vendredi 27 janvier 2017

Affaire Fillon : délit ou déni ?



Je parle de l'affaire parce que tout le monde en parle et pour ne plus avoir à en parler. Dans les médias, elle a éclipsé le débat de qualité entre Valls et Hamon, d'un intérêt politique pourtant supérieur, puisqu'il y va de l'avenir de la gauche. Mais non : la polémique l'a très largement emporté. De quoi s'agit-il exactement ? D'un délit ou d'un déni ? Contre l'avis de beaucoup, je penche pour la deuxième explication, et quelques arguments à vous proposer :

1- Déni de vérité : on confond celle-ci avec l'information. Pour le moment, que savons-nous de l'affaire : peu de choses, des témoignages fragiles, subjectifs, des réactions partisanes. A-t-on vu madame Fillon travailler ? Les uns assurent que oui, d'autres que non. La vérité, c'est qu'on n'en sait rien à l'heure qu'il est, que le silence serait plus sage et prudent.

2- Déni de légalité : on laisse entendre qu'employer des membres de sa famille serait suspect, sinon délictueux. Pourquoi ça ? Depuis quand ? Si oui, qu'on fasse une loi. Pourquoi personne ne l'a proposée avant ? Pour ma part, ça ne me dérange pas. Et s'il y a incompétence, c'est le député employeur qui sera sanctionné. Et puis, dans un pays qui est le roi du piston, le reproche est osé.

3- Déni de justice : on confond de plus en plus les plateaux (de télévision) avec les tribunaux. Tout un tas de gens jouent les juges, les procureurs et les justiciers. Non, laissons la seule vraie justice faire son travail, dans la durée qui est la sienne, selon les principes qui la constituent. Tout le reste n'est qu'une parodie, très expéditive.

4- Déni de politique : l'affaire a beau toucher un homme public de plus haut niveau, elle demeure une affaire privée, qui n'a pas sa place dans le débat politique. Celui-ci repose sur des convictions et des projets, pas sur des comportements ou des soupçons.

5- Déni de démocratie : l'incroyable rumeur, qui signale bien que nous sommes en plein délire collectif, voudrait que Fillon laisse sa place pour la présidentielle, alors qu'il a été désigné comme candidat de la droite et du centre. Que fait-on du respect du scrutin et des électeurs ?

6- Déni d'intelligence : la toile est le réceptacle de la bêtise universelle. Les mêmes propos y sont dupliqués à l'infini, sans recul, distance, questionnement et réflexion. Les réseaux sociaux, c'est le règne du ressentiment. L'affaire Fillon est aussi le produit de toute cette crasse numérique.

7- Déni de morale : la réputation d'une femme est livrée aux chiens, comme aurait dit Mitterrand. Bien qu'épouse d'un homme public, elle n'est pas elle-même un personnage public, n'est pas exactement en situation de se défendre. Mais qu'est-ce que les chiens en ont à faire ? Ils aboient après elle, demain après quelqu'un d'autre, au nom de la transparence, dans une parfaite hypocrisie morale. L'essentiel est de faire du spectacle.

Je souhaite la défaite de François Fillon à l'élection présidentielle. Mais j'aurais honte d'utiliser la présente affaire en guise de faux débat. Il y a suffisamment de reproches politiques à faire au candidat de la droite, sans avoir à s'abaisser à cette polémique, qui ne profite qu'à l'extrême droite, pourtant peu exemplaire en la matière.

21 commentaires:

Philippe a dit…

Plus grave que ces histoires la haine distillée entre et par des socialistes vis à vis d'un proche de Hamon est très inquiétante pour cette personne et sa famille ... voir AFP
http://actu.orange.fr/politique/un-porte-parole-de-hamon-critique-par-valls-denonce-des-attaques-abjectes-CNT000000C2DCM.html

Anonyme a dit…

Et ses fils avocats aprés son mandat de sénateurs ... A - t - il perdu la notion du temps et des événements ?? On peut se le demander ???

Unknown a dit…

Bravo pour votre commentaire et votre lucidité!!!
Du "grand Mousset"!!!!

C a dit…

Bravo pour votre commentaire et votre lucidité!!!
Il manque pourtant quelque chose dans ce long argumentaire :
Que pense l'auteur du contenu de l'article qui a mis le feu aux poudres ?
Que pense t-il du journal paraissant le mercredi depuis tellement longtemps que quasiment 100% des concitoyens sont moins âgés que le "volatile" ?

Emmanuel Mousset a dit…

Je pense que le "Canard enchaîné" est un journal sérieux et bien informé, néanmoins "satirique" (c'est son slogan). Je le lis avec attention, mais je ne fonde pas sur lui mes jugements politiques. Surtout, je respecte la présomption d'innocence, la vie privée et je laisse la justice faire son travail, qui n'est pas celui de la presse.

