samedi 7 février 2015

Comme des grands



Notre société a longtemps célébré l'enfant roi. Aucune civilisation avant la nôtre n'avait mis ce petit sauvage sur un trône. Drôle d'idée, d'ailleurs : faire d'un braillard un ange. Sigmund Freud a beau eu le qualifier de "pervers polymorphe", rien n'a changé : on a mis aux pieds des enfants des tonnes de trésors. Un tyran domestique, égoïste, exhibitionniste, a été transformé en innocent, pur de toute faute, adorable de toutes les façons. Cet excès devait se payer un jour ou l'autre. Cette absurdité ne pouvait que provoquer une absurdité.

C'est fait. Deux enfants, 8 ans et 10 ans, ont été conduits au commissariat, interrogés par des policiers, comme des grands. Leur infraction ? Apologie du terrorisme, soutien moral à une entreprise criminelle, sympathies meurtrières, soupçon de fanatisme : ils ont déclaré n'être pas Charlie, soutenir les assassins, comprendre leur acte, imputer au journal satirique la responsabilité du massacre, défendre leur Dieu bafoué (je le dis en langage et en pensée d'adulte, mais c'est à peu près ça). Bref, ces deux charmants bambins sont de la graine de djihadistes ! Voilà comment réagit et se comporte une société lorsqu'elle prend ses petits pour des grands.

Autrefois, la même affaire se serait réglée avec une claque dans la gueule ou un cul de pied au cul (je ne dis pas que ç'aurait été bien, mais les choses se seraient passées ainsi). On n'aurait pas fait appel aux forces de l'ordre, des propos de gamins ne seraient pas devenus un scandale national, une information télévisée répétée en boucle. Quand les enfants sont pris au sérieux, on assiste à ce genre d'incident, dont on a beau jeu de s'offusquer, nous qui sommes fautifs de cette situation. Avec un peu de bon sens, on sait qu'un enfant dit souvent n'importe quoi, qu'il fabule, qu'il n'a pas le même rapport au langage qu'un adulte, qu'il fait le singe ou le perroquet, imitant ou répétant ce qu'il entend autour de lui. L'enfant est fondamentalement un irresponsable et un inconscient. C'est pourquoi on ne le convoque pas à la police ou on ne le défère pas devant un juge. L'aurait-on oublié ?

Même naïveté, même stupidité de notre société avec les adolescents. Il n'y a pas si longtemps, on parlait avec sagesse et expérience d' "âge bête". La vérité, c'est que nos ados sont souvent des p'tits cons. Ce n'est pas grave, ça leur passera. Mais papa et maman ne reconnaissent plus cette évidence, trop fiers de leur progéniture. On s'étonne alors que des boutonneux ricanent pendant la minute de silence dédiée aux victimes des récents attentats, on est choqué de les voir tenir des propos transgressifs, alors que c'est de leur âge, que ça va dans le sens de leur connerie.

C'est à leurs tuteurs, parents et éducateurs, de prendre leurs précautions, pour éviter ce type d'incidents fâcheux. Mais comment l'admettre ? Nos enfants sont tellement intelligents ! On leur met en tête des cerveaux d'adulte, des intentions d'adulte. Vous connaissez la formule de Pascal : "l'homme n'est ni ange, ni bête, mais qui fait l'ange fait la bête". A force de mettre les enfants sur un piédestal et d'en faire des anges, nous les roulons maintenant par terre, nous en faisons des bêtes, des bébés djihadistes, des apprentis terroristes. C'est malin !

1 commentaire:

D. a dit…

A ce train, on mettra en garde à vue le bébé qui pleurera ou gazouillera devant le monument aux morts pour la patrie le prochain huit mai ou le onze novembre à venir...
Et pourquoi pas le merle moqueur qui aura osé siffler durant les mêmes cérémonies...
Retour dare-dare vers le Moyen Âge et ses procès aux animaux.
Et réitération d'épisodes tels celui du chien de Montargis...
France, ton avenir fout le camp... Vers le passé.