vendredi 6 janvier 2017

Valls, tenue correcte exigée



J'ai regardé Manuel Valls hier soir, à "L'Emission politique", en me posant cette question : pourquoi l'aimais-je avant, et plus trop maintenant ? Evidemment, c'est la découverte d'Emmanuel Macron qui a tout changé, qui a ringardisé, à mes yeux (qui ne sont pas les seuls), la candidature de Valls. Mais il faut rester honnête : je continue à partager, en gros, sa ligne économique et sociale, qui n'est pas si différente que ça de celle de Macron.

Et puis, il y a chez lui, l'ex-Premier ministre, ce ton toujours sérieux, et même grave, très déterminé, que j'apprécie beaucoup. Mais voilà : cet air sombre, trop ténébreux, a été éclipsé par le soleil, le visage lumineux et souriant de Macron. Ce ne sont pas des annotations superficielles : la politique est aussi une question d'incarnation, de représentation et donc de tête. Les sourires, surtout américains, pourtant m'agacent. Mais celui de Macron est porteur d'optimisme et d'espoir, que je ne sens pas chez Valls. Sa crispation anxiogène n'est pas de bon aloi.

Sur le fond, je ne partage pas sa position qui consiste à dire : "J'ai changé". Certes, Manuel Valls est cohérent, mais il n'est pas constant. On ne reconnaît plus, dans le candidat à la primaire d'aujourd'hui, celui qu'il était à la primaire de 2011, un social-libéral "assumé" (pourtant, combien de fois n'a-t-il pas prononcé hier cet adjectif, comme pour démentir la réalité !). Sur le 49-3, sur l'ISF, sur les 35 heures, sur les gauches "irréconciliables", Valls a changé, et je crois qu'il ne le faut pas, en politique, sauf à la marge, par ajustement. Changer et le cacher passe encore ; mais s'en vanter, en faire un argument de campagne, non !

Si j'ai été globalement d'accord avec ce qu'a dit Manuel Valls dans "L'Emission politique", il y a un moment, un point sur lequel mon désaccord avec lui est absolu. C'est lorsqu'il a dialogué avec une jeune femme portant un voile. Je me range complètement de l'avis de celle-ci : nous sommes en République, chacun est libre de ses choix, en premier lieu de se vêtir comme il veut. Par rapport à ça, la position de Valls a été embrouillée. Il invoque le respect, la liberté, la laïcité, ne condamne pas le couvre-chef de la personne qu'il a devant lui, mais persiste à assimiler le port du voile à l'asservissement de la femme.

Non, en tant que laïque, républicain, responsable politique et homme d'Etat, Valls n'a pas à sur-interpréter un vêtement, n'a pas à en faire une exégèse religieuse, à la façon d'un théologien. Il doit garder de la distance, conserver une neutralité, qui sont les garants de la liberté en République. L'Etat n'a pas à dire comment on doit s'habiller, quelle est la tenue correcte exigée. Manuel Valls s'est demandé, devant la jeune femme, pourquoi les cheveux devaient être cachés, en quoi était-il impudique de les montrer.

Mais de quoi se mêle-t-il ? A chacun sa morale, son mode de vie, ses valeurs personnelles, sa perception de l'existence ! Les autorités publiques n'ont pas à s'en mêler, à imposer je ne sais quel ordre moral. Valls a même eu ce propos consternant : les seins nus ne lui semblent pas répréhensibles, parce que symboles d'émancipation, alors que la chevelure sous un tissu est condamnable, parce que symbole de servitude.

C'est quoi, ce délire ? comme disent nos jeunes et mes élèves. On pourrait tout aussi bien renverser l'argumentation, et soutenir que l'exhibition de la poitrine féminine, dans la publicité par exemple, est une exploitation machiste du corps de la femme. Mais je ne le dirais pas non plus, parce que je ne veux pas entrer dans le jeu infini et toujours contestable des interprétations. Mon seul souci, c'est la liberté individuelle. Là-dessus, à propos du voile, Manuel Valls est obscur et inquiétant.

6 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Tu abordes constamment la question de la "liberté" paradoxale de la femme musulmane, et du droit qu'elle a de se voiler, de se cacher ; mais tu n'abordes jamais la question cruciale de l'enseignement, pourtant tu es prof. Mais c'est une constante de plus en plus fréquente chez les Français depuis un certain temps de ne pas s'aimer eux-mêmes, comme si il y avait chez eux une forme de honte de soi, héritée des pires heures de l'Histoire de France et de la collaboration. Paradoxalement les Allemands sont beaucoup plus sûrs d'eux et fiers de ce qu'ils sont, malgré la honte pour le coup légitime qu'ils devraient ressentir, mais passons...
La question cruciale de l'enseignement est le grand "impensé" de nos gouvernement qu'ils soient de gauche ou de droite, qui préfèrent se focaliser sur le faux problème de l'Islam. Plus tard on découvrira trop tard, concernant la question de la crise de l'éducation, que c'est elle qui génère des monstres comme la "résurgence" en France d'une religion archaïque comme l'Islam, et toutes les contradictions avec la notion des droits de l'homme qu'elle suscite fatalement.
La société ultra libérale a façonné les êtres en consommateurs aux pulsions addictives, au zapping permanent entre une image et une autre image, aux plaisirs immédiats. Elle dévalorise en permanence la valeur du savoir, de l'apprentissage, de l'effort et de l'attention portée à autrui. Elle écrase les individus pour n'en faire que des machines à concurrence, optimisation, dans une "culture" du maillon faible, propre au libéralisme. La notion de liberté individuelle si chère aux bourgeois de la révolution française s'est ancrée au point d'exploser tout intérêt pour notre destinée collective, ce qui serait plus conforme à une vision du socialisme originel qui pris naissance au XIXème siècle, en réaction au "progressisme" aveugle des grands capitalistes bourgeois héritiers au fond des lumières...

