mercredi 21 novembre 2012

Les partis et la démocratie



Ce qui s'est passé en début de semaine à l'UMP pourrait susciter mon ironie de socialiste. Mais je n'en ferai rien : au contraire, mon sentiment est à la gravité, à la tristesse et à l'inquiétude. Qu'un grand parti d'alternance et de gouvernement se déchire ainsi pour désigner son leader, c'est dramatique pour la démocratie, pour l'image de la politique. On ne doit pas en sourire ni l'exploiter. L'ironie est toujours malvenue en politique, qui est une activité sérieuse.

Entre Copé et Fillon, le problème n'est pas dans le faible écart des résultats. La démocratie a souvent été confrontée au ric-rac, qui n'enlève rien à la légitimité du gagnant : la majorité, principe majeur de la République, c'est la moitié plus une voix, qui sera toujours supérieure à la moitié moins une voix. Aux Etats-Unis d'Amérique, quand il y a eu confusion lors d'une élection présidentielle, le système n'a traversé aucune crise, il y a eu simplement recomptage dans les endroits litigieux.

Mais le mal en France est plus profond : c'est tout le problème des rapports difficiles entre nos partis politiques et la démocratie qui est posé. Depuis la Libération, nous avons vécu avec deux grands partis politiques qui n'étaient pas de nature démocratique : le parti gaulliste et son culte du chef, le parti communiste et son centralisme stalinien. Entre les deux, le parti socialiste avait une vie démocratique plus intense, mais certaines de nos fédérations pratiquaient allègrement la fraude aux élections internes. Ce déficit démocratique n'est pas essentiellement dû à la mauvaise volonté des hommes ; c'est une question de culture, de mentalités et de procédures, pour quatre raisons :

1- Un parti politique cultive l'entre soi, l'esprit de "famille" au plus mauvais sens du terme. Son linge sale, il ne le lave pas en public : du coup, il n'est jamais lavé ! La proximité favorise le laisser aller, les tentations de fraudes et de magouilles.

2- Les règles d'un parti politique ne sont pas toujours strictement définies. En la matière, il n'y a pas de droit spécifique qui prévale. Pas de Code des partis comme il y a un Code maritime ! C'est l'exemple de ma mésaventure à Saint-Quentin, qui m'a conduit à déposer un recours. La notion exclusive de "candidat désigné" (par une motion), à laquelle on veut m'astreindre, ne me semble ni démocratique dans son esprit, ni statutaire dans sa lettre. Elle a contre elle l'antériorité de la pratique (la jurisprudence, dirait-on en termes de droit), où plusieurs candidats d'une même motion se sont déjà présentés sans difficulté.

3- La démocratie a une dimension formelle et même rituelle, symbolique, qu'il faut respecter, qui n'est pas du tout secondaire ou superflue. On ne va pas voter n'importe comment, on ne fait pas n'importe quoi. Il est probable que la tenue des bureaux de vote a donné lieu, à l'UMP, en certains endroits, à du laxisme et à du relâchement, qui génèrent ensuite des cafouillages. A la section de Saint-Quentin, tel que L'Aisne Nouvelle a décrit le scrutin (auquel je n'ai pas participé), quand je constate que l'urne (transparente et réglementaire lorsque j'étais secrétaire de section) est une "boîte à chaussures", que l'isoloir est un "placard", que l'assesseur est l'un des candidats, que la soirée Beaujolais commence bien avant que les opérations de vote se terminent, je me dis que ce n'est pas la démocratie mais le foutoir ! Et qu'on ne me dise pas que je suis un rabat-joie : la convivialité cramoisie peut attendre, voter c'est du sérieux.

4- Une élection générale bénéficie du soutien et de l'organisation de l'administration publique, qui a le bénéfice de la compétence, de l'expérience et de la neutralité. Ce n'est pas le cas dans un parti politique, qui ne peut compter que sur les bonnes volontés et les militants disponibles : c'est précieux mais ce n'est pas non plus une garantie d'efficacité. Soyons donc indulgents envers les partis qui font l'effort de pratiquer la démocratie, dont l'exercice n'est jamais facile, et ne moquons pas les inévitables travers, y compris quand ils sont spectaculaires, comme aujourd'hui à l'UMP, comme hier au congrès de Reims du PS.

En matière d'exemplarité démocratique, il y a tout de même un modèle, dont les partis politiques devraient s'inspirer : les primaires citoyennes du parti socialiste, modèle d'organisation, de mobilisation et de réussite. Electorat ouvert, contrôle strict du scrutin, campagne plurielle, aucune contestation au final, légitimité du vainqueur, respect des vaincus, et en prime la victoire à la présidentielle ! A Saint-Quentin, aux primaires, pas de boîte à chaussures, pas de placard, pas d'assesseur candidat, pas de bouffe ou de bouteille qui traînent : des bureaux de vote nickel, démocratiquement corrects. C'est pourquoi je
réclame la même procédure pour les prochaines élections municipales à Saint-Quentin.


(billet rédigé et publié avant le rebondissement du début d'après-midi)




6 commentaires:

de gauche a dit…

mais quand même..( que ce soit pour le PS ou l'UMP):les organisateurs de ces scrutins ne sont pas des novices;on ne confierait pas ce genre de manifestation à des personnes sans expérience ou alors en effet c'est le foutoir;je ne vois pas beaucoup d'excuses à ces dysfontionnements sinon ,hélas, la volonté ou de sabotage ou de tricherie et dans les deux cas ça ne va pas motiver des non-adhérents à le devenir et de plus ça donne du grain à moudre aux tenants du " tous pourris" ou "tous incompétents"; la Marine française va encore se régaler et, comme chez Pagnol,ne pas se gêner nous dire (à nous les républicains)m...

Emmanuel Mousset a dit…

Les fascistes n'ont pas besoin de ça pour se régaler. Ce sont des vautours qui mangent du cadavre. Je persiste à dire que l'organisation démocratique est un exercice très complexe et que les hommes restant les hommes, les risques de bug généralisé, comme en ce moment à l'UMP, sont nombreux.

de gauche a dit…

mon propos portait plus sur la forme- l'organisation- que sur le fond;par exemple on reçoit ce jour de la fédé02 du PS02 un avis de la disparition de Michel Lefévre..qui nous a quittés le 1er juin..sans commentaires

Emmanuel Mousset a dit…

C'est vous qui êtes dans l'erreur : c'est un homonyme, Michel Lefèvre, laonnois, ancien premier secrétaire fédéral du PS. Rien à voir avec l'ancien président de la FOL.

de gauche a dit…

dont acte et plus que jamais penser à vérifier ses informations avant de réagir; "errare humanum est"

Anonyme a dit…

On sait déjà que ni coppé ni fillon
ne seront désignés candidats en 2017, car ils se donnent une sacrée casserole. Tout comme après Reims, ni martine ni ségolène n'ont été candidates en 2012.