samedi 28 janvier 2017

Le socialisme de Benoit Hamon



Au soir du premier tour de la primaire, au milieu de la foule, des micros et des caméras, dans l'euphorie de son résultat, Benoit Hamon a spontanément lâché une phrase, passée inaperçue, qui mérite pourtant réflexion : "le vieux socialisme, c'est terminé". Dans sa bouche, on ne s'y attend pas. Valls ou Macron, oui ; mais la condamnation d'un "vieux" socialisme n'est pas dans la culture de l'aile gauche du PS, qui au contraire revendique cet héritage, le défend. On se souvient de Michel Rocard, en une formule devenue canonique, fustigeant le socialisme "archaïque" de François Mitterrand. La référence implicite à la modernité peut surprendre de la part du candidat.

Quel est donc le nouveau socialisme que nous propose Benoit Hamon ? Il ne faut pas oublier non plus que sa filiation avec l'aile gauche du Parti est toute relative. Les historiques, Lienemann et Filoche, lui ont d'abord préféré Montebourg. La trajectoire politique d'Hamon commence chez les rocardiens, il a travaillé auprès d'Aubry, a participé à l'aventure du NPS, s'est illustré à la tête du MJS, est très marqué par la vie associative, l'éducation populaire. C'est donc un profil à la fois identifiable sur certains points et indéterminé sur d'autres. Peut-on extraire de ses multiples propositions un projet global, un socialisme repérable ?

Il me semble que son nouveau socialisme rompt nettement avec l'ancien dans la conception, sous-jacente ou explicite, qu'il se fait du travail. Alors que le socialisme traditionnel croyait fortement au travail, au développement industriel, le nouveau n'en fait plus le cœur de sa philosophie. Bien sûr, Hamon ne renonce pas à lutter contre le chômage. Mais le travail n'a plus chez lui la place centrale qu'il avait dans le socialisme ancien. Quatre de ses mesures vont dans ce sens :

1- Le revenu universel d'existence : il a fait beaucoup parler de lui, on lui a reproché d'être insuffisant, non financé, etc. L'essentiel est ailleurs, et aussi le reproche qu'on peut lui faire : il détache la rémunération (de base) du travail. On ne travaille plus pour gagner sa vie, selon la définition classique, mais on gagne sa vie pour travailler. C'est une inversion des valeurs. Le travail n'est pas nié, mais il n'est plus premier.

2- Les 32 heures : on ne sait pas très bien à quel niveau Benoit Hamon envisage de les rémunérer. Mais là encore, l'essentiel est ailleurs : c'est le principe d'une existence qui est moins vouée au travail qu'au loisir (pas au sens du vulgaire divertissement, encore moins de la fainéantise, mais d'une activité autre que salariée). Pourquoi pas, mais souvenons-nous ce qu'ont été les réactions aux 35 heures il y a une quinzaine d'années, quand Jospin les a mises en place (et je ne parle pas de la droite, mais de la gauche, des syndicats) : très hostiles, et mêmes violentes. Une partie des classes moyennes y trouvaient leur compte, mais pas les classes populaires. Dans une période où le travail se fait rare, le réduire est perçu comme une provocation, même si l'intention est bonne (le partager pour que d'autres en profitent, ce qui n'a pas fait disparaître le chômage de masse).

3- Le burn out : Hamon veut en faire une maladie du travail, reconnue, traitée et couverte comme telle. Ce symptôme nous vient d'Amérique, il est très à la mode, sa fausse évidence dissuade de le critiquer. Et pourtant il le faut, puisque cette maladie n'a aucune base scientifique sérieuse. Elle prend part à la psychologisation générale de nos existences. Que nous dit-elle ? Que le travail est pathogène, potentiellement anxiogène. Ce syndrome d'épuisement aurait fait sourire nos grands-parents, qui savaient pertinemment que tout travail fatigue, que c'est sa marque de fabrique, que le stress est stimulant, pas déprimant (j'entretiens une tension en classe, avec mes élèves, qui ne s'en plaignent pas). La dénonciation universelle du burn out, c'est une vision idéale d'un travail qui serait agréable, libre et épanouissant, tout le contraire de ce qu'il est réellement, depuis toujours. Le mieux est l'ennemi du bien : chez Hamon, le travail rêvé est l'ennemi du travail réel.

