mardi 24 septembre 2013

Le braqueur et le bijoutier



L'affaire du bijoutier de Nice qui a tué son braqueur est en passe de devenir une sorte d'apologue, un conte moral pour notre temps, une fable que se raconte notre société, mais pas fictive, hélas tragiquement réelle puisqu'un homme est mort. On sent bien que ce n'est plus un simple fait divers, une crapulerie qui a mal tourné : c'est un événement collectif, avec son million et demi de signataires sur Facebook, en soutien au bijoutier. Car comme dans tout conte moral, nous sommes obligés de choisir le héros et le salaud, le bijoutier ou le braqueur.

Réfléchissons un peu, évitons de nous laisser aller à cette hystérie de masse. Tuer un homme, lui enlever la vie, quelles qu'en soient les raisons, y compris quand elles sont excellentes, c'est le geste le plus grave, le plus répréhensible qu'on puisse commettre dans une société civilisée (je ne parle pas évidemment des sociétés en guerre ou des mondes barbares). D'emblée, moralement parlant, le bijoutier a tort. Les circonstances aggravent son cas : il détenait une arme sans autorisation, il n'était manifestement pas en situation de légitime défense.

Le droit, dans sa sagesse, nous autorise à riposter lorsque notre vie est menacée. Là, ce n'était pas le cas : le bijoutier a poursuivi le braqueur en scooter et lui a tiré dans le dos. Je ne doute pas qu'il s'agisse d'un acte de défense, mais juridiquement pas légitime. Et si vous me dites que le bijoutier n'a fait que réagir sans se poser la question du bien fondé légal de son acte, que c'est compréhensible et excusable étant données les circonstances, c'est que vous permettez à n'importe qui de prendre un flingot et de tirer sur n'importe quoi, avec toujours d'excellentes raisons de le faire. Non, ça ne tient pas. Encore heureux que le bijoutier, dans sa furie, n'ait pas fait d'innocentes victimes ...

Je n'ai aucune compassion particulière pour le braqueur. Qu'il soit père de famille, que son épouse soit enceinte ne m'émeut pas mais me révolte, car cette situation aurait dû l'amener à plus de responsabilité : en perdant la vie, il compromet celle de ses proches, leur avenir. Quand on n'a pas de plomb dans la cervelle, on prend le risque d'en recevoir un jour ou l'autre dans le corps. Je peux éprouver une certaine fascination pour le grand banditisme, mais pour le petit voyou même pas capable de réussir un casse de base, non. C'est un minable de chez minable. Mais c'est surtout un homme qui a été tué, et ça, personne ne peut l'accepter, personne ne peut laisser passer la sanction.

On aime à parler du petit bijoutier, comme si l'adjectif appelait à la compassion (un grand bijoutier, le jugement serait différent ?). Un bijoutier est un bijoutier, la taille de l'entreprise ne joue pas. C'est un métier qui attire depuis toujours la délinquance, comme tout ce qui brille, qui vaut cher, qui est précieux, qui encourage le trafic illégal. Les voyous s'attaquent plus rarement aux marchands de petits pois ou aux magasins de couche-culottes. Bijoutier est une profession dangereuse, qu'il faut souhaiter calme, que la société doit protéger. Mais ces souhaits et précautions n'effacent pas le danger. Il y aura toujours un risque à être bijoutier, que n'encoure pas, ou beaucoup moins, la dame pipi.

On s'offusque que le braqueur soit un récidiviste, on se laisse impressionner par le nombre de ses délits et méfaits. C'est pourtant le lot commun depuis que le monde est monde : un voyou qui sort de prison n'est pas devenu un saint, ni même un bon citoyen. Il n'a qu'une idée en tête, généralement : c'est de recommencer. Souvent, il ne sait faire que ça, et ses fréquentations en prison lui ont donné des idées supplémentaires. La récidive est déplorable, mais elle est dans l'ordre des choses. La société doit s'en protéger, la dissuader (je ne sais pas comment, c'est un autre débat, assez difficile). Mais ne donnons pas l'impression de découvrir la Lune (ou de faire semblant).

