dimanche 18 octobre 2015

Saintignon souffrant



La tête de liste socialiste pour les élections régionales dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Pierre de Saintignon, est malade. Ce n'est pas un scoop, les médias nous en ont informés depuis déjà un certain temps. Certes, ce n'est pas une maladie grave, encore moins mortelle. Mais c'est toujours embêtant d'être malade, surtout pour un responsable politique. Ce n'est pas non plus une maladie contagieuse : on peut donc militer auprès de Pierre de Saintignon sans crainte. Mais c'est une maladie qui semble chronique et difficilement guérissable. Bien que n'étant pas docteur, je n'en crois rien et je vais vous dire pourquoi.

D'abord, quelle est cette maladie ? Les commentateurs, qui analysent et auscultent nos hommes politiques, l'ont diagnostiquée à plusieurs reprises, sinon à chaque fois que le cas Saintignon a été observé par eux : il souffre d'un déficit de notoriété. Vous constatez comme moi que la maladie est bénigne, qu'on connaît pire en politique. Mais comme ce mal pourrait quand même lui valoir de perdre les élections, il faut l'examiner de près. J'ai quatre remarques à vous soumettre :

1- Si le seul reproche qu'on puisse faire à Pierre de Saintignon est celui-là, le déficit de notoriété, c'est qu'il est un bon. Car enfin, ce n'est pas là-dessus qu'on juge un élu et un candidat, mais sur ce qu'il fait et ce qu'il propose. La réputation n'est pas forcément la bonne réputation, et l'on peut être méconnu tout en arrachant beaucoup de travail et en apportant à ses concitoyens. Le critère de la notoriété est donc très secondaire et pas nécessairement positif. Il y a plein d'autres qualités qui le précèdent. La notoriété est d'ailleurs plutôt une conséquence qu'une cause.

2- Le déficit de notoriété est une maladie incertaine, parce que le symptôme est flou. Qu'est-ce que la notoriété ? Etre connu, soit. Mais par qui ? Et où ? Et par combien de personnes ? Le critère est relatif et subjectif. Saintignon est connu, c'est certain, puisque c'est un homme public. Mais il ne l'est pas nationalement. Quelle importance, d'ailleurs, puisque l'élection est locale, et pas nationale. Quant à la comparaison avec Marine Le Pen et Xavier Bertrand, supposée être en défaveur du candidat socialiste, elle est fausse, selon le principe logique qu'on ne peut comparer que ce qui est comparable, les deux cités étant des vedettes nationales, passant souvent dans les médias. Mais en quoi cela serait-il obligatoirement à leur avantage ?

3- Si la maladie de Pierre de Saintignon était politiquement disqualifiant, c'est toute la démocratie qui serait disqualifiée, car elle supposerait que ne peuvent se présenter efficacement devant le suffrage universel, avec quelque chance de succès, que ceux qui sont déjà connus, ce qui réduirait le cercle des candidats à une petite élite, étoufferait et dénaturerait la République, où chacun, connu ou pas, doit pouvoir concourir à égalité, où le renouvellement des représentants est l'oxygène de la vie publique. A tout prendre, ne pas être connu serait plutôt un atout, un signe de rafraîchissement.

4- Enfin, il y a l'expérience historique, qui sera notre juge de paix dans cette querelle de médecins. Combien sont-ils, en politique, à s'être fait élire alors qu'ils n'étaient pas très connus ? Beaucoup plus que ceux qui se sont fait élire en étant déjà connus ! Je vais prendre un exemple personnel, quand j'étais au Parti socialiste à Paris, dans les années 90 : Bertrand Delanoë était un petit sénateur qui ne disait rien à personne, perdu dans la grande capitale, que cherchaient à ravir de grands noms, tels que Jack Lang ou Dominique Strauss-Kahn. Delanoë, c'est qui ? Voilà la question qui revenait le plus souvent sur les marchés. Le malade s'en est bien remis : il est devenu le premier maire socialiste de Paris, dont personne aujourd'hui n'a oublié le nom. Il en sera de même pour Pierre de Saintignon, une fois qu'il aura été élu président de région. En politique, le meilleur remède, c'est l'électorat qui le prescrit : surtout pas une cure de repos, mais une cure de pouvoir, au moins la durée d'un mandat, à renouveler, sur ordonnance, après élection.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Et vous trouvez çà drôle?

Emmanuel Mousset a dit…

Oui, mais puisque vous posez la question, c'est que vous n'avez pas compris.

Anonyme a dit…

personnellement ce n'est pas cet angle que j'aurai privilégié! donc les médias sont également souffrants! les français veulent du nouveau! et le candidat PS est une nouvelle tête! non la carence n'est pas la notoriété mais le charisme!!!! et le charisme n'est pas une maladie curable! non c'est en avoir ou pas!!!!!

Emmanuel Mousset a dit…

De nos jours, tout le monde prétend "souffrir". Alors ...

Le défaut de "charisme", non, je n'y crois pas non plus, et même encore moins. Car le "charisme", terme hérité des rois de France et de leur pouvoir de thaumaturge, ne veut strictement rien dire aujourd'hui. Il y a des personnalités séduisantes qui ne réussissent pas en politique et des profils ternes qui rayonnent (voyez Merkel en Allemagne). Ce qu'on appelle "charisme" vient après coup, une fois qu'on occupe le pouvoir. On n'est pas, en soi, "charismatique", mais c'est l'exercice du pouvoir qui vous le fait devenir.

Le problème de Saintignon, ce n'est pas la notoriété ou le charisme, pas sa personne ou son projet, mais sa communication, qui me semble déficiente. Et puis, il ne faut pas en faire un homme seul : c'est un scrutin de liste, ne l'oublions pas ! Je reprendrais la réflexion de Jean-Jacques Thomas, dans "L'Aisne nouvelle" de jeudi dernier, qui me parait très juste : "L'essentiel pour moi, ce sont les 17 candidats (axonais) qui doivent aussi être sur le territoire".

V a dit…

Est ce que le Général avait du charisme le 18 juin 1940 ?
Ou son discours était-il ajusté à la situation donnée ?
Comme EM je ne crois pas qu'il faille du charisme pour réussir à entraîner les citoyens en politique.
Il faut un discours (puis des actes qui ne contredisent pas le discours) adapté à la situation et compréhensible du plus grand nombre, un point c'est tout.
Ce qui est clair pour l'auteur du discours doit pouvoir s'énoncer clairement, et être intelligible pour la majorité des gens, ça ne date pas d'aujourd'hui, cette règle là !
Car si le Général fut compris du plus grand nombre aux années sombres, il ne le fut plus par la suite avant de redonner un espoir mirobolant puis de retomber par la suite dans ses travers de ne pas accorder ses actes et ses paroles tout le temps.
Il est regrettable d'observer que de nos jours les campagnes se résument pour plus de 80% des personnes inscrites sur les listes électorales à seulement regarder des affiches où ne figurent que des binettes de candidats et même pas ouvrir leurs professions de foi envoyées à grands frais chez tous les électeurs...