4- La taxation des robots : la proposition peut sembler baroque. Jusqu'à présent, on taxait les hommes, les terres, les murs et les produits. Taxer les robots signifie quoi ? Que ceux-ci prennent notre travail, que l'homme est progressivement remplacé par la machine, qui doit payer pour cela, qui doit en quelque sorte nous indemniser. Là aussi, pourquoi pas, mais l'idéologie implicite, c'est que le travail est de plus en plus assuré par la technologie, qu'il est de moins en moins une affaire d'êtres humains. On pourrait au contraire penser que les progrès de la technique fournissent en abondance des emplois nouveaux, que le travail humain se trouve ainsi relancé (économiquement, je ne sais pas quelle est la bonne réponse, l'économie n'étant pas plus une science que la philosophie).

Vous l'avez compris et vous le savez depuis longtemps, je ne me reconnais pas du tout dans le socialisme de Benoit Hamon, notamment dans sa vision du travail. Pourtant, c'est ce projet-là qui demain va gagner. Pourquoi ? Parce qu'il est en phase avec une bonne partie de notre société : des millions de chômeurs qui n'espèrent plus trouver ou retrouver un travail, des millions de retraités qui vivent correctement et longtemps d'une existence très active en dehors du travail, des millions de membres des classes moyennes pour lesquels le travail n'est plus la contrainte laborieuse et pécuniaire d'autrefois, mais le libre épanouissement de l'individu (selon moi illusoire). Lénine disait que son projet, c'était le socialisme plus l'électricité ; celui de Benoit Hamon, c'est le socialisme sans le travail.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Taxer les robots , n'est ce pas nier le progrès ... Et où commence et où s'arrête la notion de robot , la pelle hydraulique qui terrasse pour poser des canalisations avec une précisions au millimètre et qui remplace vingt hommes , c'est déjà de la robotique ... Le tracteur agricole qui se pilote seul au GPS pour labourer et semer , c'est un robot avec un seul homme à bord aussi ... L'écluse qui s'ouvre grâce à son radar d'acquisition de la péniche arrivante et qui a donc remplacé les hommes , là aussi on a un robot par la technique ... Tout ça est bien trop globalisé par un HAMON trop théoricien et pas technicien pour deux sous .... Enfin l'éolienne qui produit de l'électricité , qui sait se mettre en fonction automatiquement c'est aussi un robot ... Alors on va pénaliser les énergies renouvelables ... HAMON est trop loin de son concept ... Et que va - t - il en rester ...

