vendredi 27 février 2015

Pascal Brunner



Pascal Brunner nous a quittés hier. Je l'avais rencontré le samedi 08 décembre 2012, au Salon des Auteurs Locaux, à Saint-Quentin (en vignette). Sa sympathie, sa gentillesse et sa disponibilité m'avaient frappé. Tous les gens célèbres n'ont pas ces qualités-là. Où qu'il soit, Pascal Brunner avait ce sens du public, dont il avait fait son métier.

Cet ancien élève du lycée Henri-Martin a connu la notoriété dans les années 90, en devenant l'immense vedette de l'émission télévisée Fa si la chanter, qui rassemblait des millions de téléspectateurs. Et puis, Pascal Brunner a connu la disgrâce, l'excès, la maladie. C'est aussi ce qui m'avait frappé : sa fragilité. Mais sur ce visage marqué, le regard demeurait intact d'enthousiasme, de vivacité.

Il avait plein de projets, aimait à en parler, ne semblait pas abattu par la vie. Pascal Brunner avait plusieurs cordes à son arc. A bon sens du terme, il était polyvalent : imitateur, humoriste, chanteur, comédien (pour ma part, je retiendrai au théâtre son interprétation de l'inspecteur Columbo, le personnage joué à la télévision par Peter Falk).

Mais le terme qui traduit le mieux ce qu'était professionnellement Pascal Brunner, c'est celui d'animateur : il n'avait pas son pareil pour animer un public, de quelques personnes seulement ou de plusieurs centaines, c'est-à-dire mettre en mouvement une salle. C'est un art difficile, dans lequel il excellait.

J'ai encore en tête son départ du Salon des Auteurs Locaux, parce qu'il devait prendre le train pour rejoindre Paris : il avait salué tout le monde, avant que sa silhouette fragile s'éloigne d'une démarche hésitante. Il avait promis de nous revoir. Salut Pascal !

10 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Il y a quand même une grande part de chance dans toute forme de réussite sociale. Pascal Brunner jeune n'avait pas une silhouette fragile, il me paraissait un grand costaud, avec un visage éclatant qui s'est décomposé en quelques années de manière spectaculaire. Il n'a pas eu les épaules assez solides pour supporter le poids de sa notoriété, ceci en raison d'une carence affective originelle qui le poussait sans doute à une forme de culpabilisation face à la réussite . Voici l'interprétation que je trouve à sa maladie. Fantasme ou réalité ?

Emmanuel Mousset a dit…

Tu parles de toi ou de lui ?

Erwan Blesbois a dit…

Personnellement je me suis décomposé en un jour, en un instant. Je n'ai même pas eu le temps d'avoir mon heure de gloire. Si j'ai peut-être eu un petit instant de gloire. Ma vie c'est trois semaine de paradis et tout le reste de purgatoire voire d'enfer dans les pires moments. Je ne suis même pas un "artiste people" warhollien qui aurait eu quelques jours de célébrité. Ma vie est triste à en pleurer, comme celle de millions d'anonymes. Je n'ai plus qu'à être un obscur tâcheron qui comme des millions d'anonymes mise tout sur ses enfants, sans leur mettre je l'espère aucune pression à la réussite. Il est vrai que pour moi la réussite fut un enjeu capital, car sans elle je n'ai même pas la reconnaissance de ma mère, et je ne me suis pas vengé de mon père. Echec sur toute la ligne.
Maintenant la seule question qui se pose pour moi est : y a-t-il un sens à une telle déroute ? J'essaie de comprendre, j'espère même quelquefois que la mort sera une forme de salut, de réconciliation, même si plus personne n'y croit, et moi non plus. Je n'ai aucune croyance religieuse et comme tous mes pairs je pense que l'on trouve le salut ici-bas. D'où une angoisse de la vieillesse, un culte de la jeunesse, le sentiment qu'après 40 ans on est vraiment très très vieux, et que tout est très rapidement foutu, pas de sérénité donc. Je vis par procuration avec quelques idoles comme Pasolini ou Houellebecq, ou même Philip K. Dick, quand j'étais plus jeune Céline, qui eux ont vaincu la fatalité et qui s'approchent au plus près de la vérité sans se brûler les ailes ; ou qui si ils se les brûlent ont vécu ou vivent encore avec une telle intensité que leur vie en aura valu la peine.
Mes enfants me vengeront-ils et parviendront-ils à la notoriété ou au moins à la réussite ? Mais pas une réussite par l'argent, mais une réussite par l'argent avec comme cerise sur le gâteau par l'argent et par l'art. Pour que pour eux l'interprétation, la représentation puisse l'emporter sur les seuls faits, sur la seule volonté à l'œuvre dans la nature, pour qu'ils puissent prendre leur envol, en se détachant de la tristesse du réel. Leurs chances de réussite ? Une sur des millions. Finalement j'ai été égoïste en faisant des enfants, je ne pensais encore et toujours qu'à moi-même.

