samedi 12 juillet 2014

Le soupçon Bygmalion



Peur sur la ville. On voit des Bygmalion partout. Saint-Quentin serait-elle devenue Palerme, aux mains d'une officine mafieuse, avec Jérôme Lavrilleux en Don Corleone ? Il y a un peu de ça ces derniers jours, en lisant la presse locale ou nationale (le magazine Marianne titre sur "La Saint-Quentin connection", rappelant la French connection des années 70, de triste mémoire). Allons-y voir un peu calmement, deux intentions en tête : le souci de la vérité et le respect de la justice.

Monique Bry, adjointe au maire, a travaillé pour Bygmalion, pendant trois ans, pour un salaire pas faramineux (à peu près 1 300 euros par mois). Est-ce illégal, litigieux, est-ce que ça pose un quelconque problème juridique ou politique ? Non, je ne vois pas. Ce que l'on sait, parce que Jérôme Lavrilleux l'a dit, c'est que le contentieux porte sur les rapports entre Bygmalion et la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, avec des surfacturations (qui ont peut-être touché d'autres manifestations de l'UMP). Ca ne condamne pas l'ensemble des activités de l'entreprise de Bastien Millot.

De même, que le Jeune pop Baptiste Piekacz ait été embauché pour un stage dans une filiale de Bygmalion n'a rien de répréhensible au regard de la loi. Tout au plus est-ce la preuve, dont il n'y a d'ailleurs pas besoin, que ce petit monde se connaît bien, entretient des relations. Le coût du site internet de la Maison de l'emploi, conçu et facturé par Bygmalion (57 408 euros) ? Je suis incapable de vous dire si c'est élevé ou pas. Mais ce que je trouve fort de café, c'est que les élus de cette structure publique se défaussent sur son directeur, Laurent Mauroy. Un tel travail, le choix du prestataire et ses tarifs, ont forcément été examinés en conseil d'administration et adoptés. Dans un système démocratique, ce sont les élus qui sont les premiers responsables, pas les administratifs. Et puis, l'amalgame entre les revendications des salariés à propos du management de la structure et le partenariat avec Bygmalion n'est pas honnête, puisque c'est sans rapport.

Puisque nous parlons de conseil d'administration, venons-en à celui du lycée Henri-Martin, que je connais bien puisque j'y ai siégé, en tant que représentant des personnels enseignants, pendant 17 ans, jusqu'en novembre 2013, au moment où Bastion Millot y est entré, au titre des "personnalités extérieures", à ce qu'il semble. Franchement, cette présence est plus honorifique que véritablement influente. Généralement, les titulaires ne siègent pas, ou très peu (une exception, que j'ai vécue : le colonel Maurice Dutel, prédécesseur de Millot au CA ; mais les militaires sont disciplinés, comme chacun sait). Si le patron de Bygmalion veut faire des affaires avec Philippe Nowak, responsable du BTS audio-visuel, il lui suffit de décrocher son téléphone, pas de perdre son temps dans de longues et rares séances de conseil d'administration.

Xavier Bertrand affirme n'avoir rien su de l'activité de Monique Bry. Je veux bien le croire, mais cette ignorance contredit l'image de l'homme qui maîtrise tout, qui est au fait de ce qui se passe dans son entourage. Surtout, je pense qu'il surjoue la menace Bygmalion censée le viser, l'abattre. Mais je suis peut-être un naïf en politique. Monique Bry, dans cette affaire, a eu le tort de ne pas répondre tout de suite aux sollicitations de la presse, laissant entendre qu'il y aurait anguille sous roche (mais son silence est rompu, dans L'Aisne nouvelle d'aujourd'hui). Quant à Laurent Mauroy, je peux comprendre son mutisme : les explications et la communication, pour une telle affaire, relèvent des élus, pas des salariés, même du plus élevé hiérarchiquement, le directeur.

