dimanche 4 octobre 2015

Attali s'expose au Louvre



Une exposition est assez courue en ce moment à Paris : "Une brève histoire de l'avenir", au Louvre, inspirée d'un livre de Jacques Attali, du même titre. Il y a plusieurs façons d'exposer des œuvres d'art : par thème, par période, ... Celle-ci, en choisissant d'illustrer un ouvrage de réflexion, prend des risques : elle se range derrière une thèse, forcément contestable, comme tout point de vue un peu profond. C'est le cas ici.

Et puis, il y a le choix de Jacques Attali, essayiste, chroniqueur, parfois polémiste. C'est un personnage médiatique depuis longtemps. Mais c'est surtout un conseiller politique (on se souvient de sa présence à l'Elysée auprès de François Mitterrand), un banquier, un homme de réseaux et d'influence. Il n'est ni universitaire reconnu, ni philosophe éprouvé. Ce qui n'enlève d'ailleurs rien à ses talents. Mais qu'un établissement prestigieux fasse ce choix-là, lui offre une telle tribune prêtent en soi à discussion.

Enfin et principalement, il y a l'idée soutenue tout au long de l'exposition, tirée de l'historien Arnold Toynbee, très classique : l'histoire serait une suite d'apogées et de déclins des civilisations. Rien d'original, presque banal, et néanmoins discutable. Car une grande absente se fait particulièrement remarquer dans ce travail : la conception judéo-chrétienne, linéaire du temps, au profit d'une représentation archaïque, païenne, cyclique, l'éternel retour des renaissances et des décadences. Pourquoi pas, une théorie en vaut bien une autre, mais je crains que les visiteurs ne prennent cette "brève histoire de l'avenir" comme une sorte de vérité, pour le coup révélée, alors que justement elle mérite et exige réflexion et débat.

Par exemple, la notion de progrès se trouve, sans le dire, remise en question. Et l'exposition résonne d'un catastrophisme qui n'est pas de bon aloi. La fin de l'exposition est particulièrement sidérante. Evacuant l'héritage biblique, Jacques Attali se transforme tout de même en prophète et prédit l'apocalypse (une guerre planétaire totale) ou bien le paradis social sur terre (avec certes des variantes entre les deux). Chassez un pan de notre culture par la porte, il revient par la fenêtre, sous des oripeaux très suspects ...

Je ne vais pas non plus me plaindre d'une telle exposition, qui vaut toujours mieux que de rester devant sa télé à regarder n'importe quoi. Mais il ne faudrait pas qu'on la parcourt en prenant pour argent comptant l'idéologie (car c'en est une) qui y est défendue. Les paisibles œuvres d'art ne sont pas là que pour leur beauté ; d'elles aussi, il faut se méfier, à cause des idées que leur organisation suggère. Bref, au Louvre comme ailleurs, il convient de faire ce terrible métier d'homme qui consiste à réfléchir. Vous avez jusqu'au 04 janvier 2016.


Le site internet "La Tribune de l'art" se livre à une critique de l'exposition, par Didier Rykner, datée du 21 septembre 2015. Je remercie monsieur le conservateur du musée Antoine-Lécuyer de l'avoir signalée à mon attention.

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