mardi 13 octobre 2015

Avant la catastrophe



Marine Le Pen était ce matin à Saint-Quentin, poursuivant sa campagne des élections régionales. Elle a visité une entreprise, s'est promenée en centre ville, a salué des passants et des commerçants. Bref, un parcours de candidate normale. Sauf que le chef de l'extrême droite n'est pas, à cause de ses idées, une candidate comme les autres. Sur son passage, aucun manifestant et aucun appel à s'opposer.

Partout ailleurs, quand Le Pen intervient, il y a une mobilisation qui se met en place, pour montrer que cette femme, que ce parti sont dangereux. A Saint-Quentin même, par le passé, jusqu'en mars dernier, sa venue suscitait la réprobation. Aujourd'hui, rien, le calme plat. Et pourtant, nous sommes en pleine campagne électorale. Et pourtant, le Front national est, dans notre région, aux portes du pouvoir. Je laisse chacun méditer sur cette situation inédite et en tirer les conclusions de son choix.

Pour m'opposer au FN, pour manifester ma réprobation à ses idées, pour montrer que le danger est imminent, je prendrais une méthode empruntée au philosophe contemporain Jean-Pierre Dupuy ("Le Catastrophisme éclairé. Quand l'impossible est certain", Le Seuil, 2004) : envisager le pire, l'exagérer en vue de le combattre et faire en sorte qu'il n'advienne pas.

Il faut bien prendre la mesure des choses : la victoire de Marine Le Pen dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie serait un séisme politique. Une grande région de six millions d'habitants, disposant de pouvoirs importants, serait gérée par l'extrême droite, qui disposerait ainsi d'un formidable tremplin pour la prochaine élection présidentielle. Toute une administration territoriale passerait sous la coupe d'un parti néofasciste, avec l'influence que celui-ci, de facto, obtiendrait. Ce serait une terrible reconnaissance, une légitimation irréversible.

Marine Le Pen, présidente de région, ce serait l'image du Nord et de la Picardie complètement bafouée, rabaissée, en France, en Europe, et même dans le monde entier, une honte pour nous tous. Qu'est-ce que la région la plus pauvre de notre pays aurait à y gagner ? Un malheur de plus : après le chômage, après le déclassement dans tous les secteurs, l'extrême droite au pouvoir !

Imagine-t-on les milieux économiques investirent dans de telles conditions ? Non. Songe-t-on à ce que deviendrait alors la vie culturelle de notre région, quand on lit avec horreur les propositions du FN en ce domaine, quand on constate ce qu'il a fait partout où il s'est emparé du pouvoir ? Laisser les extrémistes gérer le budget de la grande région, leur laisser par exemple le soin de verser les subventions aux associations : quelle folie ! C'est un avenir de mort qui nous est promis.

Je force le trait, mais à peine. A toutes et à tous, chacun avec les moyens qui sont les siens, MANIFESTEZ contre le Front national, ne lui laissez pas la rue, ni imposer l'image que ce serait un parti comme les autres, dont le leader pourrait tranquillement se promener, serrer des mains, discuter et divulguer ses idées, comme il a pu le faire ce matin à Saint-Quentin. Après, quand la catastrophe sera advenue, nous aurons beau manifester tout notre soul, il sera trop tard, nous n'y pourrons plus rien.

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