lundi 23 septembre 2013

Le temps des cathédrales




Epicure, au début de sa Lettre à Ménécée, explique qu'il n'y a pas d'âge pour philosopher, jeunes ou âgés. Platon, au contraire, conseille d'attendre la maturité. Samedi après-midi, à la bibliothèque municipale Guy-de-Maupassant, pour la reprise de mes conférences-débats, Epicure aurait été content (vignette 1), mais Platon aussi (vignette 2).

J'ai procédé à une lecture philosophique du premier roman de Victor Hugo, Notre-Dame-de-Paris, comme je l'avais fait quelques mois plus tôt avec Les Misérables. Derrière le récit, il y a de la pensée ; sous les personnages, on trouve des idées. Tout un chapitre est même entièrement philosophique (livre V, chapitre 2, Ceci tuera cela). Hugo y développe une audacieuse réflexion sur l'architecture, réceptacle de la réflexion humaine, mais confisquée par les clercs jusqu'à l'apparition de l'art gothique, qui implique le peuple, exprime la liberté (la construction des cathédrales par une multitude de corps de métier). Mais l'invention de l'imprimerie au XVe siècle (le plus grand événement de l'histoire humaine, selon Victor Hugo) va tuer l'architecture sacrée : c'est le livre qui désormais aura le privilège de la pensée, et l'architecture ne sera plus qu'utilitaire ou purement esthétique.

Pendant le débat, nous nous sommes demandés à quel personnage du roman nous pourrions nous identifier. Les dames avaient le choix entre la belle Esméralda et sa maman pleine de ressentiment, la recluse Gudule. Les messieurs avaient un choix plus large. En mon for intérieur, j'ai écarté Quasimodo (tout de même !), autant que le fringant capitaine Phoebus, qui n'aime la bohémienne que pour coucher avec (ce n'est pas dans mes façons ...). Il me restait Claude Frollo, l'archidiacre de Notre-Dame, tiraillé entre son appétit de savoir (qui le conduit à pratiquer la peu chrétienne alchimie) et ses passions charnelles (pour posséder Esméralda, il tente de tuer Phoebus, ce qui est encore moins chrétien). Il y a peut-être une moitié de Frollo en moi (je vous laisse deviner laquelle), mais le bonhomme est trop odieux et fanatique pour que je m'y reconnaisse. S'il n'en reste qu'un, je serai celui là, et c'est ... Gringoire, philosophe superficiel et poète léger, marié par nécessité à Esméralda (il a été forcé de joindre l'utile à l'agréable) pour s'échapper de la Cour des Miracles. Gringoire est un joli coeur et Phoebus un joli corps : tous les deux survivront à la fin du roman, alors que Quasimodo, Frollo et Esméralda trouveront la mort. Gringoire, c'est moi : vive la vie, et vive Notre-Dame-de-Paris !

3 commentaires:

Djali, la chèvre d'Esméralda a dit…

Hm, il y a une erreur à signaler malgré tout : les dames peuvent très bien s'identifier à Grégoire, Phoebus, Frollo ou Quasimodo, et les hommes peuvent tout à fait s'identifier à Esméralda ou Gudule ;-)

Moi par exemple, je m'identifie secrètement à Rask, le dogue de Buh-Jargal - mais je n'en ai jamais rien dit à ma maîtresse.

Djali a dit…

Ah, merci d'avoir publié mon commentaire !

Comme je vous en veux malgré tout un peu de l'avoir jugé "pas intéressant" sur un autre post, mais que je n'ai pas l'âme rancunière, je vous livre cette citation, qui vous intéressera sans doute :

"Cet âne abject, souillé, meurtri sous le bâton,
Est plus saint que Socrate et plus grand que Platon". (V. Hugo)

Car la bonté "joint, dans l'ombre, hélas! si lugubre souvent,
Le grand ignorant, l'âne, à Dieu, le grand savant".

Si vous n'y trouvez toujours pas d'intérêt, je désespèrerai.

Emmanuel Mousset a dit…

Après de telles références littéraires, signes d'une grande culture, me voilà condamné à vous publier.