mais le corps ne suit plus", au bras de son épouse Simone, toujours alerte. Mardi, le corps a définitivement lâché Gaby Portemer. Je le connaissais parce qu'il était ancien combattant, à ce titre très présent dans la vie locale, et sympathisant socialiste.

On me demande parfois : c'est quoi un sympathisant ? Il est vrai que cette catégorie, entre électeur et militant, peut sembler imprécise. Gaby en fournit une excellente définition : c'est un fidèle qui assiste à à peu près toutes les réunions publiques. Il était dans ce cas, quelle que soit l'élection, quel que soit le candidat, pourvu qu'il soit socialiste. Jamais il n'a adhéré au parti, jamais il n'a figuré sur une liste municipale (du moins à ce que j'en sais, depuis ma présence à Saint-Quentin en 1998). Sa fidélité s'exprimait autrement.

Je n'ai de lui qu'une image de retraité, je n'ai vécu de lui que sa période âgée, et même très âgée puisqu'il nous quitte à 90 ans. C'est un sentiment étrange que de connaître des gens au terme de leur existence, dans l'ignorance de ce qu'ils ont pu être et faire avant, pendant très longtemps. Gaby, je l'ai souvent imaginé jeune, je ne sais pas pourquoi : je le vois en grand jeune homme séducteur, gentil, très souriant, les yeux pétillants, se tenant bien droit, avec une belle allure, Simone à son bras, une femme de caractère dotée d'un petit air mutin. Ils ne se sont pas quittés, accrochés l'un à l'autre dans les réunions du PS ou les défilés à travers la ville. Ils se sont quittés mardi, après toute une vie.

Gaby Portemer, c'était d'abord pour moi un prénom rare : je n'ai aucun élève, aucun ami, aucune connaissance qui s'appellent comme ça, à part Gaby Portemer. Ce n'est pas rien, un prénom. Le sien me faisait inévitablement pensé à la chanson de Bashung, qui n'était pas pourtant de sa génération. Et puis aussi à l'actrice très populaire Gaby Morlay, dans son immortel film " Le Voile bleu", en 1942, à une époque où Gaby, le mien, de Saint-Quentin, portait les armes dans la Résistance. Là aussi, je l'imagine en jeune homme audacieux, très physique, prenant des risques. En fait, je n'en sais rien du tout, il ne m'a pas raconté et je n'ai jamais demandé. Mais Gaby Portemer était Résistant, c'est ce qui restera de sa vie publique, comme son titre de chevalier de la Légion d'honneur.

De métier, il était ce que je n'aurais, là pour le coup, jamais imaginé : policier ! Si enseignant socialiste est presque un pléonasme, policier socialiste n'est pas forcément un oxymore. En tout cas, cette diversité sociologique me plaisait beaucoup. Si Gaby avait été plus engagé, plus jeune, s'il avait pris sa carte, peut-être aurait-il réussi à ramener l'ordre dans la section !

Gaby Portemer était enfin le fondateur d'une belle famille, avec huit enfants et dix petits-enfants, auxquels j'adresse, ainsi qu'à Simone, mes sincères condoléances.

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