samedi 17 octobre 2015

Prophète, poète et philosophe



Quelle image impressionnante ! François Hollande, hier, en Islande, devant son glacier, seul, sombre, méditatif. J'ai tout de suite pensé à Bonaparte face aux pyramides d'Egypte, et ces "quarante siècles qui nous contemplent". Sauf que le chant de Bonaparte était glorieux : celui de notre président est apocalyptique. Car le monstre de glace fond goutte à goutte ; on dirait qu'il pleure. En réalité, il meurt. Et ils sont 269 comme ça, dans la banquise islandaise, qui auront disparu avant la fin du siècle.

Ce glacier porte un nom (les étoiles aussi, mais pour les glaciers, je ne savais pas) : Solheimajökull. J'espère que je ne fais pas de fautes ; ce n'est pas facile à retenir. On s'attend presque à voir un ours polaire sur sa tête. Il est bien sûr énorme, et François Hollande, en habits et chaussures de ville, semble à côté tout petit, très fragile. Et pourtant, ce n'est pas l'homme, c'est le glacier qui est menacé, mais qui entraîne dans sa catastrophe toute l'humanité.

François Hollande a eu les mots justes, vrais et forts. D'immenses inondations sont à prévoir si rien n'est fait (les doctes appellent ça le "réchauffement climatique"). Nous sommes en train d'assister, mine de rien, à un nouveau Déluge de Noé, mais très lent, quasiment imperceptible, sauf ici, devant ce glacier qui peine, qui transpire, qui fait peu à peu naufrage, une tragédie qu'on croyait jusqu'à présent réservée aux navires. C'est la revanche du Titanic !

Le président de la République, en un geste quasi liturgique, s'est saisi d'un pain de glace, détaché de la calotte. J'ai cette fois songé à un prêtre faisant une offrande aux dieux, pour conjurer le malheur à venir. Alors, François Hollande a lâché cette phrase, qui restera, comme les quarante siècles de Bonaparte, dans les mémoires : "la disparition des glaciers, c'est aussi la disparition de l'Histoire". Le chef de l'Etat nous prédit rien moins que la fin du monde, pour éveiller les consciences, pour pousser à l'action.

Le président islandais, Olafur Ragnar Grimsson (j'espère ne pas me tromper, son nom est aussi difficile à retenir que celui du glacier), n'a pas été en reste. Moins lyrique, moins prospectif, il a cependant eu cette formule bien sentie : "les glaciers n'appartiennent à aucun parti politique, ils sont en train de fondre !" Savez-vous que les glaciers islandais maigrissent de 11 milliards de tonnes par an, depuis quelque temps ! Je me suis toujours demandé comment les savants arrivaient à faire de tels calculs ! Moi qui suis plus philosophe que savant, j'en tire cette leçon : rien n'est éternel en ce monde, même pas les glaciers.

François Hollande a terminé sa visite au glacier par cette phrase très belle : "je ne veux pas qu'on dise un jour à nos enfants : ici, il y avait un glacier". De retour dans son bureau de l'Elysée, au milieu de mille autres préoccupations, je suis certain qu'il va y penser, à son ami le glacier qui agonise et qui nous lance un avertissement. François Hollande n'était plus hier un homme politique, il s'est élevé à une dimension supérieure, très inspirée, dans le froid du grand nord : celle d'un prophète, d'un poète et d'un philosophe.

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