mardi 15 juillet 2014

Non au Nord !



Mauvaise nouvelle : le mariage entre la Picardie et la Champagne-Ardenne a été conclu il y a quelques semaines, j'ai alors célébré avec joie cette union, souhaitant longue vie politique et bonheur économique aux époux. Patatras ! Il est aujourd'hui question de divorce, d'après ce qui se dit à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas complètement surprenant : le lobbying a joué à fond la caisse. Tout le Conseil régional de Picardie avait dit non, gauche, droite, écolos et FN unanimes. Les conseils généraux sont restés en retrait dans ce débat : l'Oise lorgne toujours vers Paris, la Somme se reconnait sans problème dans le Nord-Pas-de-Calais et Yves Daudigny, pour l'Aisne, avait singulièrement exprimé son indifférence, préférant se réserver pour un autre combat, la préservation du département.

Au final, quels étaient les partisans de la Champicardie ? Jean-Pierre Balligand l'a toujours défendu, Pierre André a manifesté son intérêt et les milieux économiques ont souligné toute l'importance d'une telle grande région. Mais leur poids aura été insuffisant, devant la résistance ou la force d'inertie des collectivités territoriales existantes. Je ne reprends pas les arguments en faveur de l'union entre la Picardie et Champagne-Ardenne, que j'ai amplement développés dans de récents billets. Je veux plutôt m'interroger sur les raisons de cet échec, d'un tel désamour.

Le plus surprenant, le paradoxe, c'est que le Nord-Pas-de-Calais est moins prompt que la Champagne-Ardenne à ouvrir ses bras à la Picardie. Qu'est-ce qui pousse donc celle-ci à lui forcer la main ? Les arguments historiques et culturels sont foireux, et particulièrement réactionnaires, lorsqu'on se prétend de gauche . Alors quoi ? Il y a sûrement des soubassements psychologiques à cette réticence envers la Champagne-Ardenne. N'oublions pas d'abord que le premier choix des conseillers régionaux picards, c'est la Picardie toute seule, en célibataire : pour que rien ne change, en se coulant dans un conservatisme presque naturel, un entre soi rassurant. Faute de mieux, parce que le gouvernement voulait fermement cette réforme, il a fallu se replier sur un pis aller, le Nord.

Mais pourquoi le Nord, et pas, tant qu'à faire, foutu pour foutu, la Champagne-Ardenne ? Ne pouvant préserver une identité, le réflexe a été sûrement d'aller chercher une proximité, une consanguinité fantasmée, une parenté folklorique et passéiste. Vu de loin et de nulle part, la Picardie, c'est le Nord : va donc pour le Nord ! L'effet Bienvenue chez les Ch'tis a dû aussi passer par là. On croit toujours que derrière les grands choix politiques, il y a forcément de profondes analyses : on a tort, les sentiments, les appréhensions, les instincts sont parfois plus forts que la raison.

S'ouvrir à la Champagne-Ardenne, c'est regarder vers l'Est, ce qui n'est pas facile pour des hémiplégiques. C'est bousculer des habitudes, construire des relations nouvelles, accepter les différences d'un partenaire, concevoir un enrichissement mutuel. Les conseillers régionaux de Picardie ont préféré les terrils à la Veuve Clicquot : c'en dit long sur les mentalités qui ont présidé, d'un seul homme, à ce choix.

Nous aurions pu être les alliés complémentaires de la Champagne-Ardenne, nous serons les parents pauvres du Nord. La tour Perret aurait pu se tourner vers la cathédrale de Reims ; la Picardie restera dans l'ombre portée du beffroi de Lille. C'est une protection rassurante et désolante. La trouille l'a emporté sur le souffle. A moins que tout puisse encore changer ... Saint-Quentin, dans cette affaire, sera la grande perdante. Dans une région picardo-champenoise, elle retrouvait un rôle central bénéfique à son développement, qu'elle n'aura plus avec le Nord. Est-il encore temps de dire non au Nord ?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

vous ne comprenez pas que nous picards, passons nos weekends sur les plages du Nord Pas de Calais depuis notre enfance, qu'on a tous de la famille dans le Nord ,que nos enfants y font leurs études. qui na pas fait la braderie de lille ?, on a tous des aïeuls qui ont travaillé dans les mines ou le textile.
les flux et les échanges se font depuis 200 ans de la Picardie vers le nord , Très peu de la Picardie vers la marne ou les Ardennes.
le nord nous est familié, cet amour n est pas arrivé par le cinéma.
Même si ces dernières années le brassage avec les autres régions françaises est plus fort, il est encore bien trop tôt pour nous marier à la champagne Ardennes, car on ne souhaite pas divorcer du nord pas de calais.
Votre analyse économique est peut être juste mais nous on raisonne avec notre cœur. Nous ne sommes pas des administratifs on parle famille !

Emmanuel Mousset a dit…

La raison économique qui veut de grandes régions diversifiées n'est pas contradictoire avec le coeur et les activités familiales : tout ce que vous relatez continuera à exister, mais dans un cadre politique différent.

Anonyme a dit…

Mais il n'y a aucune "raison économique" à une région Picardie-Champagne-Ardenne !
Quel aurait été le pôle dynamique de cette région ? Reims ? Troyes ? Mais ces deux villes n'ont pas les capacités suivantes pour être motrices envers des territoires aussi éloignées d'elles que l'Oise et la Somme !
Quant à Saint-Quentin, elle doit collaborer avec Cambrai, Lens et Arras, avant de s'imaginer être l'égale de Reims, ce qu'elle n'est pas !
Pour une fois, soutenez clairement le gouvernement et le groupe socialiste : approuvez cette décision d'unir Picardie et NPDC, qui est culturellement, historiquement, géographiquement et économiquement pertinente.

Anonyme a dit…

Martine Aubry ne veut pas de la Picardie.
Elle est social démocrate et refuse la reforme territoriale du gouvernement en souhaitant qu'on ne touche pas à sa région! c est quand même fort !
la reforme pour les autres pas pour moi!

Anonyme a dit…

Le Berrichon à LA LANTERNE !!

Emmanuel Mousset a dit…

1- La capitale de la Champicardie sera Reims. Dans n'importe quel schéma régional, vous aurez des villes éloignées. Peu importe : nous vivons à l'ère de l'internet, et plus des diligences. Saint-Quentin continuera à collaborer avec les villes que vous citez, sans chercher à être l'égale de qui que ce soit. Je soutiens le gouvernement dans sa première mouture, qui était la bonne.

2- Le Nord a une identité forte, qui justifie son maintien. La Picadie est une région tampon qui doit se choisir des alliés.

3- La Lanterne, résidence de villégiature du chef de l'Etat à Versailles, ça me convient, d'autant que je n'ai pas encore choisi le lieu de mes vacances, même si je ferai un petit tour en Berry.