jeudi 26 septembre 2013

Syndicat d'élus



Le départ de Noël Mamère des Verts est un petit événement politique. Quitter un parti dont on est le représentant à l'Assemblée, pour lequel on a réalisé le meilleur score à l'élection présidentielle, ce n'est pas rien. Dans Le Monde paru hier, Mamère s'explique sur ce départ, avec une formule assez forte, pas banale : EELV est devenu selon lui un "syndicat d'élus", dépourvu de toute idée, de toute proposition. C'est évident, surtout depuis l'accession de Cécile Duflot à sa tête : j'ai souvent dit sur ce blog qu'elle représentait ce qu'il y avait pour moi de pire en politique, l'opportunisme, c'est-à-dire la recherche prioritaire des places au détriment des convictions, la disjonction entre le discours et les actes.

Bien sûr, les Verts n'ont pas l'exclusivité de cette tare. Dans les années 60, la SFIO vieillissante et finissante était elle aussi un "syndicat d'élus", défendant des intérêts personnels et des mandats. Cécile Duflot aujourd'hui, c'est Guy Mollet hier : celui-ci tenait dans les congrès socialistes des discours radicaux, très à gauche, et dans le même temps se rapprochait de de Gaulle pour gouverner avec lui. Pendant les présidentielles de 2012, Cécile Duflot laisse sa candidate Eva Joly tenir un discours protestataire, qu'elle soutient et applaudit, et dans son dos elle négocie avec les socialistes des places au Parlement et des postes dans les ministères, sur un programme de compromis, pour ne pas dire de compromission, qui en tout cas contredisait l'intransigeance de Joly.

Eh oui, c'est ça aussi la politique : des hommes et des femmes en quête de reconnaissance, de pouvoir, parfois de rétribution. C'est hélas vrai à tous les niveaux, y compris local : mieux vaut négocier une place éligible sur une liste donnée gagnante que de partir en tête d'un combat dont le résultat est incertain, qui ne donne que le maigre espoir d'opposant sans rétribution ni avantage. Mais inutile d'insister : c'est ainsi depuis que le monde est monde et les êtres humains, à part quelques notables exceptions, sont fabriqués comme ça ...

Présentement, ce qui sauve le parti socialiste de cette dérive opportuniste, c'est sa culture de gouvernement, qui oblige à avoir le sens des responsabilités : pour gouverner, pour se faire élire, il faut bien avoir un projet, des idées. Mais si François Hollande avait perdu l'an dernier, le parti se serait replié sur ses bastions locaux, comme l'ancienne SFIO, devenant alors un "syndicat d'élus" ne songeant qu'à leur réélection ou à obtenir de nouveaux mandats. François Mitterrand, en transformant la SFIO en PS, avait réussi à introduire le débat d'idées au sein du nouveau parti socialiste, en développant des courants idéologiquement très structurés. Le débat d'idées ou la culture de gouvernement, voilà les deux remèdes pour sortir du "syndicat d'élus".

EELV est traversé par des clans qui se disputent des bouts de pouvoir, mais ce parti ignore le véritable débat d'idées. Il n'a pas de culture de gouvernement, n'a pas véritablement de pratique de la responsabilité politique. Regardez les Verts en Picardie : leur présence politique et médiatique est rarissime, ils interviennent très peu dans le débat public. Leurs élus sont parfois des transfuges, alignés sur le PS pour obtenir des places. Un "syndicat d'élus" ne recherche pas la victoire, mais à placer les siens. On voit bien, dès le départ, que Cécile Duflot est prête à toutes les contorsions pour garder sa place (ce qui d'ailleurs ne préjuge pas du bon travail qu'elle peut faire en tant que ministre du Logement : je n'ai rien contre sa personne et son action, mais je conteste la culture politique qui est la sienne, qui en tout cas est aux antipodes de la mienne).

