mercredi 7 novembre 2012

A mes amis chrétiens



La loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe est abordée aujourd'hui en conseil des ministres. Elle fait débat, et c'est normal. L'hostilité vient essentiellement des milieux religieux, on comprend bien pourquoi. Chacun ses opinions, et je reconnais que cette loi puisse susciter des inquiétudes, des réticences, et même choquer. Je ne chercherai pas à convaincre, respectueux des différents points de vue. Mais j'aimerai tout de même rassurer mes amis chrétiens sur ce fameux "mariage pour tous" :

1- A l'époque du Christ et de saint Paul, la notion d'homosexualité n'était pas du tout la même qu'aujourd'hui. Sous l'empire romain, elle était associée au débordement des sens, à la licence ; elle était condamnée par les chrétiens au même titre que n'importe quelle autre forme de concupiscence. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas : l'homosexualité est une relation sentimentale et affective entre deux êtres, qui cherchent légitimement une reconnaissance publique de leur amour à travers le mariage.

2- Le "mariage pour tous" est un dispositif juridique, l'élargissement d'un droit, et absolument pas la promotion d'un mode de vie ou d'un comportement sexuel, sur lesquels le législateur n'a pas, en République, à se prononcer. Nous sommes ici dans l'ordre de la loi, pas dans une préférence idéologique ou éthique.

3- L'accès des homosexuels au mariage civile ne menace aucunement le mariage religieux et ses fondements transcendantaux. Au contraire, la dimension singulière et sacrée de celui-ci n'en sera que plus renforcée. En effet, il faut distinguer le mariage en tant que contrat et le mariage en tant que sacrement : le premier est une nécessité sociale à base d'intérêts individuels (la subsistance matérielle de la famille, la protection de la propriété, les avantages fiscaux, les droits de la descendance), le second est un acte surnaturel, un engagement devant les hommes et devant Dieu, une promesse d'amour et d'éternité. On voit que les termes ne sont pas les mêmes, bien qu'ils s'entrecroisent. Remarquons que dans le débat autour du mariage homosexuel, personne n'envisage d'élargir le sacrement du mariage aux personnes de même sexe, personne ne remet en cause la différence anthropologique entre l'homme et la femme que les religions ont choisi de défendre, comme c'est leur droit.

4- L'adoption du "mariage pour tous" ne menacera nullement la civilisation, comme le craignent certains religieux. Qu'est-ce qui sape les fondements d'une société ? Le vol, le mensonge, le crime, la cruauté, la guerre, le mal, et c'est pourquoi la Bible, à juste titre, les condamne. Mais pas l'extension du mariage aux couples homosexuels : on peut le désapprouver, on ne peut pas le soupçonner d'une telle portée apocalyptique et cataclysmique ! Le passage des homos devant monsieur le maire n'empêchera pas la terre de tourner ni n'éteindra le soleil ...

5- Il n'y a pas non plus à craindre une dérive vers la polygamie, l'union incestueuse ou je ne sais quelle autre liaison perverse, dont l'angoisse est plus le produit du fantasme que d'une sage réflexion. L'inceste est un crime, la polygamie est une discrimination : le "mariage pour tous" est un contrat librement consenti entre personnes conscientes et responsables, soumises à des droits et à des devoirs, dans un cadre républicain et selon les normes morales les plus couramment admises. Je ne vois pas où est le danger, où est le possible glissement vers des horreurs que tout le monde condamne.

6- Le mariage homosexuel ne concernera, forcément, qu'une minorité de personnes, et même sans doute très peu. Comme dans tous les pays qui l'ont adopté, il sera vite banalisé et le scandale provoqué ne sera plus alors qu'un souvenir incompréhensible.

7- Quant à l'adoption des enfants, l'essentiel pour moi est que des petits êtres puissent trouver des gens qui les aiment et les protègent, quand la vie les en a privés. La sexualité des parents adoptifs me semble une question secondaire et discutable. Bien des enfants, dans l'histoire de l'humanité, n'ont pas été élevés dans le cadre de papa-maman : en ont-ils pour autant souffert ? En sont-ils des victimes ? A l'inverse, le couple hétérosexuel classique est-il nécessairement une sérieuse garantie de bonne éducation ? Laissons ce débat contradictoire aux psychologues et restons-en au besoin d'adoption de l'enfance malheureuse, félicitons-nous de l'amour que certains, hétéros ou homos, veulent leur donner, en nous réjouissant qu'il puisse exister.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Et combien y a t il d'enfants à adopter en France ?
Aucun les listes d'attentes sont de 7a, tout cela est une vaste fumisterie.

