samedi 21 septembre 2013

Un peu de théologie



Je fais plus souvent des conférences que je n'assiste à des conférences. Mais ça m'arrive quelquefois, dimanche dernier par exemple, où je suis allé au temple protestant de Saint-Quentin, pour participer à une présentation du protestantisme, faite par madame le pasteur, Marie-Pierre Van den Bossche. C'était passionnant, très claire, et exhaustif. La preuve : j'en suis ressorti avec six pages de notes et plein de réflexions en tête ! La rencontre correspondait à un événement récent auquel on n'a pas suffisamment porté attention, vieux pays catholique que nous sommes : l'union des luthériens et des calvinistes en une seule église. Et puis, la communauté protestante de Saint-Quentin fait partie intégrante de notre cité, avec quelques figures connues et personnages influents.

Le protestantisme, c'est la volonté de réformer, au XVe siècle, une église corrompue, notamment par le commerce des indulgences. Très bien. Mais j'ai l'impression que les Réformés ont ouvert une boîte de Pandore. Au départ, Luther ne veut pas fonder une nouvelle religion. Mais à l'arrivée ? De fil en aiguille, de remise en cause en remise en cause, c'est bien le coeur de la foi qui est touché. Pourquoi pas, d'ailleurs. Calvin finit par s'interroger sur la Présence réelle dans l'Eucharistie. D'autres vont encore plus loin. A vouloir réformer, n'en arrive-t-on pas à bouleverser le christianisme dans ses fondamentaux ? On sait où le mouvement commence, on comprend sa protestation légitime contre de scandaleux abus ; mais où s'arrête-t-il ? Les Etats-Unis d'Amérique, pays protestant par excellence, ne sont-ils pas le chaudron de Calvin, d'où ont surgi des sectes évangélistes inquiétantes et actuellement en pleine prospérité ?

Calvin dénonce le culte des reliques. Il a peut-être raison, pour ce qui semble être de la superstition. Mais en même temps, c'est tirer un trait sur 1 500 ans d'une piété populaire très vive, qui a été la chair de la foi chrétienne durant tout le Moyen Age. Parmi mes nombreuses préoccupations intellectuelles, je m'intéresse beaucoup aux questions théologiques, qui ne sont après tout que de la philosophie appliquée à la religion. Je crois comprendre que le désaccord entre protestants et catholiques ne touche pas fondamentalement à la conception de la Trinité, à ceci près, qui n'est certes pas rien, que l'église romaine a tendance à sous-estimer la troisième Personne, le Saint-Esprit, auquel les protestants donnent toute sa place.

Non, la séparation est ailleurs, à propos de Marie, "Mère de Dieu" pour les catholiques, qu'ils prient, simplement mère de Jésus pour les protestants, qu'ils ne prient pas, comme ils ignorent dans leurs prières l'intercession des saints. C'est là où je ne les suis pas : car les conciles oecuméniques ont déclaré Marie Theotokos, et surtout, à partir du moment où Jésus est Dieu (c'est le dogme de l'Incarnation), sa mère est forcément Mère de Dieu. Ou alors, il faudrait soutenir que Jésus n'était pas encore Dieu dans son ventre, mais qu'Il l'est devenu au moment de son baptême par Jean, en recevant l'Esprit Saint. Mais je crains que cette hypothèse ne soit franchement hérétique, c'est-à-dire pseudo-chrétienne.

Il y aurait aussi beaucoup à dire et à réfléchir sur la notion typiquement protestante de prédestination, que je rattache à leur refus du culte des saints. Quoi que fassent les chrétiens, les élus sont choisis par avance, de volonté divine. Ce qu'il y a de positif dans cette perspective, c'est qu'elle récuse tout rachat un peu sordide des âmes (les indulgences). Du coup, les oeuvres saintes en deviennent aussi suspectes, et aucune action ou aucun personnage ne sont déclarés saints et dignes de vénération. Mais comme il faut bien tout de même des signes qui distinguent les élus, ce sera, en certains pays protestants (je pense bien sûr aux Etats-Unis), la réussite sociale et l'argent.

Les catholiques ont sans doute exagérément condamné l'argent. Mais n'est-il pas chrétiennement condamnable ? Les protestants ont fait de l'argent un simple instrument, qui contribue à faire le bien. Mais je pense qu'ils n'ont pas la même approche de la charité que les catholiques. Pour ma part, il me semble que l'argent est beaucoup plus qu'un simple instrument, que l'humanité en a fait une fin en soi, que c'est quasiment le destin presque diabolique de ce signe abstrait qui donne aux hommes la vraie puissance terrestre, plus que le pouvoir politique.

Voilà parmi les quelques pensées que la conférence de Marie-Pierre Van den Bossche a suscitées en moi, vraies ou fausses, c'est à vous d'en discuter. En tout cas, le protestantisme est une composante de l'histoire française qui mérite notre intérêt, et sa théologie pousse à la réflexion, comme j'ai tenu à vous le montrer.

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