Un "syndicat d'élus" sacrifie ses plus fortes personnalités, dont il n'a que faire, au profit des tempéraments médiocres, dans lesquels la base peut plus facilement se reconnaître (l'opportunisme va de paire avec le basisme). Chez les écologistes, c'est stupéfiant : plus vous êtes bons, brillants, connus, moins vous avez de chance de l'emporter en interne. Ainsi, Nicolas Hulot, Daniel Cohn-Bendit, aujourd'hui Noël Mamère, mais aussi Alain Lipietz, économiste de renom, ou Yves Cochet, qui n'ont plus guère d'influence au sein des Verts.

Je ne me plains pas de ce que sont les Verts : ils ont les dirigeants et les élus qu'ils méritent, qu'ils se sont choisis, et ça les regarde. Mais je le déplore pour mon parti, le PS, dont les Verts sont les principaux alliés. J'en viens à regretter le bon vieux temps où nous avions les staliniens comme partenaires. Eux, au moins, étaient solides et sérieux, sur fond de stricte idéologie. Prenez Saint-Quentin : les Verts, c'est peau de chagrin. Quel électorat peuvent-ils nous apporter aux élections municipales ? Quels experts, quels militants, quels responsables peuvent enrichir notre liste de gauche (s'ils ne vont pas à l'extrême gauche ou s'ils ne nous refourguent pas un Ribeiro ripoliné en vert !) ? Je n'ose même pas répondre à cette question ...

Le plus déplorable dans cette triste affaire, c'est que l'écologie est, depuis quelques décennies, le courant politique le plus novateur en France et en Europe. Les problèmes qu'il soulève, les propositions qu'il avance sont d'une extrême importance. Ce parti devrait être normalement à la pointe du débat d'idées. Je compare son apparition, son originalité et son utilité à la naissance du socialisme au milieu du XIXe siècle. Et qu'est-ce que EELV fait de tout ça ? Un petit "syndicat d'élus" ! L'ambition était de sauver la planète ; le résultat, c'est de sauver des places d'élus et des portefeuilles ministériels. Misère !

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Pourquoi êtes vous aussi sévère ??? La réciproque qui est que le PS a un allié faible et en difficulté interne va sans doute apporter des soucis dans les prochaines élections à une coalition de GAUCHE aux contours très flous !

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je suis sévère parce que je suis réaliste et inquiet.

2- La coalition de gauche a un contour très précis, un périmètre bien délimité.

Anonyme a dit…

Monsieur MOUSSET ; Jean - Vincent PLACE vient de dire EEV ne votera pas le budget ... Donc maintenez vous que le périmètre est ferme et non révisable ... Nationalement mais aussi dans notre ville .... J'en doute et VOUS que de revirements ......

Emmanuel Mousset a dit…

Jean-Vincent Placé est un individu dans un parti d'individus et d'invidualistes. Sa position est évidemment incohérente. Mais dans un parti d'incohérents, quoi de surprenant ?

Anonyme a dit…

Une participation , une majorité à géométrie très variable et un discours de propagande :

Que pensez-vous du budget 2014 présenté par le gouvernement ?

Le budget pour l’écologie présenté par Bernard Cazeneuve n’est pas votable en l’état. Nous voulons que le budget de l’écologie augmente. Si il fallait à tout prix voter le PLF en l’état, il n’y aurait plus qu’à supprimer l’Assemblée et le Sénat, ça ferait des économies !

Mais si vous ne votez pas le budget il vous faudra sortir du gouvernement ?

Non. Il faudrait évoluer sur ce plan là d’ailleurs. Au congrès, aucune motion ne parle de la sortie du gouvernement. Nous continuons la participation aux institutions, nous faisons preuve d’un soutien fidèle et loyal mais on critique quand c’est nécessaire.

Le départ de Pascal Durand de la tête du parti, celui de Noël Mamère, votre participation au gouvernement, on ne sait plus très bien où vous en êtes chez EELV…

Il faut respecter les militants. Ils sont 12 000 et font un travail formidable. Tout le monde peut se passer de Noël Mamère ou de moi-même mais on ne peut se passer des 12 000 militants qui produisent des idées. On est peut-être les seuls producteurs d’idées actuellement.

