lundi 26 novembre 2012

En dernier recours



Avec tout ce foin qui est fait à l'UMP, il y a un mot qui revient souvent et qui sonne familièrement à mon oreille : "recours". Avant le tumulte national, il en avait été question localement : mon recours déposé auprès des instances de mon parti pour faire invalider l'élection du secrétaire de section, pour non respect des règles et entrave à la liberté de candidature. Si je m'attendais à ce que le mot soit popularisé à un tout autre niveau et avec des conséquences sans mesure ...

Mais à bien y réfléchir, à des échelles différentes se posent les mêmes problèmes, celui d'un fiasco, d'un échec : quand un parti ne fait plus de politique, quand il se perd dans des débats administratifs ou juridiques, quand il n'a plus pour seule référence que le livre froid des statuts, c'est qu'il est très mal parti ! N'est-ce pas aussi ce qui est recherché ? Egarer dans des querelles de procédure afin de ne pas aborder le vrai débat, qui est politique. A Saint-Quentin, j'aurais bien voulu mettre sur la table le bilan du secrétaire de section et offrir une alternative sur laquelle mes camarades auraient pu donner leur avis et se prononcer ...

Un recours a rarement un avenir. Voyez ce qui se passe à l'UMP : Fillon et Copé ont chacun déposé un recours, mais on ne voit pas du tout où cela peut conduire. Ce qui amène certains à se demander si le seul recours ne serait pas, non une règle mais un homme, Nicolas Sarkozy ! En politique, les textes ne peuvent ni ne disent pas tout. Même si la commission des recours, qui est au travail, délibère, Fillon a déjà averti qu'il n'en tiendrait pas compte, ne lui faisant pas confiance.

Si j'en reviens à ma situation, mon recours est original, puisqu'il précédait le scrutin, a priori en quelque sorte. Ce n'est pas, rigoureusement parlant, un "dernier" recours mais plutôt un premier ! Mais à Saint-Quentin, les comportements de gauche ont souvent une dimension baroque (le PS a deux sections, et c'est maintenant le PCF qui s'y met, avec deux sections concurrentes lui aussi !).

"Recours", le mot avait été aussi prononcé pendant les élections législatives de cette année, par Anne Ferreira, contre Xavier Bertrand : là, c'est une histoire de drapeaux et d'affiches aux fenêtres d'un appartement privé, devant un bureau de vote, qui avait justifié la démarche, cependant vite avortée. Anne, hésitante, a finalement renoncé à "rattraper" ses 222 voix qui auraient pu la faire gagner. C'est que le dépôt d'un recours demande de la détermination : il faut s'engager à aller jusqu'au bout, qui est incertain.

Quand François Fillon envisage de faire appel à la justice, quand ses amis évoquent une possible scission, je crois qu'ils vont trop loin. Le recours interne est en soi le signe d'un échec collectif ; mais l'affaire mise devant les tribunaux, c'est la négation même de la politique, qui est faite de compromis, de rapprochement, d'arbitrage. Un parti où les dirigeants n'arrivent pas à s'entendre ne peut pas prétendre à diriger ou à gérer quoi que ce soit. Le recours à la loi est la pire chose qui puisse advenir à une organisation politique. C'est d'ailleurs historiquement très rare.

Une dernière réflexion à propos de la notion de "recours" : ce mot que je n'aime pas parce qu'il signale un échec, c'est aussi un mot qui a pu être utilisé comme une stratégie positive, un principe politique. Je pense bien sûr au général de Gaulle, se posant dans les années 50 comme un "recours" possible à la crise de régime que traversait alors la France. Faire figure de recours, c'est se mettre en retrait, rester en situation de surplomb, attendre qu'on vienne vous chercher : je déteste ça. La posture allait bien à de Gaulle parce que c'était de Gaulle. Pour le reste, faire de la politique, c'est s'imposer, ce n'est pas attendre qu'on vienne vous solliciter. "Recours", non vraiment je n'aime pas ce mot. Et j'utilise le procédé parce que j'y suis contraint et forcé.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

En général,
on n'aime pas être en retrait en position de recours quand on sait justement qu'on ne viendra jamais faire appel à vous.

Emmanuel Mousset a dit…

En politique, on ne fait appel à vous que pour vous instrumentaliser. Personne ne donne gratuitement le pouvoir à personne. L'homme politique véritable se fait lui même, sans attendre des autres. De Gaulle, homme exceptionnel, était une exception.