L'article de Marianne termine sur St-Quentin Mag, présenté comme le journal de Xavier Bertrand. Non, j'y travaille (bénévolement), et si ce journal était politique, j'en partirais immédiatement. Son président, Eric Leskiw, est ami du maire. Et alors ? Existe-t-il, dans notre République, un délit d'amitié ? Pas jusqu'à présent. Le professionnalisme, dans ce genre d'entreprise, l'emporte sur les sympathies des uns ou des autres. La vérité, c'est que St-Quentin Mag est purement informatif et local, sans journalisme d'investigation ou d'opinion. Bertrand Duchet, son directeur, me laisse entièrement libre du contenu de ma chronique, j'en témoigne. Et il veut bien faire un lien avec mon blog, qui est pro-gouvernemental !

L'affaire Bygmalion n'appelle pas par elle-même de commentaires politiques. Elle doit être entièrement laissée à l'appréciation de la justice, d'autant que subsistent beaucoup de zones d'ombre. En revanche, à l'occasion de cette affaire, un fait politique inédit a été mis à jour : la droite locale, contrairement à ce qu'elle montrait depuis bientôt 20 ans, est profondément et publiquement divisée, entre les partisans de Xavier Bertrand et ceux de Jean-François Copé. Il me semble que le retrait politique de Pierre André, qui n'aura plus aucun mandat en septembre prochain, favorise un dangereux appel d'air, révèle des tensions que le patriarche de la droite saint-quentinoise avait réussi jusqu'à présent à faire taire. La vraie nouvelle que nous apprend Marianne, c'est que Jérôme Lavrilleux a "toujours eu envie d'être maire" et qu'il compte installer ses bureaux en ville, rue Camille-Desmoulins, pour manifestement une future action politique. C'est qu'il n'est plus le simple conseiller général assez peu présent, mais un député européen, avec le temps libre que lui donne son départ de la direction de l'UMP.

Cette division de la droite, la gauche locale ne doit ni s'en satisfaire, ni en jouer : pour tout dire, il ne faut pas nous en mêler, car le grand gagnant ne sera jamais la gauche, mais l'extrême droite, et c'est déplorable. Je voudrais, à ce propos, saluer le silence responsable et exemplaire de l'opposition, qui n'est à aucun moment intervenue dans cette sombre affaire. C'est aussi la responsabilité de chaque personnage public que de défendre l'image de sa ville : non, Saint-Quentin n'est pas Palerme, elle n'abrite aucune mafia, ni parrain. L'affaire Bygmalion, c'est une histoire d'hommes, d'argent et de pouvoir, comme il en a toujours existé. Il ne faut pas s'en accommoder, mais il ne faut pas chercher à l'exploiter politiquement. Vérité et justice, simplement.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour ce qui concerne le magazine "St Quentin Mag" je ne suis pas d'accord pour dire qu'il est apolitique. Il suffit de lire l'édito chaque semaine pour y voir des relents de populisme.
Je n'en apprécie pas du tout le ton "tous pourris" qui s'accentue au fil des semaines.

Emmanuel Mousset a dit…

"Populisme" est devenu un terme passe-partout, qu'on attribue souvent au Front national. Si vous voulez dire que telle est la ligne du journal, ça me semble une accusation aberrante, qui tombe d'elle-même. Vous pourriez tout aussi bien, dans la même veine, traiter de "populiste" le Canard Enchaîné ou Charlie hebdo !

Anonyme a dit…

Dits moi à quoi sert ce journal de trottoir , si ce n est pas pour mettre encore un peu plus en valeur les actions municipales ?
qu y a t il d intéressant qu'on ne trouve pas dans nos quotidiens locaux ? votre rubrique ok mais apres ?
pour moi c est comme ma télé ce n'est pas politisé mais le but recherché c est de montrer la vitalité de la ville, donc renforcer l'idée que notre maire et son équipe sont compétant, dynamique, proche des citoyens....
ce journal est un outil de communication de la droite.
c est justement l absence de tribune politique qui prouve que c est un journal de propagande

Emmanuel Mousset a dit…

1- Dans tous les journaux locaux, on trouve forcément les mêmes informations locales. Ce n'est pas gênant : ça s'appelle le pluralisme de la presse.

2- "St-Quentin Mag" traite de toutes les informations locales, qui ne sont pas seulement municipales. La plupart des annonces sont associatives. Il y a eu un article consacré à la fête du PCF, preuve que le journal n'est pas partisan.

3- L'absence de tribunes politiques confirme que ce n'est pas un bulletin municipal. Sinon, il y aurait obligation légale.