Emmanuel Mousset a dit…

Allons, Erwan, ta vie de petit-bourgeois n'est pas si mal que ça.

Erwan Blesbois a dit…

Oui oui, tu as raison tout ce pathos est très petit-bourgeois. J'ai bien de la chance de manger beaucoup comme la plupart des blancs occidentaux : c'est ce qui fait de moi un petit-bourgeois. La nourriture apporte la première des joies, et dans beaucoup de pays les gens ne mangent pas à leur faim. On a bien de la chance en Occident de bien manger, pour le reste c'est assez stressant et angoissant. Mais dans l'ensemble on mange beaucoup, on vit dans un confort acceptable, on a finalement pas mal d'argent si on fait un peu attention. Tout ce que nous envie le monde entier, moins les Chinois qui accèdent à notre condition et sont en passe de nous dépasser. Je n'ai jamais compris ce qui fait de moi à un tel degré un "petit-bourgeois" et que ne supportaient pas les profs de philo, qui sont pour la plupart des militants ; ou plutôt que je fantasmais qu'ils ne supportaient pas.

Emmanuel Mousset a dit…

Les profs de philo "militants", c'était autrefois. Le "petit-bourgeois", c'est un brave type. Ne fais pas de complexe là-dessus, tu es comme tout le monde, tu n'as même pas le privilège d'être une "victime".

Erwan Blesbois a dit…

Le petit-bourgeois un peu pathétique un peu souffreteux, un peu trop féminin, est d'ailleurs toujours le héros des romans de Pascal Bruckner. Le plus souvent il se fait "manger" par un grand bourgeois prédateur.

Emmanuel Mousset a dit…

Tu te trompes, Erwan : le petit-bourgeois est actuellement le maître du monde. D'ailleurs, ton propos confirme parfaitement son idéologie très "classes moyennes" : se faire passer pour une "victime", dénoncer l'ennemi "grand bourgeois", afficher sa "compassion" pour les classes populaires. Erwan, tu es le maître du monde occidental !

Erwan Blesbois a dit…

Je ne dénonce pas l'ennemi grand bourgeois. Je dis juste que l'on trouve toujours de plus grands prédateurs que soi-même, il se trouve que le prédateur peut être un grand bourgeois, c'est le cas dans les romans de Bruckner, c'est aussi le cas chez Chabrol, mais le grand bourgeois n'est pas toujours un prédateur. Ce qui fait la force du petit bourgeois c'est le nombre. Ce qui fait de moi une victime partiellement, pas complètement, c'est mon rapport à mes parents, pas ma condition de petit bourgeois, que je ne réfute pas. Je suis quelqu'un qui a une "adaptabilité bancale", ma victoire n'est pas totale, elle a un goût amer.

Erwan Blesbois a dit…

Toi aussi quand tu étais petit tu rêvais d'être le maître du monde. Mais partager cela avec tous les autres petits bourgeois et finalement ne pas être leur guide, mais un parmi la multitude. Ne pas être Alexandre lui-même, le seul l'unique maître du monde occidental, l'archétype éternel, quelle frustration !