mercredi 9 juillet 2014

L'UMP en faillite



La semaine dernière, après la garde à vue et la mise en examen de Nicolas Sarkozy, je parlais de "catastrophe pour la République". Je pourrais reprendre cette semaine la même formule, après la réunion du bureau de l'UMP, la révélation de l'énorme déficit du parti et les accusations que se sont lancés certains de ses dirigeants. C'est catastrophique pour l'image donnée de la politique, c'est inquiétant pour la démocratie puisque l'extrême droite sera la seule gagnante. C'est pourquoi, à gauche, il n'y a aucune raison de se réjouir des difficultés de l'adversaire, et même de bonnes raisons de s'en préoccuper et de le regretter. La démocratie ne fonctionne bien qu'avec deux grands partis d'alternance et de gouvernement, de gauche et de droite : aujourd'hui, l'opposition en France est déstructurée, et c'est une mauvaise nouvelle, y compris pour la majorité.

C'est d'autant plus inquiétant que c'est sans équivalent : un grand parti de gouvernement au bord de la faillite ! Le parti socialiste a connu des scandales financiers, mais localisés à certaines fédérations aux pratiques litigieuses, le plus souvent avant les lois de financement des partis politiques et des campagnes électorales. De coupables reliquats ont resurgi et révélé des situations de corruption. Mais jamais la direction nationale ne s'est retrouvée dans l'état actuel de l'UMP. Il y aurait aussi à creuser tout un rapport à l'argent qui n'est pas le même dans les deux camps, et qui peut sans doute expliquer le laisser aller du principal parti de droite.

Ceci dit, c'est moins la quasi-faillite financière qui pose problème et qui fait scandale que la faillite politique et morale. Voir des membres éminents d'un même parti s'entre-déchirer sur des questions d'argent, de frais, de factures, de vie privée a quelque chose de déplorable et de désolant. Quand la politique est en faillite, il ne reste plus que les conflits personnels qui remontent à la surface. Mauvais signe, très mauvais signe pour la démocratie. Finalement, la crise à l'UMP a été déclenchée par cinq facteurs, très antérieurs et sans rapport direct avec l'affaire Bygmalion et l'audit rendu public hier soir :

1- La défaite. Un parti politique est fait pour gagner. La défaite ne laisse jamais indemne. Dans la victoire, la vie est toujours belle et l'avenir radieux. Mais la défaite est un puissant révélateur, un déclencheur de ce qui ne va pas dans une organisation politique. Dans l'idéal, un parti qui se bat sur une ligne juste ne peut que l'emporter. L'échec, c'est la voie ouverte à toutes les remises en cause, qui restent généralement sous le tapis en cas de victoire. On se trompe quand on parle de "cure d'opposition", en croyant qu'elle bénéficie à un parti. Non, il n'y a qu'un seul élixir de jouvence en politique, c'est le pouvoir.

2- Le leadership. On ne gagne qu'avec un chef. Lorsque l'on voit le triumvirat d'anciens Premiers ministres à la tête de l'UMP, avec un Luc Châtel choisi faute de mieux, cela fait pitié. C'était sans doute la seule solution transitoire. Mais elle affiche clairement, par l'image de ces quatre hommes devant les micros et les caméras, la crise que traverse le parti. Si en politique il faut compter sur de nombreuses têtes, au sommet il ne peut y en avoir qu'une seule. Il est possible qu'au creux de ce déficit, Nicolas Sarkozy fasse son trou et organise son retour, en chef providentiel, mais je ne crois pas trop à ce come back. La politique ne passe les plats qu'une seule fois et ne s'accommode guère du réchauffé.

3- L'unité. Dans la division, c'est fichu, ce n'est plus plus la peine d'y penser. L'UMP en est là, dans ce triste spectacle d'affrontements fratricides. Et là, cette fois, le parti socialiste a hélas déjà donné ! J'ai vu de près ce qui s'est passé au congrès de Reims, puisque j'y étais : terrible, accablant. Nous nous en sommes remis, mais à quel prix ! La division est peut-être la plaie dont on guérit le plus vite en politique, parce que la perspective du pouvoir fait rentrer tout le monde, ou presque, dans le rang. Mais on s'en passerait volontiers. Sur l'instant, on ne perçoit pas la profondeur de ses marques, qui resurgissent plus tard, parfois longtemps après. Les vrais politiques n'oublient rien, pour le meilleur ou pour le pire.

