dimanche 22 janvier 2017

Trois points c'est tout



En intitulant ma conférence "La franc-maçonnerie est-elle une philosophie ?", je savais que j'allais attirer du monde. C'est donc devant une centaine de personnes, mercredi après-midi, à l'IUTA de Laon, que j'ai exposé mes idées. Le problème, c'est que le sujet prête à polémique. Mon objectif : dégager la maçonnerie des scandales et des préjugés, la prendre au sérieux et comprendre sa philosophie sous-jacente.

J'ai commencé par la question du secret, pour montrer qu'il n'en est pas un, ou bien intérieur, et propre à toute existence humaine. J'ai continué sur le pouvoir, qui fait tant fantasmer. Pourtant, on n'a jamais vu un maçon en tant que tel gagner une élection, et beaucoup en perdent, jusqu'à se demander si, à l'inverse, la réputation sulfureuse ne leur est pas préjudiciable.

Le plus étonnant et le plus intéressant, c'est que la franc-maçonnerie a toutes les apparences d'une religion (temples, rites et références bibliques) sans en être une, puisqu'elle n'a ni prêtres, ni prières, ni sacrifices (à part celui, tout symbolique, d'Hiram). Peut-on parler, avec le philosophe André Comte-Sponville, de "spiritualité laïque" ? Peut-être ...

Pour moi, la maçonnerie est surtout convaincante par ses valeurs éthiques : la tolérance, l'humanisme et la discrétion (dont nous avons bien besoin dans un monde de surexposition médiatique). Son point fort : elle n'a jamais persécuté et a toujours été persécutée. Mais une bonne conférence doit aussi marquer les limites de son sujet, en faire la critique (qui reste personnelle, bien sûr). Le reproche qu'on peut faire est d'abord de méthode : le symbolisme, auquel la philosophie préfère le concept, tant les signes peuvent donner lieu aux plus contestables interprétations. Ensuite, sa finalité, toute individuelle : pas de dogmes, pas de vérités absolues, un total relativisme seulement encadré par les valeurs susnommées. Mais on va où comme ça ? Enfin, le parcours initiatique, l'ésotérisme : ouvert à tous, certes, mais qui débouche quand même sur une forme d'élitisme, d'entre-soi (tout le monde peut participer à la messe et même communier, n'importe qui n'est pas admis à une tenue maçonnique).

Précisément, que peut-on penser du rapport entre maçonnerie et religion ? Les loges ont été fondées historiquement par des protestants. C'est avec les catholiques qu'il y a un blème : la pluralité des opinions et l'existence du secret (que les papistes réservent à la confession). Dès le début, très vite, le Vatican a condamné. Un franc-maçon peut être catholique, comme il peut être n'importe quoi d'autres, puisque tout signe chez lui peut faire sens, vidé de sa substance originelle. Mais un catholique ne peut pas décemment être franc-maçon, sauf à se contredire (ce qui ne gêne pas forcément un être humain).

Il y a des millions de livres et d'articles sur la franc-maçonnerie. Un seul mérite le coup d'œil : le texte fondateur, la Constitution de James Anderson, en 1723, disponible sur internet. Quand on veut comprendre le fleuve, surtout tumultueux, il faut remonter à la source.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Un homme peut donc être franc-maçon et catholique mais pas catholique et franc-maçon? C'est assez curieux!
Par ailleurs il est heureux que la franc-maçonnerie ait évolué depuis les constitutions d'Anderson, faute de quoi elle aurait probablement disparu.

Philippe a dit…

Concernant le Grand Orient de France :
« La Franc-maçonnerie « a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience ….. Elle attache une importance fondamentale à la Laïcité. Elle a pour devise : Liberté, Égalité, Fraternité … » 
La symbolique est étudiée dans le cadre très balisé ci-dessus.
Savoir que l’opinion adverse peut contenir une part de vérité permet d’affiner et d’améliorer son opinion mais est-ce pour autant faire du relativisme qui paralyserait l’action ?
Savoir écouter le déroulé du raisonnement d’autrui sans l’interrompre est un très bon exercice et c’est la grande force.
Pour revenir à des choses profanes
La plupart des journalistes des médias mainstream (anglicisme synonyme de « courant de pensée dominant dans le milieu des journalistes ») interrompent sans cesse l’interviewé non de leur « bord » …. ce qui ne fait qu’irriter et renforcer les courants de pensée non mainstream … il faudrait les envoyer tous en rééducation chez les francs macs …………… respect des autres …………...

Philippe a dit…

@ Anonyme 16:13
c'est simple la hiérarchie catholique interdit à l'un de ses membres d'entrer en franc-maçonnerie.
L'inverse n'est pas vrai, à l'admission, le fait de déclarer être catholique n'empêche nullement d'être accepté.
Quand il s'agit d'un simple paroissien à notre époque le Pape ne peut plus faire intervenir le Saint Office (Inquisition), par contre il peut retirer son travail à un curé et le ... virer (sans doute sans indemnités !). Un curé français du Grand Orient en a fait l'expérience funeste il y a un an.

Emmanuel Mousset a dit…

J'ai cité cet exemple lors de ma conférence. Il est bon de rappeler cet interdit, au demeurant en cohérence avec les règles et le message de l'Eglise. Après, chacun ses convictions, mais cohérence avant tout.

Philippe a dit…

Le titre 3 points c'est tout : souvenirs ......1976 ............ d'une autre époque sur laquelle est passé un premier rouleau compresseur US un Ronald, un deuxième US se profile un Donald ......
Pauvre Europe !!!

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/parti-pris-fred-zeller-1ere-diffusion-22101976

Anonyme a dit…

Être franc maçon à la Grande Loge de France c'est travailler à l'amélioration de l'homme afin d'améliorer l'humanité. C'est cultiver l'altruisme et l'amour du prochain.
La spiritualité c'est reconnaître un principe supérieur qui dépasse l'entendement humain.
C'est tout simplement être un Homme meilleur au milieu des autres

Emmanuel Mousset a dit…

Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle. Mais il n'était pas franc-maçon.

Philippe a dit…

Revenons sur Terre !
« La spiritualité c'est reconnaître un principe supérieur qui dépasse l'entendement humain. »
Avec cette définition les sciences et la méthode scientifique constituent une spiritualité dans la mesure où à l’instant « T » il y a une immensité de choses qui restent à découvrir et expliquer et qui donc dépassent notre entendement de cet instant « T ».
Remarque provocatrice faite simplement pour souligner que c’est déjà en effet un vaste programme que de définir le concept « la spiritualité ».
Ceci provoque en franc-maçonnerie des disputes épiques, séculaires autant que dérisoires qui reviennent à dire … « c’est moua qui a le plus de spiritualité voire c'es moua qui la détient ! »
Mais en interne ce n’est pas que dérisoire car cela permet aux francs maçons, du moins à leurs pléthoriques et « costumées » hiérarchies, d’entretenir de « saines et humaines exclusions » … ces francs maçons là vous n’avez pas le droit de leur rendre visite etc. ! Sinon zêtes virés !
La majeure partie de la franc maçonnerie française (sauf une seule obédience) n’est pas reconnue comme véritable franc maçonnerie par l’écrasante majorité des francs maçonnerie mondiales.
Ceci dit participer à la franc maçonnerie (et surtout y travailler et non décorer les colonnes c'est à dire buller sur un fauteuil) est une bonne école de développement personnel mais il ne faut pas demander aux structures maçonniques d’être autre chose que des structures humaines exactement ni plus ni moins que les autres avec les qualités, les défauts qu’y apportent les individus.