lundi 26 octobre 2015

Le Pen présidente ?



Le député socialiste Malek Boutih, hier soir sur BFMTV, a fait tomber un tabou que refuse de lever une partie de la gauche : oui, Marine Le Pen pourrait gagner la présidentielle de 2017 ! A ma connaissance, c'est le premier homme politique, à gauche en tout cas, à oser cette possibilité. Il a parfaitement raison : si sa déclaration pouvait réveiller les consciences et mobiliser les énergies, le cours des choses en serait sans doute changé.

En 2017, un Hollande n'ayant pas réglé le problème de son impopularité, un Sarkozy vainqueur des primaires mais dont l'électorat de droite aurait soupé, une Le Pen en pleine dynamique post-régionales, oui, ce cas de figure dramatique pourrait faire accéder l'extrême droite à l'Elysée. Pour empêcher ce scénario catastrophe, la responsabilité de la gauche est de surmonter un certain nombre de préjugés, d'appréhensions qui la freinent, pour le moment, dans son combat contre le Front national. Ces préjugés à dépasser sont exactement sept :

1- Le FN ne gagnera jamais. Pour les régionales, les sondages lui promettent deux régions. Ce véritable cataclysme dans la République lui fournirait un formidable tremplin un an plus tard, dans la présidentielle. Il ne faut jamais dire jamais en politique.

2- Le véritable adversaire, c'est la droite. En raisonnant ainsi, on demeure dans le schéma classique. Mais qui ne voit que la situation est différente et exceptionnelle ? J'admets volontiers que la gauche a pour adversaire la droite, à condition de préciser que l'extrême droite est son ennemi, et qu'entre les deux, la lutte doit se tourner en priorité contre le pire et le plus dangereux.

3- Le FN à la tête de régions, ce n'est pas grave. En effet, à la tête du pays, ce serait pire ! Mais le mal des régionales annonce et prépare le pire des présidentielles. L'extrême droite gérant deux grandes régions, ce serait gravissime, car alors un très large pouvoir lui serait offert, dont elle disposerait à son gré, en toute nuisance pour la gauche et pour la France.

4- FN et droite, c'est pareil. Que certains hommes de droite courent après l'extrême droite, je n'en doute pas, cela a toujours existé. Mais, en politique, ce n'est jamais en termes d'hommes qu'il faut raisonner : c'est en termes de partis, de forces collectives, d'histoire, d'électorat. On ne peut pas sérieusement assimiler la droite à l'extrême droite et les renvoyer dos à dos. Le contresens historique et idéologique aurait des conséquences terribles.

5- Combattre le FN, c'est lui faire de la pub. Oh, le vilain argument paresseux, qui justifie qu'on reste chez soi à ne rien faire ! Voilà qui aurait fait honte à nos grands ancêtres antifascistes, qui ne se sont pas contentés de manifester, qui ont parfois donner leur vie. Argument de fainéants et de vicieux, car il sous-entend que les opposants au FN seraient en réalité ses promoteurs. Argument ignoble et odieux, mais hélas fréquent.

6- La gauche doit se garder de tout angélisme. C'est la droite qui fait peser sur elle ce vieux complexe. La gauche serait soi-disant laxiste, elle devrait prouver qu'elle ne l'est pas, en reprenant à son compte la demande d'autorité et de sécurité qu'exploite le Front national, en veillant à ne pas s'en prendre à celui-ci, pour ne pas braquer son électorat. Non, tout cela n'est que mensonge : la gauche doit fièrement assumer ce qu'elle est, ne pas renoncer à son histoire, qui n'a jamais été laxiste ou angélique. Quand on est républicain, on ne rencontre aucun problème à faire appliquer la loi, contrairement à ce que les démagogues prétendent.

7- Le FN représente une protestation sociale. Du coup, la gauche devrait entendre ce qui s'y dit, sans le contrarier. Non, rien de plus faux, ou alors c'est se soumettre à la propagande du FN : celui-ci n'a jamais été du côté de la France qui souffre. Au contraire, tout son programme politique, économique et social se dresse contre les plus pauvres et soutient les nantis (voir mon billet d'hier).

Malek Boutih a raison de tirer le signal d'alarme, mais il faut tout faire pour que l'avenir ne lui donne pas raison. Combattons le FN pendant qu'il est encore temps ; surmontons, à gauche, ces sept complexes, préjugés ou facilités que je viens de passer en revue.

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