4- Le projet. On oublie volontiers cet aspect dans la crise que subit l'UMP, parce qu'on en reste aux bisbilles entre les hommes, aux coups fourrés, aux manoeuvres tordues. Mais le fond du drame, c'est quand même la perte d'identité, l'indétermination idéologique de ce parti. Au PS, nous avons su trancher, non sans difficultés, entre un revival de gauche tradi et une ligne social-démocrate inédite, en faveur de celle-ci. Il existe bien sûr des réticences et des résistances, mais à la marge, de façon résiduelle. Les "frondeurs" font un bel effet médiatique qui plaît au Figaro. Mais c'est le flop politique. Leur nom même les condamne : la Fronde a été écrasée par Louis XIV, même si je n'assimile pas François Hollande au monarque absolu. L'UMP, elle, n'a pas su (encore) choisir entre une ligne très libérale et une ligne plus gaullienne, étatique, sociale. Tant qu'elle n'aura pas de projet, elle naviguera à vue, essuiera des tempêtes et risquera le naufrage. Pendant ce temps-là, le travail d'opposition se fait à l'intérieur du PS et de son groupe parlementaire, ce qui est ni logique ni souhaitable.

5- La rénovation. Les partis politiques, quels qu'ils soient, ne peuvent plus en faire l'économie. La vie politique ne peut plus fonctionner avec les comportements, les réflexes, les méthodes, les structures des années 60-70. Le PS a été le premier et le seul à tirer les conséquences de ce changement de l'opinion et de la société à l'égard des pratiques politiques. En inventant en France le système des primaires, il a introduit une procédure novatrice qui fera florès, j'en suis sûr (et qui sera étendue à d'autres scrutins que l'élection présidentielle). C'est grâce aux primaires que François Hollande a pu s'imposer comme unique leader, faire l'unité, imposer une ligne social-démocrate, tourner la page du désastreux congrès de Reims et gagner les élections présidentielles. D'autres innovations sont attendues ; mais celle-là est majeure. La droite aussi devra s'engager dans la rénovation de ses structures. La vieille UMP, quoique ayant seulement dix ans d'âge, ne pourra pas très longtemps tenir en l'état.

Ce que je souhaite, en fin de compte, à nos adversaires politiques, c'est de redevenir nos adversaires politiques ! Tant il est vrai que la politique, en démocratie, n'est stimulante, structurante et utile que dans l'adversité.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous oubliez de dire que un clan , les copéistes ont voulu monopoliser le parti à leur profit avec des erreurs énormes comme l'impasse sur la parité que n'importe quel responsable n'aurait jamais du faire si il avait eu dans son équipe des gens compétents et pas des valets cire - pompes aveuglés par un semblant de pouvoir assis sur des dettes comptables que un débutant au niveau CAP n'aurait jamais passé en écritures sous peine de perdre à jamais sa réputation dans la profession ...

Emmanuel Mousset a dit…

Il y a tant de choses que j'oublie de dire ... Il faudrait que je fasse un second blog.

Anonyme a dit…

<< J'ai tant de choses à vous dire >> qu'une vie ne suffirait pas ...

Anonyme a dit…

Vous avez peur des scores du fn ? Ameliorez les conditions de vie des francais, reussissez a vaincre le chomage en permettant au plus grand nombre d avoir un emploi stable et remunere correctement. C est la mission du gouvernement. S il reussi tout le monde oublira les deboires de l ump.

Anonyme a dit…

Le problème à la base n'est pas la dépense , mais l'engagement de dépense et son responsable ... Ou ses responsables ... En principe comme dans le service publique les délégations sont fonctions du montants , un chef de service radiologie par exemple ne peut seul décider l'achat d'un scanner pour son HÔPITAL ... Un capitaine de pompiers d'une autopompe pour son centre de secours , c'est le conseil départemental qui décide des marchés etc... Et pourtant ce sont les mêmes politiques dans les assemblées que pour les partis , à condition qu 'ils siègent et ne disent pas bêtement , inutile de venir pour lever la main ... Il est ensuite trop tard pou lever la main sur les erreurs devant les caméras de TV ou dans les journaux ... Comme on le voit tous les jours ces temps ci ...
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