Si j'étais un citoyen complètement rationnel et vertueux, je n'aurais jamais rédigé ce billet. J'aurais gardé mes impressions et mes réflexions pour moi, en me soumettant à ce principe républicain : il faut laisser la justice faire son travail, elle seule est en droit et en capacité de juger. Mais notre société n'est pas complètement rationnelle ni vertueuse, et pas toujours très républicaine. J'ai donc mis mon grain de sel, d'autant que le million et demi de réactions électroniques m'incitaient à mon tour à réagir. Une dernière remarque : je crois que ce serait une très mauvaise idée de modifier la législation actuelle sur la légitime défense, qui est parfaite en l'état. Ce ne serait qu'une illusion de plus, qui ne réglerait rien au problème de la délinquance et de la récidive.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher Monsieur MOUSSET : votre billet pose bien le problème mais vous aussi vous vous êtes déstabilisé par exemple en écrivant :" le bijoutier a poursuivi le braqueur en scooter et lui a tiré dans le dos"

NON le bijoutier n'a pas poursuivi le braqueur en scooter ; mais le bijoutier a poursuivi le braqueur s'échappant en scooter piloté par son complice .... En droit vous seriez retoqué ... Mais trêve de balivernes ; le probléme est d'une autre dimension ; les 3 exemples ci dessous montrent que nous sommes en GUERRE contre les voyous , même à ST - QUENTIN .. Et la sénatrice de MARSEILLE qui réclame l' armée a raison ; c'est l' extension de vigie pirate et rien de plus . N4OUBLIEZ PAS ; il n' y a pas si longtemps , tout incendiaire passait aux assises ; sommes nous trop laxistes ; paraissons nous laxistes ; à VOUS de nous le DIRE ....



1 : Saint-Quentin - Info en direct
L’incendie de voiture se propage à un autre véhicule
Publié le 24/09/2013 à 09H17 | Mis à jour le 24/09/2013 à 10H08 - Vu 44 fois
Une voiture a été incendiée hier peu après minuit rue Alfred-de-Musset.
Malgré l’intervention des pompiers, le véhicule a été totalement détruit et le feu s’est propagé à une voiture stationnée juste à côté.
La police va tenter de mettre la main sur les incendiaires.

2 : Un acte héroïque ?
Le 22 août dernier une sexagénaire avait trouvé la mort en tentant d’intercepter deux jeunes braqueurs à Marignane, suscitant une vive émotion. Un complice présumé a été arrêté. L’homme, âgé de 22 ans, a été interpellé à Marignane (Bouches-du-Rhône) et placé en garde à vue au siège de la police judiciaire à Marseille.
Il est soupçonné d’être l’un des deux auteurs -l’autre ayant déjà été arrêté, mis en examen et écroué- du braquage d’un bureau de tabac le 22 août dernier, qui s’était conclu par la mort de Jacques Blondel, un retraité d’Air France âgé de 61 ans.

3 : Grosse saisie d'armes dans un box
Marseille / Publié le mardi 24 septembre 2013 à 10H20
La police a mis la main hier soir sur un véritable arsenal caché dans un box du quartier de Pont-de-Vivaux à Marseille (10e). C'est le propriétaire du garage, qui n'avait plus de nouvelles du locataire, qui a décidé de pénétrer à l'intérieur. Il y a trouvé un scooter et un véhicule dans lequel se trouvaient notamment deux Kalachnikov, deux pistolets mitrailleurs Uzi, quatre fusils semi-automatiques, quatre fusils à pompe, un fusil de chasse, deux pistolets automatiques, ainsi que tout le nécessaire du parfait braqueur.
La quasi totalité des armes était approvisionnée. La PJ est chargée de l'enquête.
Cette saisie n'aurait en revanche aucun lien avec le vaste coup de filet opéré en ce moment.

LISTE à compléter tous les jours en particulier à REIMS ...
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NB : c'est pas de la PUB pour le FN ; c'est pris ce jour dans la PRESSE ...
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Emmanuel Mousset a dit…

Cher Monsieur,

Je prends acte de votre précision, qui ne modifie cependant pas ma démonstration.

"Guerre aux voyous" ? Non, police et justice ne font la guerre à personne, mais font régner l'ordre et la loi, ce qui n'est pas la même chose.

Vos exemples tirés de l'actualité sont à discerner. On ne peut pas mélanger toutes les formes de délinquance.

Bien à vous

Djali, la chèvre d'Esméralda a dit…

Bonjour,

Je ne suis pas contente car vous n'avez pas validé le commentaire que je vous ai laissé le 23 septembre au sujet de Notre-Dame de Paris.

Je n'ai pas été désobligeante - j'aimerais bien le voir car j'ai passé du temps à l'écrire.

Emmanuel Mousset a dit…

Comme il vous plaira, mais sans vouloir être moi non plus désobligeant, j'avais supprimé car il ne m'avait pas semblé très intéressant. Mais les lecteurs jugeront.

