vendredi 13 février 2015

La vie rêvée d'A. D.



L'Ecole de Dessin expose, jusqu'au 11 avril, les photographies d'A.D. (vignette 1), qui met en scène la balade de trois personnages à travers la campagne, dont les péripéties sont à première vue énigmatiques. Toujours présentés dans le même ordre, repérables à la couleur de leurs vêtements, noir, rose, blanc, l'un est un costard-cravaté trentenaire qui a plaqué son boulot, l'autre une jeune fille qui sèche les cours, le dernier un retraité peintre en bâtiment. On ne sait pas si on est dans un rêve ou dans la réalité. Je pense à un roman-photo ou à un clip publicitaire. A.D. préfère parler de poème ou de court-métrage.

Au fil de l'exposition, je ressens un malaise. Il y a ces baskets couvertes de vers de terre. Le bobo me semble déjanté, la lycéenne fofolle et l'ouvrier a l'air revêtu d'une combinaison antinucléaire. A. m'explique que le blanc, au Japon, est couleur de mort (l'artiste a un petit côté asiatique, son père est de Hong-Kong, il adhère à l'esthétisme japonais). La fille, à la fin, se blesse, ses compagnons lui posent un garrot. La dernière photo, c'est une tête de mort, mais toute rose, en barbe à papa ! (vignette 4)

Déconcerté, j'avais besoin de commentaires, qu'A.D. m'a aimablement livrés, au milieu du public nombreux venu assister hier soir au vernissage (vignette 2). Ce jeune graphiste, ancien élève de l'Ecole de Dessin, est inspiré par Ozu, Murakami ou Chris Marker. Formellement, il travaille l'image fixe, scénarise des allégories et se joue d'un certain kitch. Ses thèmes de prédilection : l'héroïsme, l'enfance, le bonheur, la liberté. Il me fait remarquer que ces trois personnages ont quelque chose à la bouche : un micro pour l'homme en noir, un chewing-gum pour la fille en rose, un masque pour l'homme en blanc.

Il y a du rêve dans cette sorte de cauchemar : le Malabar de la lycéenne, rond et rose comme un sein de jeune fille (vignette 3), renvoie à la tête de mort, ronde et rose elle aussi. Pour faire la bulle comme la barbe, il faut du souffle, le souffle de la vie. Dans l'ultime scène, les personnages sont libres comme le ciel et les nuages au dessus de leur tête. L'air, le souffle, c'est pareil. La conclusion est dans les formules finales :

Devenir libre esthète,
Une particule influente sur le monde de demain,
Avec assez de souffle pour courir des marathons


L'exposition s'intitule "Dreamers", évidemment.

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