samedi 7 septembre 2013

Faire la guerre



Quelques mois après le Mali, la France s'apprête à faire de nouveau la guerre, en Syrie cette fois, si le Congrès américain donne son feu vert. Car il ne faut pas se payer de mots : c'est bien de guerre dont il s'agit, terme que plus personne aujourd'hui n'ose prononcer, sinon par des euphémismes. Pourtant, la guerre existe depuis que le monde est monde. Mais dans la société qui est la nôtre, légitimement préoccupée de loisirs, d'argent et de confort, la guerre, avec ses destructions, ses souffrances et ses morts, fait tache.

Quand on est de gauche, faire la guerre est encore plus difficile à accepter. Un gouvernement de gauche est élu pour faire des réformes sociales, pas pour faire la guerre. La culture de gauche est historiquement influencée par trois courants anti-guerre : le pacifisme, l'antimilitarisme et l'antiaméricanisme (ou anti-impérialisme). C'est pourquoi il est étonnant qu'au sein du parti socialiste, à propos de la Syrie comme du Mali, aucune voix, à ma connaissance, ne se soit élevée pour dénoncer la guerre, contrairement à ce qui s'était passé il y a vingt ans, lors de la guerre du Golfe. J'en conclus qu'en matière de politique étrangère, le parti socialiste a beaucoup évolué, comme en matière économique et sociale il s'est converti à la social-démocratie.

Faut-il s'en réjouir ? Oui ! Et en ce qui me concerne, forcément, sinon j'aurais quitté le PS. Car la culture pacifiste, antimilitariste et antiaméricaine n'est pas la seule à irriguer historiquement la gauche : il y a aussi l'internationalisme, la défense des droits de l'homme et le combat contre la tyrannie, à quoi tenaient déjà les révolutionnaires de 1789. L'homme de gauche ne s'intéresse pas seulement à ce qui se passe chez lui, dans l'hexagone ; il va voir ailleurs, il est en quelque sorte un citoyen du monde. A ce titre, il se préoccupe de ce qui se déroule en Syrie, il n'accepte pas qu'un régime gaze une partie de sa population, civils, vieillards, femmes et enfants, alors même que la loi internationale interdit l'usage de cet arme. Tout le monde connait ce sujet de dissertation posé au bac de philo : La guerre peut-elle être juste ? Et tout le monde connait la réponse : oui, oui, oui, trois fois oui ! A moins de se montrer complaisant envers les tyrans et les bourreaux, au nom de la real politic que défend une certaine droite.

Qui aujourd'hui refuse la guerre ? Non pas, comme il y a 40 ans, le beatnik peace and love, mais le petit-bourgeois matérialiste, soucieux de ses intérêts, qui ne veut pas qu'on lui gâche la vie et l'appétit avec cette histoire de guerre pour sauver un peuple de la persécution. C'est aussi le militant FN qui peste contre la guerre, au nom de l'égoïsme national qui lui fait dire qu'on n'a rien à faire là-bas, si loin, alors qu'il y a tant de problèmes en France ... Le chrétien aussi est contre la guerre, mais pour des raisons respectables, qui sont d'ordre spirituel, pas politique. Or, je vous parle ici de politique. Moi aussi, je suis contre la guerre, mais elle a déjà commencé : c'est le régime syrien qui a déclaré la guerre à son peuple, de la façon la plus odieuse qui soit. C'est pourquoi il faut lui faire la guerre, guerre à la guerre si vous préférez, car jamais la France n'aurait menacé si rien en Syrie ne s'était produit de criminel.

Il est donc important de réaliser l'union sacrée autour de François Hollande, chef des armées, de Jean-Marc Ayrault et du gouvernement, afin qu'un coalition internationale se mette en place pour sanctionner par la force un régime qui utilise la force et qui ne comprend que le langage de la force. Et tant pis pour les derniers beatniks, les nombreux petits-bourgeois et les militants d'extrême droite.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

il est juste de declarer la guerre à la syrie mais il le serait tout autant pour les Etats suivants:
Yemen, Coree du nord, Birmanie,...
De nombreuses dictatures massacrent bien plus d hommes et de femmes de leur peuple en commettant regulierement des crimes contre l'humanité.
quand la France va t elle decider d agir pour supprimer les camps de type nazis répartis sur la planete et faire stopper les genocides et l'esclavage ?
Pourquoi la syrie et pas les autres ?
reponse: comme pour l'Irack, la raison est economique car c est un pays petrolier.
le dictateur mais avant tout en danger la stabilité des cours du petrole, ce n est absolument pas pour liberer un peuple mais pour liberer un marché, l usage des armes chimiques est simplement ce qui autorise à intervenir militairement.
cette mission armée est necessaire et juste mais la France et ses alliés ne font pas preuve d'un courage exceptionnel. ils interviennent uniquement là ou leurs interets financiers sont superieurs aux couts des armes.

Emmanuel Mousset a dit…

Le marxisme vulgaire, qui consiste à réduire les comportements politiques à des intérêts économiques, ne me convainc pas. Une guerre est coûteuse. Ne rien faire ne coûte rien.

Il n'y a pas que le profit dans la vie, il y a aussi l'idéal. Quant à faire la guerre à toutes les dictatures, c'est un noble projet, mais je n'en demande pas tant : commençons déjà par le régime qui ne respecte pas les lois interdisant l'arme chimique. Après, on verra.

Hamster Doré a dit…

Cher Emmanuel,

Vous écrivez : "Le chrétien aussi est contre la guerre, mais pour des raisons respectables, qui sont d'ordre spirituel, pas politique".

Dans le cas précis de la guerre en Syrie, il y a un motif supplémentaire à l'opposition des chrétiens envers cette guerre.

Pour rappel, car je ne peux douter que vous l'ignoriez : "De nombreux chrétiens soutiennent le régime de Bachar el-Assad, par crainte des jihadistes et de leur poids dans la rébellion. [...] Les chrétiens de Syrie ont peur de l'instauration d'un Etat islamique".
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20130905-syrie-pape-francois-eglises-chretiennes-paix-obama-poutine

Je n'ai pas du tout de sympathie particulière pour les chrétiens, mais je comprends qu'ils préfèrent soutenir un dictateur qui les tolère vaguement, plutôt que des rebelles dont ils ignorent, et surtout craignent, les intentions à leur égard.