mardi 6 novembre 2012

Pacte de compétitivité



Le choix du gouvernement de suivre la "quasi totalité" des mesures du rapport Gallois est un évènement politique fondamental. Ce qu'on aurait pu craindre, c'était les demi-mesures, le mi-chèvre mi-chou, le compromis diplomatique incompréhensible et politiquement illisible : non, le Premier ministre a tranché, en faveur du rapport Gallois, et c'est heureux. Ce choix est aussi important que celui d'adopter le traité budgétaire européen. L'un et l'autre, rapport et traité, sont désormais des fondamentaux de la politique gouvernementale, des identifiants, des marqueurs idéologiques pour les prochaines années. La gauche de la gauche, et secondairement l'aile gauche du PS n'ont qu'à bien se tenir : plus question de pérorer sur la nature de la ligne gouvernementale, qui est social-démocrate pur jus, s'il était encore besoin de le démontrer. En 1983, il avait fallu attendre deux ans pour que la gauche se convertisse à la rigueur (c'est-à-dire aux exigences du marché) ; là, c'est en début de mandat, et c'est excellent car les illusions créent fatalement les déceptions. Vive enfin la gauche réaliste !

Le gouvernement a fait preuve de courage politique, la facilité aurait été de ne pas choisir. Car la droite nous attendait au coin du bois, mais le rendez-vous est pour elle raté : la gauche gouvernementale a pris ses responsabilités, alors qu'elle pouvait se défier d'un rapport ostensiblement soutenu par la droite. Se défaire de la réaction idiote qui consiste à refuser systématiquement tout ce que la droite approuve est un signe d'intelligence politique qui n'est pas si fréquent que ça. Rappelons tout de même que Louis Gallois est un homme de gauche, autrefois directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement, grand patron d'entreprises prestigieuses, nommé par le gouvernement pour réfléchir à la compétitivité française, un mot qui est mal porté à gauche, à tort.

Pourtant, le fond du problème économique est là : la compétitivité. Est-ce que la France peut continuer avec des millions de chômeurs et des milliards de dettes ? Dans une telle situation, même pas la peine de penser à de nouvelles conquêtes sociales, quand ce sont les acquis des luttes ouvrières qui sont à court terme menacés. Tant que les économies étaient nationales, largement protégées, tant que le reste du monde était sous-développé, le marché fonctionnait à la simple concurrence. Avec la mondialisation, c'est de guerre économique dont il faut parler : des pans entiers de notre industrie s'écroulent, les produits étrangers s'imposent parce qu'ils sont plus performants, l'emploi est à la ramasse, quand quelques postes sont créés quelque part c'est champagne, alors que ce sont des milliers dont nous aurions besoin !

Cette guerre économique n'est pas forcément une tragédie planétaire, si on la replace dans l'histoire de l'humanité : jadis, pendant des millénaires, c'était la guerre militaire qui prévalait, et c'était pire ! Au moins, quand les entreprises remplacent les armées, la lutte est pacifique et le résultat est souvent la prospérité, au lieu de la conquête territoriale (la mondialisation permet aux pays pauvres de s'enrichir). En même temps, la guerre reste la guerre, avec son lot de souffrances cette fois sociales, auxquelles il faut remédier. C'est ce que propose le rapport Gallois, plébiscité par le gouvernement : décharger les entreprises pour les rendre plus compétitives sur le marché mondial, il n'y a pas d'autres solutions. Le Premier ministre a dit, avec la gravité nécessaire, les choix à faire pour éviter le déclin. Car l'enjeu est celui-là : la survie de l'économie française, qui aujourd'hui ne produit rien, ne vend plus, n'exporte pas (je force le trait volontairement, mais la tendance est bel et bien là). Ce fameux "pacte de compétitivité" est certainement un pacte avec le diable, puisque le capitalisme a des côtés diaboliques ; mais c'est à ce prix que le bien sera préservé. Il vaut mieux ça que les bonnes intentions révolutionnaires dont l'enfer est pavé.

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