lundi 2 septembre 2013

Une rentrée de prof



C'était ma vingtième rentrée d'enseignant aujourd'hui, dont dix-neuf au lycée Henri-Martin : ça se fête ! C'est une sorte de rituel, à peu près le même chaque année. Dans une grande salle, la direction reçoit tous les personnels, de l'ouvrier au prof agrégé de classes prépa, pas loin de 200 personnes. C'est un moment rare, qu'on ne retrouve pas forcément dans l'année. Comme dans une classe, les premiers rangs sont délaissés, par prudence ou par timidité. En revanche, le fond de la salle est bien rempli, bavard et bruyant : on ne s'est pas vus depuis deux mois ! Je choisis la position moyenne, au milieu.

La cérémonie commence par la présentation des nouveaux, qui se lèvent et font coucou. Une partie des anciens applaudissent à chaque tête qui émerge, mais comme tout le monde ne frappe pas dans ses mains, les applaudissements diminuent au fur et à mesure, d'autant que cette année les nouveaux collègues sont nombreux. Dans notre langage, on les appelle primo-arrivants (ils arrivent dans l'établissement pour la première fois, mais peuvent être d'anciens profs) ou bien néo-titulaires (ce sont des nouveaux profs).

A la table, devant le personnel, ils sont 8 qui représentent la direction, le pouvoir, le gouvernement de l'établissement : le proviseur, son adjoint, le principal du collège, l'intendant, le chef des travaux, les trois CPE (conseillers principaux d'éducation, les chefs des surveillants). Comme il n'y a pas de scène ou d'estrade, on a du mal à les voir, il faut étirer son cou, balancer la tête à gauche, à droite. Plusieurs s'adonnent à cette vaine gymnastique, parce que le proviseur est nouveau, que les enseignants sont curieux et parfois inquiets, qu'ils voudraient savoir comment il est. Je choisis de ne pas bouger et d'écouter, je verrai plus tard.

Le proviseur se présente : il vient de Chauny, lycée Gay-Lussac, il a été prof d'éco-gestion, mais aussi expert-comptable, et a travaillé dans la formation continue. Bref, un parcours pas trop classique, ce qui est toujours intéressant. J'ai bien aimé certains points de son discours : ses remerciements aux agents qui ont préparé la rentrée (on a tendance à les oublier pour ne retenir que les enseignants) ; sa volonté de ne priver aucun élève de cantine pour motifs financiers ; son souci de l'égalité (entre les personnels, entre les élèves) ; sa préoccupation pour les décrocheurs (on appelle ainsi les élèves qui sortent du système scolaire sans aucun diplôme et qui généralement se retrouvent au chômage).

Je crois que ce sera un chef d'établissement très chef, directif, un peu old school (au bon sens du terme). Il n'utilise pas le vocable ed nat : autonomie, empathie, etc, et c'est tant mieux. Le discours est à la fermeté et à la rigueur. Devant les professeurs principaux, la chasse aux téléphones portables dans les locaux (pas dans la cour de récré) est déclarée, et l'interdit vaut aussi pour les enseignants, selon le principe d'exemplarité, que le proviseur a rappelé plusieurs fois. Quelques minutes plus tard, une sonnerie étouffée s'est fait entendre dans un sac, qu'aucun collègue n'a osé ouvrir ... (ce n'était pas mon portable, qui est chez moi !).

A midi, une baraque à frites au milieu de la cour de récréation nous a permis de nous restaurer, gratuitement. C'est à la mode, depuis Bienvenu chez les Ch'tis ! Les vieux profs prennent de la bière, les jeunes profs du Coca et moi un verre d'eau. Dans l'après-midi, un photographe est monté sur le toit de la cantine pour prendre en plongée une photo de tout le monde. Une collègue s'est écriée : "Hey, les filles, sortez vos décolletés !" Qui a dit que les profs n'étaient pas marrants ? C'était ma vingtième rentrée : les choses sérieuses commencent demain, quand les hordes d'élèves vont envahir l'établissement. Aujourd'hui, encore vide, il avait gardé quelques airs de vacances, des odeurs de bière et de frites.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

A lire votre recit il y a des elements qui me surprennent
1/ on présente les nouveaux professeurs qui se levent à tour de role pour saluer.
De nos jour c est le contraire ,c est le nouveau salarié qui se presente lui meme brievement (parcours, specialité, motivation, hobbies)
ce sont quand meme des personnes qui ont des facilites d'expression.
2/ l absence de visibilité de la direction, c est vraiment incroyable, puisque l'objectif est d'organiser une rencontre, un echange.
3/ la baraque a frites ! dans une ecole ! drole de symbole , celui de la malbouffe ! s'il n y a pas de moyen financier on invite chacun à ramener sa specialité pour favoriser les echanges et un debut de solidarité entre le personnel.
4/ les sujets abordés.
j espere qu on vous a parlé aussi de vos conditions de travail, qu il y a a eu une sensibilisation au developement durable, à la communication, à la securité...bref des services mis à votre disposition pour travailler serainement avec des bons outils.
je suis vraiment surpris, vous avez finalement decris une rentrée des années 80.
Ce type de manifestation aussi peu pensée n est il pas une journée fastidieuse à vivre pour beaucoup de vos collégues ?

Emmanuel Mousset a dit…

Il a beaucoup été question du numérique dans le travail.

Les frites et la bière, j'adore ! Puisque que c'est comme ça et que les puritains de l'alimentation veulent nous dicter leur loi, vive la malbouffe !

Je ne sais pas comment se passait une rentrée dans les années 80.

Anonyme a dit…

Résumer la rentrée à une baraque à frites c'est une dérive qui montre que on ne respecte plus l'institution sacrée de l'enseignement qui a pourtant été jusque dans les années 60 un formidable moteur de la croissance ...

Emmanuel Mousset a dit…

La bière et les frites, c'est un formidable moteur aussi.

Anonyme a dit…

Voir le philosophe perdre la tête et adorer les frites et la bière rend triste , sans doute la suite de ses déboires au sein de sa famille politique , décidément les temps sont à la peopolisation , une civilisation décadente s'installe , on ouvre les prisons , on veut punir les musulmans , l'état oublie les fondements régalien des escrocs et des obsédés sont ministres ...

Emmanuel Mousset a dit…

J'ai l'impression que vous avez un sacré coup de déprime.