samedi 5 juillet 2014

Annonces sans effet



Le Courrier picard de ce matin nous apprend que les plaintes pour diffamation, que s'étaient lancés réciproquement Xavier Bertrand et Michel Garand lors de la première réunion du conseil municipal, n'ont semble-t-il pas été déposées. A l'époque, le maire n'avait pas apprécié que le candidat socialiste l'attaque sur sa vie privée, et le candidat socialiste n'avait pas apprécié les attaques du maire lors de cette séance. Ce jeu de ping pong m'avait fait penser aux Eglises qui au Moyen Age s'excommuniaient parfois mutuellement.

L'un et l'autre ont dit, mais n'ont pas fait. C'est ce qu'on appelle des menaces. Mais à quoi cela sert-il, puisqu'il n'y a pas d'exécution ? Faire peur ? Bof, on n'a peur de rien en politique ... Je me demande si nous n'assistons pas à la naissance d'un nouveau concept de relations publiques : après l'effet d'annonce (on anticipe ce qui n'a pas encore eu lieu), voici l'annonce sans effet (on annonce quelque chose qui n'aura jamais lieu).

Xavier Bertrand et Michel Garand ne sont pas les inventeurs de la formule. Pascal Cordier avait annoncé qu'il porterait plainte contre le conseiller municipal communiste Olivier Tournay, après que celui-ci ait contesté les comptes de son association. De même, Jacques Héry, secrétaire de la section socialiste de Neuville-Saint-Amand, avait déclaré vouloir porter plainte contre le conseiller municipal Antonio Ribeiro, après les propos de ce dernier sur sa vie professionnelle. Dans les deux cas, il n'y a eu aucune suite.

J'ai moi-même expérimenté le phénomène. Daniel Wargnier, de Génération écologie, avait signifié dans la presse son intention de porter plainte contre moi, à cause d'un portrait drolatique que j'avais fait de lui sur ce blog, qui ne lui avait pas plu. Stéphane Monnoyer, centriste sans étiquette, m'avait informé, avec beaucoup d'assurance, sa volonté expresse de s'adresser au procureur de la République, parce que je l'avais gentiment comparé au personnage de Croquignol, dans la célèbre bande-dessinée "Les Pieds Nickelés". Je n'en ai jamais vu la couleur ni l'ombre, chez l'un comme chez l'autre.

On pourrait bien sûr tenir pour quantité négligeable ce genre d'attitude un peu cavalière, sinon gamine, par laquelle on annonce quelque chose qu'on ne fait pas et qu'on sait peut-être qu'on ne fera jamais. Je trouve tout de même que le comportement est répréhensible. Une parole publique ne peut pas se permettre d'être légère, surtout dans l'espace politique et démocratique, où il faut faire ce qu'on dit (ou alors, c'est qu'on ne maîtrise pas sa parole, qu'on parle dans l'instant et que tout est effacé juste après, ce qui ne va pas non plus).

C'est d'autant plus répréhensible que cette parole publique, dans son annonce, a recours à la justice, et à l'une de ses accusations les plus graves, la plainte en diffamation, qui ne doit pas être utilisée ni évoquée à tort et à travers. Car quel exemple donne-t-on alors aux citoyens ? La politique et la justice sont en République des domaines trop sensibles pour se laisser aller à ce genre de prurit.

Pour expliquer cette réaction irrationnelle de l'annonce sans effet, il faudrait sans doute interroger la psychologie et la sociologie. Tout le monde aujourd'hui se tourne vers la justice pour régler ses différends, y compris dans le faux semblant. C'est une façon de passer pour une victime, figure aujourd'hui très prisée. Et puis, dans une société devenue très plaintive, geignarde, susceptible, quoi de plus naturel que de porter plainte ?

En tout cas, en ce qui me concerne, je suis tranquille : dès que quelqu'un me menace d'une quelconque plainte (les billets de ce blog comme ma chronique dans St-Quentin Mag peuvent encourager les amateurs et susciter des vocations), je n'ai pas à m'en faire, je sais qu'il n'en fera rien. En revanche, si c'est le silence de mort après un propos litigieux, j'ai de quoi m'inquiéter de cette eau qui dort ...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous aussi vous avez déja menacé de porter plainte et a priori vous ne l'avez jamais fait. C'est une pratique assez courante.
C'est un peu comme de s'attaquer à la justice ou aux juges. Sur le coup tout le monde le fait et après on arrête.
Rien de nouveau dans tout cela.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Non, je ne l'ai jamais fait.

2- Oui, c'est une pratique assez courante. Mais la fréquence ne justifie pas la pratique.

3- Non, c'est nouveau, ce recours systématique à la justice.

Anonyme a dit…

C'est l’américanisation du système ......