Fafnir le dragon vert. a dit…

Je trouve normal d'être sévère avec les Verts (d'ailleurs, dans "sévère", il y a déjà "vert").

Mais dans une ville où la gauche est annoncée perdante à tous les coups, je trouve qu'un peu de retenue ne ferait pas de mal.

Taper sur EELV au niveau national, c'est facile. Mais vous qui constatez comme nous tous l'état de la gauche à Saint-Quentin, vous devriez bien voir que la gauche de Saint-Quentin, dont les résultats sont toujours plus catastrophiques, n'a pas beaucoup de leçons à donner à EELV au niveau régional ou national.

Emmanuel Mousset a dit…

Sur les deux derniers commentaires :

1- Quand on ne vote pas un budget, on ne fait plus partie de la majorité.

2- Il ne faut jamais se "retenir" de dire ce qu'on pense.
Les résultats de la gauche à St-Quentin ne sont pas catastrophiques mais prometteurs, les dernières législatives l'ont prouvé.

Anonyme a dit…

j approuve l'intervention de madame Dufflot qui comme vous s'indigne des propos de monsieur Valls. A cette occasion elle demontre quand meme qu 'elle ne craint pas d etre remercié par le government. elle est surement carrieriste mais elle defend aussi vigoureusement ses valeurs.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je ne m'indigne pas (je ne suis pas dans la réaction morale), mais je suis très préoccupé par l'impact des propos de Valls dans l'opinion publique, qui ne peuvent qu'alimenter la xénophobie.

2- La différence entre Duflot et moi, c'est qu'elle est ministre, donc tenue à la solidarité gouvernementale.

Anonyme a dit…

"être indigné" "être préoccupé" ne jouons pas sur les mots....
Vous n'êtes pas d'accord avec les propos de M. Valls. Point final.
Mais pourquoi vouloir à tout prix les opposer sans expliquer qu'il y a du vrai à la fois dans les propos de M. Valls et dans les propos de C. Duflot.

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne suis pas joueur, mais précis. Je n'ai pas besoin d'opposer Valls et Duflot : ils le font très bien eux-mêmes. Je ne vais pas chercher la vérité dans ce que disent les autres, mais dans ce que je pense moi.

Anonyme a dit…

Mr Mousset je crois que l'on ne s'est pas compris.
Ce n'est justement pas ce que "vous" pensez mais c'est ce que disent précisément tous ces journalistes qui ne s'intéressent qu'à l'écume des choses et qui ne cherchent qu'à opposer les uns aux autres.
Le but ne serait-il pas d'expliquer au contraire pour que chacun puisse porter un jugement éclairé.?

Anonyme a dit…

Je crois que Noël Mamere a tout dit, Dany Cohen Bendit l'avait déjà compris à ses dépens voici deux ans.
L'opposition EELV au niveau de St Quentin? inaudible, invisible;
question des personnes, ça nous intéresse pas.

le duo terrible Placé-Duflot? des carriéristes, la sortie de Duflot sur les Roms? une diversion pour couvrir la une de Noël Mamere.

par contre un syndicat d'élus? je ne crois pas;
beaucoup d'élus d'accord, mais qui au nivaux des régions et des mairies travaillent beaucoup plus que vous ne le croyez M. Mousset.
Je vous invite à regarder du coté de la ville de Montreuil où D. Voynet est maire, ou la ville de Lille où beaucoup d'écologistes font parti de la majorité de Mme Aubry, vous verrez; pareil du coté de la région Picardie, Rhône Alpes, idf... sans parler du parlement européen où ils cartonnent!!!!!!!! et puis si les socialistes prennent les idées des écolos quel bonheur!!!
C'est ça l'écologie politique, essaimer dans la société, dans la tête des électeurs du PS et du PC, regardez même le PDG affiche des idées écologistes. Cette bataille, les écologistes sont en train de la gagner et c'est ça qui compte.
signé : une écologiste qui n'a pas de mandat électif et qui milite chez EELV.