dimanche 25 octobre 2015

La République est en danger



La République est en danger. Je le pense depuis quelques années. C'est mal porté de le dire : on passe pour excessif. C'est pourtant vrai, avec la stupéfiante ascension électorale du Front national et la résistance insuffisante qu'elle suscite. L'idée s'est progressivement installée que le FN était un parti comme un autre, régulier donc républicain. C'est faux : s'il respecte la légalité du régime, s'il participe aux élections, ça n'en fait pas pour autant une formation républicaine. Son projet, ses valeurs, son histoire sont contraires aux projet, aux valeurs et à l'histoire de la République : voilà la vérité.

C'est à peu près ce que dit, aujourd'hui dans un remarquable entretien au Journal du Dimanche, Daniel Keller, grand maître du Grand Orient de France. Oui, "la République est en danger", et nous laissons faire, ou bien nous entrons dans les provocations de l'extrême droite (voir mes précédents billets de jeudi et vendredi). On n'ose plus appeler un chat un chat, et un facho un facho. On dédiabolise le FN et on déculpabilise son électorat, qu'on rend donc irresponsable de son vote. Résultat : "on est en train de dérouler le tapis rouge au Front national", s'inquiète très justement le responsable de la principale obédience maçonnique de notre pays.

C'est qu'on croit, naïvement et sans aucune mémoire historique, que la République est solidement installée, depuis longtemps, sur ses pieds, que rien ne pourrait la renverser. Keller nous rappelle que "la République reste un combat", pas un acquis définitif. C'est pourquoi il est indispensable que la gauche et l'ensemble des républicains, quelle que soit leur sensibilité, se mobilisent à chaque fois que le Front national se mobilise. A Saint-Quentin, Le Pen reviendra, dans les prochaines semaines, elle l'a promis : que les partis de gauche, que les formations républicaines cette fois se rassemblent, protestent, combattent pour les valeurs de la République. Car à force d'être discrets, nous allons finir par mourir.

Dénonçons le mensonge. L'électorat du FN n'est pas populaire ni ouvrier, mais provient majoritairement des classes moyennes. Cet électorat n'est ni victime de la crise, ni confronté à l'immigration, ni menacé par l'insécurité. Il suffit de consulter les statistiques électorales, par catégories sociales et par implantation géographique, pour s'en convaincre facilement. Mais les images sont plus éloquentes que les chiffres : quand Marine Le Pen est venue à Saint-Quentin, a-t-elle fait une sortie d'usine ? A-t-elle visité un quartier populaire ? S'est-elle entretenue avec des chômeurs ? Non, elle a parcouru les rues tranquilles du centre ville et discuté avec des commerçants. Tout est dit.

Daniel Keller fait une proposition que je défends depuis plusieurs mois, que certains militants de gauche hélas refusent : poser dès maintenant le principe républicain d'un désistement au second tour, en cas de triangulaire, pour empêcher le Front national d'accéder à la présidence d'une région, ce que le maçon ramasse en ces termes : "accepter de sacrifier ses propres couleurs pour l'intérêt général". Que nos responsables politiques puissent être sensibles à la sagesse maçonnique ! Ils y perdront des places mais ils sauveront des régions, qu'ils garderont dans la République. Se mobiliser quand l'occasion se présente, se désister quand c'est nécessaire : il n'y a plus à hésiter quand la République est en danger.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

La "sagesse maçonnique" voudrait que l'on s'active pour donner de l'emploi aux citoyens de l'hexagone.

Emmanuel Mousset a dit…

Ce n'est pas contradictoire avec la lutte contre l'extrême droite. C'est même concomitant, puisque l'arrivée du FN au pouvoir, dans les régions ou au sommet de l'Etat, aggraverait considérablement le chômage, en précipitant la France dans l'isolement politique et le déclin économique.

Anonyme a dit…

"aggraverait considérablement le chômage"...
Assertion que vous prouvez comment ?
Le score FN ne cesse de croître parce que malheureusement droite et gauche n'ont pas fait mieux l'un que l'autre sur ce plan là.
Et que le FN pour le moment, n'est pas responsable de cet état...
Décidément, on est très loin des idées qui ont mené à la révolution de 1848...
Même si cela a fait le lit du bonapartisme...

Emmanuel Mousset a dit…

Que je prouve en lisant attentivement le programme économique du FN, que vous devez connaître aussi bien que moi (et même peut-être plus et mieux que moi). N'attendez pas que l'extrême droite soit au pouvoir pour déplorer la catastrophe. 1848 ? En effet, on en est loin. Avec le FN, la bonne référence, c'est plutôt 1940-1944.

Anonyme a dit…

Keller est un énarque au sein de la multinationale Nissan Renault Dacia qui crée des emplois ailleurs qu'en France

Anonyme a dit…

Mr Hollande est comme Mr Sarkozy il pète de frousse et il faut une armée de CRS ou de gardes mobiles pour sécuriser un parcours balisé avec tireurs d'élite sur les toits.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Et vous croyez qu'il n'y a que la France qui a besoin d'emplois ? Si on est nationaliste, oui ; si on est, comme moi, internationaliste, non.

2- Et ça vous étonne ? Nous sommes en guerre.

U a dit…

(poser dès maintenant le principe républicain d'un désistement au second tour, en cas de triangulaire, pour empêcher le Front national d'accéder à la présidence d'une région) ?
A condition que des accords préalables aient été passés avec soit fusion des listes soit répartition au niveau national des régions qui seront dirigées par telle ou telle tendance. Votre proposition ressemble à ce qui s'est passé lors du duel Le Pen - Chirac : pas d'accord préalable, mise sur orbite de l'ancien maire de Neuilly et tous les dégâts collatéraux qui en ont résulté. Alors oui pour des accords nationaux préalables, non à la reddition en rase campagne. Il faut savoir accepter de manger du pain noir de temps en temps pour mieux pouvoir apprécier le blanc par la suite.

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne mange pas de ce pain-là, ni noir ni blanc. Pas d'accord préalable, pas de fusion : à situation exceptionnelle, décision exceptionnelle. La "reddition", c'est un terme militaire, qui ne convient pas à la politique.

Anonyme a dit…

Cependant la guerre n'est guère autre chose qu'une forme continuée de la politique lorsqu'elle a échoué...