jeudi 3 juillet 2014

Sarkozy, les autres et lui



Dans son intervention télévisée hier soir sur TF1, Nicolas Sarkozy s'est très mal défendu et a contribué, par ses propos, à dégrader cette fonction présidentielle, dont je souhaitais dans mon billet précédent qu'elle soit préservée de ces affaires, pour que l'extrême droite n'en tire pas profit. C'est raté, à cause de cet interview à contretemps de l'ancien chef de l'Etat, qui aurait mieux fait de se taire. Je veux bien le présumer innocent, comme l'exige notre droit. Mais que ses démêlés avec la justice demeurent privés, nonobstant le spectacle qu'en donnent les médias. Nicolas Sarkozy doit s'expliquer devant les juges, pas devant les caméras. A la limite, ce passage sur le petit écran est un aveu de grande faiblesse. Moralement, c'est un manque de décence, de distance, de pudeur.

Quant au fond de ses arguments, c'est qu'ils n'ont guère de fond. Ce n'est pas une ligne de défense, c'est un zigzag. On a presque du mal à croire, le voyant et l'écoutant, que cet homme-là ait pu être un jour président de la République, premier magistrat de ce pays, garant des lois. Le dépassement de ses comptes de campagne ? Il nous raconte que c'est si peu (400 000 euros), au prorata des millions de voix qu'il a obtenus. Qu'un ancien chef de l'Etat raisonne ainsi est hallucinant : aurait-il dépassé d'un euro en étant élu par la terre entière qu'il s'en serait pas moins en faute pénale. Nicolas Sarkozy a toujours eu un problème avec l'argent, mais autant avec la loi, à ce que je peux voir.

Son explication, répétée comme un élément de langage, c'est qu'il y a dans son histoire "instrumentalisation de la justice". Ce qui signifie que la justice n'est plus libre ni indépendante, qu'elle n'est donc plus une véritable justice, que nous ne sommes plus en République, ce régime qui se reconnaît à la séparation de ses pouvoirs. Qu'un homme de la rue, pas très au fait de ces choses, emporté par ses préjugés et ses ressentiments, réagisse ainsi, on pourrait le comprendre. Mais venant d'un ancien président de la République, c'est inadmissible. Et sa pauvre dialectique, qui consiste à dénoncer "une petite minorité" de magistrats engagés politiquement, ne tient pas : c'est tout le corps judiciaire auquel les citoyens doivent le respect, surtout le premier d'entre eux. Cette distinction entre des bons juges et des méchants juges est misérable.

Pour couronner le tout, pour achever de nous convaincre que Nicolas Sarkozy a fait une très mauvaise action, il y a cette facilité, ce subterfuge qui consiste à déplacer le débat, à minauder en jouant à la victime, en nous inventant la fable de "l'humiliation" (nous aurons du mal à le plaindre, même en nous forçant), en attaquant, c'est un comble, le gouvernement, en traitant de "menteurs" le Premier ministre et la Garde des Sceaux, en dénonçant Michel Sapin et François Hollande. C'est une fuite en avant qui fait pitié. "C'est pas moi, c'est l'autre", comme disent les enfants pris le doigt dans la confiture. Ces histoires d'écoutes téléphoniques ne viennent que rajouter de l'embrouille à l'embrouille. Ce que je sais, c'est qu'elles ont été décidées légalement, par un magistrat. Là aussi, Nicolas Sarkozy devrait en rabattre un peu. Son caquet le dessert.

Le problème de cet homme, pour lequel je ne me fais aucun souci (il a des amis, des relations, des soutiens et il voudrait nous tirer une larme sur son sort), son problème, ce sont les autres : les magistrats, les journalistes, ses adversaires et même ses proches, qui sont à ses yeux dans l'erreur, sauf lui, lui, encore lui, toujours lui. Car hier soir, Nicolas Sarkozy n'est venu à la télévision que pour nous parler de lui et de ses problèmes, dont les Français se fichent, y compris ceux qui ont voté pour lui. Un homme politique, un vrai, un grand, ne parle pas de lui, mais des autres, de LEURS problèmes. Nous avons eu droit hier soir à un déballage personnel, un exercice d'anti-politique qui augurent mal de son retour sur la scène publique. Je ne m'en plaindrais pas. La droite a sûrement mieux en magasin à nous proposer. Qu'elle le fasse vite : il y va de la bonne santé de la démocratie, même si je souhaite bien sûr longue vie à la gauche au pouvoir (l'éternité, ce serait présomptueux).

3 commentaires:

tourtinet a dit…

Je ne peux que confirmer qu'il doit s'expliquer devant les juges et pas devant les caméras . Lui l'avait si bien fait remarquer lors de l'affaire Strauss-Khan https://twitter.com/ProfesseurBang/status/484292898599755777/photo/1



[PS: je précise, Je ne défends pas Strauss-Kahn sur l'affaire -qui date d'ailleurs- mais quand même Sarkozy avait critiqué ce qu'il fait cette année)

Emmanuel Mousset a dit…

La différence notable, c'est que DSK n'était pas président de la République et qu'il ne s'en prenait pas aux juges.

Anonyme a dit…

Bien vu dans le mag : l'eau est le souci number one de la population .... Mais la complicité tacite entre les administrations centrales et des collectivités fait que même des élus de très haut niveau ont d'énormes difficultés à avoir les infos en permanence ... Pour le plomb mais aussi maintenant pour les perchlorates , triste et long héritage de 14 // 18 ..En PICARDIE principalement ..

A suivre ....