Erwan Blesbois a dit…

...Les enceintes de l'école ne sont plus un espace ou peut se comprendre, s'exercer la liberté. Il faudra à ces jeunes ne supportant pas la frustration, et se retournant sur les aspects les plus régressifs d'une religion non pas vivante spirituellement, mais vivante essentiellement en réaction aux aspects les plus contraignants et aliénants du libéralisme économique et de la mondialisation (mouvement violent en réalité, par rapport auquel les "jeunes" réagissent par une autre forme de violence idéologique)... Il faudra à ces jeunes donc, quelques années de plus pour qu'ils reviennent apprendre, penauds de s'être frottés à la réalité de l'impasse. Là, pour peu que l'organisme de formation vous laisse une liberté de programme, ils sont prêts à écouter durant quelques heures, vous demandant de ne pas faire de pause. Ils disent alors qu'ils étaient trop englués, révoltés, exigeants. Là, il ne faut pas louper le coche en tant qu'enseignants ou formateur et reprendre l'essentiel pour leur indiquer la route qui permet de se construire en tant qu'Homme. Car devenir un Homme n'est pas une mince affaire.
On constate pour l'instant en France dans le cadre le l'Education Nationale :
- Aucun soutien de la part de la hiérarchie en cas de problème avec un élève ou un parent d’élève.
- De plus en plus de parents d'élèves délèguent le rôle éducatif à l'école, considérant cette dernière comme une garderie gratuite. l'enseignant est la nounou gratuite. On confond "Education" et "Instruction".
- la volonté du ministère consiste à niveler par le bas le niveau afin d'obtenir des résultats statistiques, cela dévalorise le cœur de la profession.
- en cas de problème, c'est l'enfant qui a raison, et les sanctions sont de plus en plus rares et de moins en moins dissuasives.
- enfin "last but not least", le salaire, de 1300€ à 1800€ mensuels, pour un Bac+5, du début au milieu de carrière. Une honte ! Dans des pays voisins du nôtre, le salaire est 2 fois à 2 fois et demi supérieur.
Il faut entièrement revoir le métier d'enseignant, son rôle, sa relation avec les élèves et les parents, sa relation avec sa hiérarchie, et l'on sortira du faux problème de l'Islam, qui nous ramène environ 1400 ans en arrière.
Par ironie disons ceci : quel fantastique bond en avant que dans une société progressiste comme la nôtre, une femme conquière le droit de se voiler, je comprends que cela focalise l'essentiel des forces de nos plus acharnés progressistes, à l'instar d'Emmanuel Mousset !

T a dit…

"Nous sommes en République, chacun est libre de ses choix, en premier lieu de se vêtir comme il veut"...
Je ne vous suis pas opposé sur la liberté de s'habiller comme on en a envie en République laïque.
Comment cependant justifier l'interdiction que je pourrais résumer par ce titre de Georges Feydeau : "Mais n'te promène donc pas toute nue !" qu'il fait dire à Arletty par le personnage du député Ventroux dans le film maintenant bien ancien de Léo Joannon ?
Pour quel(s) motif(s) justifier ce tabou de se promener toute nue ou tout nu ?

Anonyme a dit…

Le changement de Valls est un changement cosmétique le temps d'une campagne électorale parce que comme l'on dit "changez le naturel il revient au galop". Autrement son caractère crispé, anxiogène et autoritaire reparaitrait s'il état élu, ce qui ne peut être le cas: son changement ne trompe que ceux qui veulent bien être trompés. Macron a pour lui l'apparence d'un homme affable, souriant , gai et détendu mais là aussi c'est l'apparence et entre les deux le fonds est identique: la même soumission à l'Europe allemande, à Bruxelles et Washington même si Trump, le nouveau président élu, déplait. Comme avec Fillon ce serait la continuité d'une régression sociale, économique et politique. La vraie campagne électorale ne fait que commencer lorsque nous connaîtrons le vainqueur de la primaire chez les socialistes. Là aussi ce sera quasiment bonnet blanc et blanc bonnet.
Ne vous en déplaise le port du voile est actuellement chez certaines musulmanes le signe d'un statut particulier celui d'une soumission à l'homme, à un rôle particulier voire secondaire de la femme dans la société ce qui est incompatible avec les valeurs de la modernité occidentale qui veut l'égalité en tous dommines entre hommes et femmes. Ce n'est pas parce que cette égalité est imparfaite qu'il faut y renoncer, accepter un identitarisme spécifique, anti-laïc et anti-républicain. La République en France n'est pas seulement la liberté mais elle a un contenu positif voire positiviste d'émancipation des individus auxquels il est accordé bien des droits an tant que tels mais non en tant que membre d'une communauté religieuse qui est la traduction du port du voile. C'est une forme d'obscurantisme, de régression religieuse à laquelle l'extrême gauche a une forte complaisance comme vous.

L a dit…

"le port du voile est actuellement chez certaines musulmanes le signe d'un statut particulier celui d'une soumission à l'homme, à un rôle particulier voire secondaire de la femme dans la société ce qui est incompatible avec les valeurs de la modernité occidentale qui veut l'égalité en tous domaines entre hommes et femmes"...
Joli programme...
Liberté à géométrie variable...
Et que faîtes-vous du salaire des femmes dans notre si parfaite république ?
Et de leur accès à l'éducation ?
La liberté que vous concevez n'est faite que d'apparence.
Qu'elle soit réelle dès la naissance et l'habillement de tel ou telle ne vous posera plus problème.

Emmanuel Mousset a dit…

L'égalité réelle dès la naissance, comme vous dites, c'est soit l'utopie, soit le cauchemar, ou bien les deux.