mardi 3 février 2015

Je suis Balligand



Je cède à la mode du "je suis ...", lancée après le tragique attentat contre Charlie Hebdo, et mis aujourd'hui à un peu toutes les sauces, y compris la mienne. "Je suis ...", c'est le bon vieux procédé d'identification. Il faut bien être quelque chose, surtout en politique : avoir un modèle, une référence. Quant à être soi-même, ce n'est pas donné à tout le monde : encore faut-il être quelqu'un ... Autour de moi, je n'ai guère le choix. Les gens de droite peuvent jeter leur dévolu sur Pierre André et d'abord Xavier Bertrand. Mon objet d'admiration, déjà ancien, l'homme politique que j'aurais voulu être (il est trop tard ?), c'est Jean-Pierre Balligand.

Cette fidélité, je dois me dépêcher de l'assumer, car Jean-Pierre Balligand ne sera plus Jean-Pierre Balligand dans quelques semaines : en mars, il terminera son dernier mandat politique, conseiller général. Il redeviendra un homme normal, menant une vie privée. Si je suis Balligand et qu'il m'est donné l'occasion de le rappeler, c'est à la lecture d'un grand entretien à L'Aisne nouvelle du 26 janvier, où je retrouve mon Balligand tout craché, son langage de vérité, ses idées d'avenir, qui nous changent tellement du discours d'appareil, de la resucée idéologique. Balligand, c'est 35 ans de vie politique, toujours élu et réélu, jamais battu : rien que ça, ça vous en bouche un coin. Maire, député, président du Conseil général : dans l'armée, il serait général, ne lui manquant plus que le bâton de maréchal, ministre ou secrétaire d'Etat. Mais Balligand est homme à pouvoir vivre sans ça.

Je me reconnais parfaitement dans ses analyses et propositions. La société française, il la trouve mortifère, sclérosée, frileuse et plaintive, ce sont ses mots, et il a raison. Le discrédit, dans l'opinion, de la classe politique, qu'il connait bien, dont il a fait longtemps partie, l'épouvante. Son dada, en bon strauss-kahnien qu'il a été un temps, à l'époque de nos fréquentations, c'est l'économie. Comme moi, il a milité en faveur d'un troisième aéroport international, qui aurait relancé l'activité de la région. Mais nos décideurs locaux sont prudents, timorés, conservateurs, y compris à gauche : le projet n'a pas eu le soutien qu'il méritait, l'ambition s'est arrêtée faute d'ambitieux. Triste et révélateur épisode.

Jean-Pierre Balligand a des rêves de réindustrialisation, dans un pays qui tient surtout à son petit confort environnemental. Qu'il est difficile d'être grand parmi les petits ! L'ancien maire de Vervins regrette que les équipes municipales intègrent si peu les acteurs économiques (à gauche, y'a du boulot). Il n'hésite pas à secouer ces élus locaux qui interviennent après la bataille : "ça ne sert à rien de mettre une écharpe pour aller manifester quand une usine est fermée. C'est avant qu'il faut se bouger les fesses !" C'est bien vu. Mais qui d'autres que Balligand peuvent se permettre un langage aussi dru ?

La nouvelle grande région Nord-Picardie, il demande que le département s'y engage à fond : "il ne faut pas, dans l'Aisne, comme d'habitude, être en retard d'une guerre" (sinon, c'est Xavier Bertrand, récent candidat aux régionales, qui va rafler la mise, mais ça, c'est moi qui l'ajoute). Le Conseil général de l'Aisne, Balligand le voit rester à gauche à l'issue des cantonales. Saint-Quentin, il lui attribue un destin universitaire, par l'implantation d'antennes de grandes écoles. Il souhaite que la plus grande ville du département soit puissante, afin de dynamiser tout le nord de l'Aisne.

Jean-Pierre Balligand achève l'entretien sur une étrange confidence : "la vie d'élu, c'est une catastrophe" (pour la vie privée, la famille). On se demande bien pourquoi il l'est resté pendant plus de 30 ans, et pourquoi tant d'autres aspirent à le devenir ! Mais voilà, c'est dit, redit et justifié : je suis Balligand. Dans une ville de l'importance de Saint-Quentin, face au terrible Xavier Bertrand, c'est un Balligand qu'il nous aurait fallu. Un jour peut-être ...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis BALLIGAND :
Tu es BALLIGAND :
Il est BALLIGAND :
Nous sommes BALLIGAND :
Vous êtes BALLIGAND :
Ils sont BALLIGAND :

C'est vraiment une punition que de mettre cette formule à toutes les sauces.. Sans aucune retenue !!
.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, la formule ne vaut que pour moi, et quelques autres je crois. Car un monde où nous serions tous Balligand serait totalitaire !

Anonyme a dit…

Dans le canton de Sains-Richaumont,nous sommes Michel ! Référence à Michel Lefèvre, homme de gauche et grand rassembleur. Formule que Mme Ittelet ne pourra plus reprendre à son compte ...