Anonyme a dit…

ce qui choque dans cette affaire c'est le montant des "salaires" de Mme Fillon: d'"abord parce qu'il s'agit bien d'enrichissement personnel du couple sinon pourquoi rémunerer son épouse plutot qu'un VRAI attaché parlementaire? ( remarque valable pour TOUS les parlementaires qui agissent ainsi et il y en a aussi de gauche) et ensuite la démesure des sommes reçues par Mme Fillon, plus de 7000€/mois donc PLUS que l'indemnité parlementaire d'un député;comme disait l'autre passées les limites il n'y a plus de bornes

Emmanuel Mousset a dit…

Vous êtes ni un policier, ni un juge, et moi non plus. Que chacun fasse son travail, sans polluer le débat politique.

F a dit…

Je pense que le "Canard enchaîné" est un journal sérieux et bien informé, néanmoins "satirique" : OK !
Votre "néanmoins" m'interpelle. Il paraît dire que vous n'aimez pas la forme si vous ne contestez pas le fond.
Le fond : cet hebdomadaire est plus porté à tailler des croupières aux politiques et aux puissances de l'argent (plus souvent qu'aux artistes et sportifs en tous les cas) qu'à leur tresser des lauriers et les louanger.
Mais ses journalistes faisant bel et bien de l'investigation le volatile comme disait le Grand Charles tire aussi bien sur la droite et ses extrêmes que sur la gauche et ses extrêmes sans rien louper non plus au centre.
La forme :rarement pris en défaut, ses intervenants qui tournent la quasi totalité des articles en dérision en les terminant à plus de 90% par une saillie caustique ne se retrouvent presque jamais devant les juges qui ne sont pourtant jamais ménagés.
Satirique donc ce journal mais pas partisan d'autre chose que le bon sens et la vérité.
La question est cependant : toute vérité sous une forme caustique ou autre, est-elle toujours bonne à dire en tous temps ?

Emmanuel Mousset a dit…

La vérité s'accorde mieux avec la raison qu'avec le rire. C'est pourquoi je déplore la multiplication des humoristes dans les émissions politiques.

Philippe a dit…

Il me semble que personne ne détient la vérité … quelques rares la cherchent, beaucoup sont essentiellement à la recherche de la facilité, c’est à dire d’un « kit-vérité » fabriqué par un tiers MLP, EM, BH, JLM, FF, DAESH, DT etc. etc. etc. comme les escrocs les gourous ne manquent pas et se renouvellent sans cesse ...
La recherche de la vérité est une disposition intime qui s’accorde avec cœur et raison, ou dit autrement avec humanisme et raison.

Anonyme a dit…

1) pour ce qui concerne l'affaire Pénélope Fillon: vous êtes si prudent que ça en devient gênant ;ainsi vous n'êtes pas choqué qu'un élu de la république profite de manière indécente de son statut? ah oui c'est légal..éthique, déontologie , ça encore un sens ou pas pour vous?

2) "C'est pourquoi je déplore la multiplication des humoristes dans les émissions politiques." c'est connu que vous n'avez aucun sens de l'humour et un homme qui ne rit jamais ne peut pas être foncièrement sérieux ( je ne sais plus de qui est cette citation) mais ça vous va bien

Emmanuel Mousset a dit…

1- La prudence est une vertu qui ne me gêne pas. Je trouve même que nous en manquons, surtout dans les médias.

2- Libre à vous d'accepter le mélange de l'humour et de la politique, mais c'est préjudiciable et à l'humour, et à la politique.

Anonyme a dit…

Vos observations sur l'affaire Fillon indiquent une indulgence qui n'est pas juridiquement infondée mais il s'agit d'un problème politique. A un homme politique, François Filon qui invoque le Général de Gaulle en août dernier contre ses adversaires pour la primaire de la droite et du centre "On n'imagine pas le Général de Gaulle mis en examen" ces affaires le décrédibilisent parce qu'on imagine pas non plus Madame de Gaulle en tant qu'attachée parlementaire à 5000 €uros par mois et des collaborations douteuses à la Revue des Deux Mondes pour 100 000 €uros. Ce monsieur qui se propose une "purge" économique, une austérité sans précédent pour tout le monde du travail n'est plus crédible et dans nombre de pays européen de tels agissements auraient poussé son auteur vers la sortie. A sa décharge il est notoire qu'il est loin d'être le seul dans ce cas mais ce n'est pas une raison.
Il est un symbole d'une classe dirigeante qui pense plus à se servir qu'à servir les Français. Elle est sourde, aveugle, autiste servie par une classe médiatique très complaisante. Elle n'est que le fourrier du populisme que tous deux se complaisent à dénoncer sans s'attaquer à ses causes parce que cela les obligerait à se remettre en question radicalement.

