mercredi 18 septembre 2013

Le beurre et son argent



J'ai lu aujourd'hui, sur le site Médiapart, une intéressante tribune consacrée à la politique économique du gouvernement. Elle s'intitule : "Pour une politique économique nouvelle" et, comme l'annonce ce titre, elle critique les fondamentaux de la politique actuelle, pour proposer une autre ligne économique. Une telle démarche ne peut être a priori initiée que par des membres de l'opposition. Eh bien non, aussi surprenant que cela puisse paraître, les signataires sont membres du parti socialiste, appartenant à ce qu'on appelle habituellement l'aile gauche, dont Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel.

Je ne discute pas le fond de leurs arguments, qui sont intellectuellement cohérents, parfaitement défendables et totalement légitimes. En tant que militant, je ne débats pas avec la gauche, mais avec la droite. Ce que je ne comprends pas et ne comprendrai jamais (sauf si un lecteur veut bien m'envoyer une explication), c'est qu'on puisse être membre d'un parti et contester la politique économique de ce parti. Prenez-le dans tous les sens que vous voudrez, il n'y a pas de logique à ça. Qu'on puisse être en désaccord sur un point particulier, c'est en revanche admissible, et même inévitable, mais ça ne remet pas en cause le projet global.

Moi-même, qui suis pourtant un fervent supporter de ce gouvernement, tout ne me plaît pas dans la politique économique actuelle, c'est impossible. On ne doit pas renoncer à son esprit critique parce que vos amis politiques sont au pouvoir. Au contraire, c'est une forme d'exigence, de vigilance, d'indépendance. Mais en aucun cas cela me conduit à vouloir "une politique économique nouvelle". Là non, ce n'est pas possible, c'est absurde. Un rejet général revient à ne plus se reconnaître du tout dans le gouvernement qu'on est supposé soutenir et dans le parti auquel on appartient.

Si le parti socialiste était dans l'opposition ou si nous étions en période de congrès, j'accepterais sans problème qu'une "politique économique nouvelle" soit proposée par un courant du parti et soumise au débat : c'est le fonctionnement normal d'une organisation démocratique et pluraliste, c'est même très souhaitable. Mais quand on est au pouvoir et que le dernier congrès a tranché sur la politique à suivre, c'est contradictoire.

En réalité, ces camarades contestataires sont des dissidents de l'intérieur, assis entre deux chaises : ils pensent comme Mélenchon, les outrances en moins, ils restent socialistes, les critiques en plus. C'est le grand écart : ce sont des minoritaires au sein d'une majorité, des opposants alors que nous sommes au pouvoir. Pour le dire trivialement : ils veulent le beurre et l'argent du beurre. Idéologiquement, ce sont des socialistes d'autrefois qui n'acceptent pas le socialisme d'aujourd'hui, c'est-à-dire la conversion social-démocrate du parti.

Mais pourquoi restent-ils au PS ? Pourquoi ne choisissent-ils pas de mettre en conformité leurs idées et leur appartenance politique ? D'autres l'ont fait avant eux et s'en sont politiquement mieux portés : on n'est jamais bien avec soi et avec les autres quand on n'est plus vraiment en phase avec l'organisation dont on est membre. Je crois tout simplement qu'ils ne veulent pas perdre les mandats et les responsabilités qui sont les leurs. Mais ce n'est vraiment pas une sinécure pour eux. Moi, je ne pourrais pas : quand je ne suis plus d'accord quelque part, je m'en vais, je cherche ailleurs.

Tout cela n'aurait pas grande importance si nous n'étions pas dans le combat politique (car ce n'est qu'une petite minorité du parti qui souhaite "une politique économique nouvelle"). Mais comment s'engager dans les prochaines élections, municipales, en défendant la politique du gouvernement, comme c'est le devoir des socialistes, alors que des camarades, dans votre dos, expliquent qu'il faut "une politique économique nouvelle" ? La droite va s'en donner à coeur joie, utiliser à fond la contradiction. Si les socialistes eux-mêmes ne sont pas TOUS convaincus du bien-fondé de leur politique économique, qui le sera ? Pas les électeurs, en tout cas ... Cette tribune de Médiapart ne m'étonne pas, mais elle m'attriste.

3 commentaires:

Psychrolutes marcidus a dit…

Marie-Noelle Lienemann a fait une intervention que j'ai trouvée grotesque lorsqu'elle est venue soutenir Anne Ferreira durant les élections législatives.
Elle ferait bien de se remettre un peu en question, et la raison pour laquelle elle reste au PS au lieu de passer au Front de gauche, plus conforme à sa pensée, ne fait pas honneur à la politique, car il semble que ce soit plus pour une question de places et de postes que pour des raisons de conviction politique.

Anonyme a dit…

C est aussi au ps de faire le menage dans ses rangs et de ne pas investir aux prochaines elections des candidats ideologiquement trop eloignes de la pensee gouvernementale, trop critique ou refusant la sociale democratie.
C est quand meme le parti qui a le pouvoir d'accepter ou de refuser des adherents.
Un tel comportement dans la presse va t il etre sanctionner ?

Emmanuel Mousset a dit…

Au premier commentaire : je ne suis pas aussi radical que vous dans le jugement, mais il est vrai que la question de la cohérence est posée.

Au second commentaire : ce sont les adhérents qui choisissent les investitures par leur vote. A eux d'en juger.