Philippe a dit…

Quelques questionnements pragmatiques ... en sus des bonnes remarques de E.Mousset
1-Revenu universel :
Le revenu universel peut être intéressant pour toutes les personnes nombreuses qui ne font pas un travail valorisant ou qui le font contraint etc. compte tenu des conditions du management. Alors si son taux est suffisamment attractif il peut conduire à une absence de main d’œuvre pour divers métiers ou gestes de métier peu reluisants voire peu ragoutants … et il y en a plus que beaucoup ne l’imaginent ceux qui circulent dans nos sociétés sans VOIR.
Si ce revenu universel est étendu à tous les citoyens du Monde mettant un pied dans un territoire français il est évident que l’appel de Merkel à l’immigration pour l’Allemagne va apparaître timoré et on peut se demander comment le financer.
2-les 32 heures :
Cela va aggraver les pénuries dans certains métiers sauf à permettre les dépassements sous forme de crédits d’heures et de jours pour prendre sa retraite avant l’âge légal mais ce n’est plus « les 32 heures » solution qui, je crois ?, a été prise pour certains métiers de la santé dans les hôpitaux suite aux « 35 heures » ……………
3- Le burn out :
Parfois confondu avec le harcèlement au travail inventé par les adeptes du management par la terreur dans le but de pousser à la démission un collaborateur pour ne pas lui payer d’indemnités de licenciement. Il est encore plus fréquent dans la fonction publique où le licenciement étant difficile il est tentant de dégager un collaborateur vers l’invalidité médicale.
4- La taxation des robots :
La mécanisation remplace l’Homme entre la pioche du mineur de 1870 et la haveuse de 1970 il n’y avait pas photo au niveau du rendement !!!!!!!!
On peut taxer les robots mais il faudrait aussi arrêter de se reproduire comme des lapins ! Malheureusement certains dictateurs font du ventre de leurs femmes une arme de guerre … ce qui nous renvoie à l’immigration et à 1- Le revenu universel
http://kabyleuniversel.com/2012/09/28/lislamisation-de-leuropele-monde-appartient-a-ceux-qui-insistent-le-plus/

Anonyme a dit…

Le vieux socialisme tant d'Hamon que de tous les socialistes a été enterré en douce par le virage néolibéral de mars 1983 qui devait être une parenthèse mais qui est devenu la doxa commune avec alibi d'une mondialisation et d'une Europe néolibérale. Ce qui les rapproche contrairement à ce que l'on entend et lit souvent. Cependant il y a plus de point communs entre Valls et Hamon parce que, outre leur passé commun de rocardiens, le second est plus libéral-libertaire en attachant plus d'importance que le premier aux questions sociétales, le premier s'est crée une image de républicain autoritaire à la Clemenceau. Il est plombé par sa gestion néolibérale et européiste cohérente avec les engagements européens du pays à la différence de Hamon et de ses amis "frondeurs".
Cette profonde ambiguïté du PS, jamais assumée, ni résolue, se traduit par un discours de gauche et une pratique très gestionnaire que ne renierait pas la droite mais dans laquelle l'électorat de gauche dont le socialiste ne se retrouve pas.
Le nouveau socialisme de Benoît Hamon repose sur la stratégie proposé par la fondation " Terra-nova" selon laquelle le PS doit se refonder par l'alliance des minorités : femmes, immigrés, LGBT, minorités politiques et religieuses, musulmane de préférence, en abandonnant à son sort le monde du travail qui "vote mal". Ce dernier s'abstient puis vote en partie pour le FN parce qu'il a bien compris que la mondialisation et l'Europe néolibérales auxquels le PS s'est totalement rallié, lui était totalement défavorable. La démarche de Macron s'inscrit parfaitement dans ce contexte, et c'est pourquoi à l'heure du Brexit et de l'élection de Trump il ne se rend pas compte comme tout le monde que nous sommes en train de changer d'époque. Cela se traduit par l'élimination politique de Duflot, Sarkozy, Juppé, Hollande, Valls, Montebourg, et parodiant une fameuse chanson de Brel on ne peut se demander "au suivant" de ces messieurs dames.

B a dit…

"on ne peut se demander "au suivant" de ces messieurs dames"...
Eh oui, mon brave "anonyme" de 20h55, parce que 90% des électeurs l'ont compris depuis au moins dix ans, c'est le b...
Et pas seulement en France...

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
T a dit…

A l'échelle des temps il n'y a pas à s'émouvoir de quoi que ce soit qui semble se profiler aux horizons...
Et à notre échelle ?
Mama mia, pauvres de nous !
Vont tous trinquer celles et ceux dont la motivation n'est que "Moi, y en a vouloir des sous"...
A vot' santé, M'sieurs Dames !

Emmanuel Mousset a dit…

Vous mettez la politique très bas, au niveau qui est le vôtre, sûrement.