Emmanuel Mousset a dit…

Votre problème est réglé, puisque Fillon a dit qu'il renoncerait à la présidentielle s'il était mis en examen. Quant à de Gaulle, ne l'idéalisez pas trop : son règne a connu aussi des turpitudes ...

R a dit…

La vérité s'accorde mieux avec la raison qu'avec le rire...
Un de vos prédécesseurs philosophes aurait pourtant écrit que le rire est le propre de l'homme.
Un autre que c'est la raison...
Et ça n'est pas compatible ?

T Q a dit…

Dans notre belle République, pour la servir et pour servir tous ses appendices créés par elle pour remplir tous les aspects et services qu'elle ne veut ou ne peut pas pourvoir, il y en des tonnes et des tonnes de ces élus de tout poil qui ne crachent pas sur le moindre petit avantage possible accordé par des lois et décisions à caractère démocratique mais pas forcément pour autant moral à l'instar des patrons et grands chefs du privé.
Téléphone, voiture de service, chauffeur, frais de déplacement, frais de représentation, frais de bouche et tutti quanti...
Je ne sais si j'idéalise mais j'ai toujours entendu dire que le Général payait son électricité du temps qu'il habitait en semaine à l'Elysée...
Info ou intox ?
Pour l'employé qui habite du côté de Chelles et dont le boulot se situe du côté de Colombes ou de Puteaux, c'est pour qui les frais (sans oublier le temps) de déplacement ?
France d'en haut et France d'en bas...

Emmanuel Mousset a dit…

Je me moque qu'un chef de l'Etat paie son électricité. C'est un détail aussi insignifiant que ceux qui s'en vantent. Ce qui m'intéresse, c'est la ligne politique, pas la consommation EDF.

Anonyme a dit…

pirouette Monsieur Mousset avec votre commentaire sur l'électricité;on vous attendait plus pugnace,plus offensif ;votre prudence est en effet "curieuse" ...à moins que..votre candidat E.Macron risquant d'avoir aussi à justifier certaines dépenses vous préfereriez " mettre la pédale douce"; courageux ( encore que..) mais pas téméraire hein?

Emmanuel Mousset a dit…

Vous me créditez de deux belles vertus, la prudence et le courage, pas si fréquentes que ça. Ce n'est pas si mal. Je prends, et je vous laisse le reste.

Philippe a dit…

Dans tout ce que les médias nous apportent comme "scandales financiers" dont seraient coupables les politiciens il y a des degrés de gravité, ci-dessous un crescendo ….
1-le dernier en date mais pseudo pour commencer : le fils de Hollande aurait convié des amis à la Lanterne ... le journaliste oublie peut être de signaler que c'était en présence de son père F Hollande ! = no problem, pas sérieux ces journalistes !
2-plus sérieux mais qui n'entraîne que le remboursement des débours : consiste à utiliser des adjoints parlementaires pour travailler pour le parti et non au sein de l’Assemblée concernée, par exemple le FN à Strasbourg (Assemblée européenne).
Vielle habitude française dans laquelle des fonctionnaires ou assimilés étaient détachés dans des syndicats et autres bref en dehors de leur administration … je ne sais si cela existe toujours ? Pour aider un peu comme le prêt de véhicules ou les appartements "HLM" mis à disposition à bas prix …...
3-plus sérieux que 2- payer un tiers pour aucun travail effectué et ceci sur les deniers publics … c’est ce que l’on semble reprocher au Canard Enchainé à Mr et Mme Fillon … si le Canard a diffamé çà va être cher ….
4- encore plus sérieux : taxer pour des partis politiques les entreprises privées intervenant pour des travaux et prestations effectués dans une structure publique, l’affaire Urba qui a engraissé la gauche des années 80, même époque les HLM de Paris (Méry) qui a engraissé la droite, des soupçons dans l’affaire de Karachi en cours ………….
Derrière la politique (comme ailleurs) la première religion est celle du Veau d’Or !
Je dis "comme ailleurs" car en bas il y a le travail au noir etc.
En haut c'est comme en bas et inversement !

Philippe a dit…

Changeons de pied pour évoquer la misogynie ambiante permise quand on prend le "regard URSSAFF"
Dans les petites entreprises, il est assez fréquent de voir un(e) dirigeant(e) demander “un coup de main” à sa concubine (ou à son concubin). Mais l’entraide familiale et bénévole, si elle n’est pas ponctuelle et indépendante, devient alors du travail dissimulé.
En résumé la femme d'un politicien (vu sous l'angle des URSSAFF) dans nos sociétés patriarcales relève :
1-soit du travail fictif
2-soit du travail dissimulé
Celles qui disent ne pas s'intéresser à la politique aux tabloïds relèveront de 1
Celles qui disent s'intéresser à la politique aux tabloïds relèveront de 2
Nous allons vivre une campagne électorale … formidable de misogynie … car 2 peut s’appliquer à des candidats n'est-il pas !