Emmanuel Mousset a dit…

S'il y a des "listes d'attente", c'est la preuve qu'il y a des enfants à adopter.

Anonyme a dit…

Faire de la rhétorique sur un sujet aussi sérieux quand on a vos ambitions.
Ce n'est pas raisonnable.
Les pupilles de l'état étaient plus de 10 000 en 1985,
ils ne sont plus que 2000 aujourd'hui et le chiffre est en constante diminution.
Il est donc fort probable qu'il ne restera quasiment plus d'enfants à adopter quand les futurs adoptants que vous voulez créer seront en situation de le faire.
Ma remarque ne portait pas sur le fond de la question mais sur la forme.
Faire autant de battage pour prétendre accorder un droit qui risque de ne jamais être effectif, c'est se moquer de ceux qui voudraient pouvoir exercer ce droit à l'enfant.

Emmanuel Mousset a dit…

Les adoptions concernent aujourd'hui l'enfance abandonnée à travers le monde, pas les pupilles de l'Etat.

Emmanuel Mousset a dit…


A E. Mousset à propos de son papier sur le mariage des homosexuels:

1/ Pourquoi s'adresser seulement aux chrétiens et pas aussi aux musulmans, juifs qui par leurs responsables religieux ont fait connaître leur position hostile au mariage des homosexuels? Pourquoi ne pas s'adresser aussi à toutes les personnes athées ou agnostiques qui sont également nombreuses à manifester la même hostilité?

2/Pourquoi ne pas citer, ne serait ce que pour les contredire, les développements des autorités religieuses, en particulier ceux des Evêques de France et celui du Rabbin Bernheim? Vous y trouverez sinon des réponses à vos propres arguments, du moins des considérations qu'il est pour le moins nécessaire de prendre en compte.

3/Ce qui sape les fondements d'une société, c'est d'abord et en premier lieu le mensonge. Or, la nature est ainsi faite que l'homme naît d'un père et d'une mère, il ne naît pas de deux personnes d'un même sexe. Sans nier l'importance du père et de la mère "historiques", il serait tout aussi mensonger de nier l'importance du père et de la mère biologiques. L'homme est à la fois corps et esprit, et il n'y a pas lieu de privilégier l'un à l'autre, les deux ont la même importance et doivent être tenus ensemble. C'est dans ce sens que le cardinal Vingt Trois a parlé de supercherie à propos de projet.

4/Dans votre argument 3, vous parlez de différence anthropologique entre l'homme et la femme "que les religions ont choisi de défendre"...Mais si différence il y a , et j'en suis d'accord, il n'y a pas de choix à exercer. cette différence s'impose et n'a rien à voir avec l'égalité des droits de l'homme et ceux de la femme. A mon avis cet argument se retourne contre votre position.

4/Comment justifiez vous vos propos sur l'inceste et la polygamie? Au nom de quoi, s'il suffit d'aimer, pouvez vous considérer que l'inceste et la polygamie sont à "bannir"?

5/Votre argument No 6 révèle à mon avis votre malaise dans ce débat, ou alors il n'est pas opportun.

6/ La possibilité de la PMA est actuellement exclue du projet de loi, ce qui montre là encore le malaise et le doute sur le bien-fondé de ce texte, à moins que ce ne soit une astuce pour faire passer le projet, et dire dans quelques mois ou quelques années que finalement il n'y a pas lieu d'exclure la PMA.(voir ce qui avait été dit lors du vote du PACS, notamment par Mme Guigou). Le recours aux mères porteuses est alors indispensable et là aussi, cette question fait débat chez pratiquement tous les pédo- psychiatres, y compris ceux qui seraient favorables au projet de loi.

5/On ne change pas comme cela une institution aussi importante que celle du mariage, qui, je le souligne, n'a pas été inventée par l'Eglise. Pour le moins un débat très large est nécessaire et le changement, si changement il doit y avoir ne devrait pas être possible sans un large consensus, qui doit donc aller bien au delà d'une simple majorité parlementaire.

A votre disposition pour poursuivre l'échange.

JC GRAND.