mardi 12 mars 2013

L'apocalypse blanche



En allant ce matin acheter la presse, du côté de l'avenue Faidherbe, je n'ai pas reconnu Saint-Quentin, je n'avais jamais vu la ville ainsi. Ce n'est pas la neige qui m'a surpris : il y en a déjà eu, ce n'est pas la première fois qu'elle tombe d'abondance. Non, c'est le silence et le vide : personne dans les rues, pas de voitures sur les chaussées, beaucoup de commerces fermés. On aurait dit une ville abandonnée par ses habitants après un cataclysme nucléaire, ou une cité-fantôme comme au Far-West (fantôme, avec tout ce blanc, c'est l'image qui convient). Mais à la place des ballots de paille qui traversent les rues, poussés par un vent désolant, c'était des volutes de neige.

Ah si, quand même, j'ai aperçu quelques rares humains et véhicules, mais qui se déplaçaient très lentement, par peur d'un accident, comme dans une scène de film au ralenti. Aux lampes de ville pendaient des stalactites de glace qui faisaient préhistoriques. Pas facile d'avancer dans l'épaisseur de neige : à certains endroits, j'en avais presque jusqu'aux genoux, un peu comme si j'étais dans une rivière. Je suis rentré tout mouillé. D'ailleurs, les monticules de neige travaillés par le vent ressemblaient parfois à des vagues d'océan. C'était vraiment joli. Au milieu de la rue Mariolle-Pinguet, une automobile abandonnée bloquait le chemin, renforçant l'impression d'apocalypse. Des gens aux fenêtres prenaient des photos.

De retour, j'ai su par courriel que mon lycée fermait demain, que plusieurs animations philosophiques (voir mon billet d'hier, "Une semaine très animée") étaient reportées. A la radio, j'ai appris qu'il y avait des centaines de kilomètres de bouchons sur les routes, des dizaines de milliers de foyers privés d'électricité, des millions de gens ayant froid et deux morts. Les autorités recommandent de rester chez soi. Des trains sont bloqués, des automobilistes sont prisonniers de leurs automobiles, dans la faim, la soif et la fatigue. D'autres partent à l'aventure, errant sur le bord des routes.

Des secours ont été mis en place : les gares et les gymnases hébergent les survivants du froid et de la neige, des magasins sont réquisitionnés pour les ravitailler. On annonce que la ville du Havre est coupée du monde, que l'armée a été mobilisée. RTL a bouleversé ses programmes, avec des flashes spéciaux au moins toutes les demi-heures, pour faire le point sur la situation, bizarrement appelée "épisode", comme dans un feuilleton. Il n'est question que de "pluies verglaçantes" et "averses de neige", qui donnent froid rien qu'à écouter (qu'est-ce ça doit être à la télé ...).

Chez moi, j'ai laissé les volets fermés une bonne partie de la matinée. En les ouvrant, miracle ! Mon trottoir avait été débarrassé de sa neige, très proprement, sans que je n'ai besoin d'aller chercher ma pelle. Un bon voisin s'en est chargé, déblayant d'ailleurs pas mal d'autres trottoirs alentours (oui, ces comportements-là existent encore ...). Une apocalypse blanche et un miracle, c'était ma matinée.

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