Anonyme a dit…

Cher Monsieur MOUSSET : ce n'est pas moi mais des élus PS qui parlent de GUERRE à MARSEILLE :

A Marseille, des élus PS parlent de drones pour lutter contre le crime

LE MONDE | 24.09.2013 à 10h48 • Mis à jour le 25.09.2013 à 09h13 | Par Sylvia Zappi

Des élus PS marseillais se sont prononcés en faveur de la mise en place d'un système de surveillance par drones dans les quartiers Nord de Marseille.

Des drones pour surveiller les quartiers Nord de Marseille. Et lutter contre le crime depuis le ciel. C'est l'idée que le préfet de police des Bouches-du-Rhône a suggérée, début septembre, lors de la table ronde sur le pacte national de sécurité que le gouvernement veut mettre en place. La proposition a été reprise publiquement par un candidat à la primaire socialiste, Eugène Caselli et par plusieurs ténors de la gauche marseillaise.


"ÇA SE FAIT À MEXICO"

Les drones sont en général utilisés dans des zones de combat. Là, des caméras seraient utilisées pour filmer et repérer d'éventuels trafics et leurs acteurs. La proposition est sensible et la préfecture reste prudente. "Le projet reste à finaliser notamment en termes juridiques, techniques et financiers", précise le cabinet du préfet. Le ministère de l'intérieur n'a pas souhaité commenter l'information.



: "Rattachés à la police municipale, ces appareils permettraient une surveillance plus précise."


Jean-Noël Guérini, le patron socialiste du département, mis en examen pour trafic d'influence et association de malfaiteurs, a décidé lui aussi de reprendre l'idée à son compte. "Le conseil général réfléchit à la mise en place de moyens aériens de surveillance, avions ou drones", a-t-il assuré le 18 septembre. Ajoutant "être prêt" à mettre un million d'euros dans le projet. "Ce n'est pas guerrier", tente de rassurer son directeur de cabinet puisque "l'expérience a déjà été mise en place pour les feux de forêt dans les Bouches-du-Rhône".

Le débat de la primaire socialiste semble décidément stimuler l'imagination des candidats sur les solutions sécuritaires face au développement du trafic de drogue dans les quartiers de la cité phocéenne. Samia Galli avait déjà proposé d'y envoyer l'armée.

"Si c'est comme cela que la gauche et l'Etat réfléchissent à un projet d'avenir pour Marseille, on est mal parti. Ils font comme si nos quartiers étaient irrécupérables", déplore Yamina Benchenni du Collectif du 1er juin, qui rassemble des mères contre la violence.
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Emmanuel Mousset a dit…

Cher Monsieur,

Ce qui m'intéresse, ce n'est pas ce que disent les élus ou ce que rapporte la presse, c'est ce que vous en pensez, VOUS.

Anonyme a dit…

Ce que je pense : il y a deux points ; les primaires qui font déballer des discours qui ne devraient être faits que dans les commissions comme cette dernière faite en préfecture sur la sécurité ...
Ensuite l'insécurité marseillaise plus médiatisable que la parisienne noyée dans le débat national mais à MARSEILLE sur un fond de clientélisme effréné . on récolte tout ce que les mauvais côtés de la POLITIQUE apportent dans un contexte d'individualisme électoral de taille ...

Erwan Blesbois a dit…

Objectivement, on n'éprouve aucune culpabilité à tuer un être humain. Je crois même que cela fait du bien à celui qui tue. Mais je suis d'accord avec toi c'est un principe moral qui fait tenir la société. Je suis persuadé que la culpabilité vient du seul fait de ne pas appartenir à la société. Par exemple en 1944, en Allemagne, un Allemand qui n'avait aucun scrupule à tuer avait selon moi moins de problème de culpabilité qu'un Allemand qui avait des principes moraux : mais la société allemande avait à ce moment là depuis longtemps sombré dans la barbarie. Un Allemand qui avait du mal à tuer était à cette époque moins bien intégré dans la société qu'un tueur, il éprouvait donc plus de culpabilité qu'un tueur.
Ce qui n'est pas encore le cas de notre société, mais pour combien de temps? Et pour les tueurs compulsifs il existe bien des moyens détournés de se soulager, par l'humiliation d'autrui par exemple. Quant au fantasme, par le biais des médias, il n'est plus depuis longtemps dans l'amour, mais le plus souvent dans le meurtre (cinéma, jeux vidéos, musique...) qui parle encore d'amour?