dimanche 1 février 2015

Bertrand le Conquérant



Conseiller municipal, conseiller général, maire, député, ministre, Xavier Bertrand s'apprête maintenant à monter à l'assaut de la nouvelle grande région Nord-Picardie, dans cette incessante guerre de mouvement qu'est la politique, où ceux qui font du surplace sont impitoyablement éliminés. Marche ou crève, c'est la leçon. Qui n'avance pas recule. Bertrand, depuis longtemps, depuis toujours, fonce, devant ses adversaires ahuris, de gauche et de droite. On le voit même candidat là où il n'a jamais songé à se déclarer : présidence du Conseil général de l'Aisne en son temps, mairie de Paris ou de Reims plus récemment. C'est le privilège des grands : les petits pensent à leur place et exagèrent leurs ambitions, dont ils sont eux-mêmes incapables.

Bien des choses peuvent se refuser dans la vie, sauf le pouvoir, surtout s'il vous est apporté sur un plateau. Avant de gagner la bataille externe, qui aura lieu à la fin de cette année, Xavier Bertrand a gagné la bataille interne, au sein de son parti. Mieux que ça, et très fort : il a gagné l'investiture sans la réclamer, sans avoir à se battre, alors qu'on se bat généralement comme des chiffonniers pour obtenir la première place. C'est que Bertrand est un "candidat naturel", une espèce assez rare et très prisée en politique. Comme il y a une surprise du chef, il y a aussi une évidence du chef. Un leader ne se prépare pas en cuisine. Il ne s'impose même pas de lui-même : ce sont les autres qui vont le chercher, le supplier, à genoux s'il le faut, comme des vassaux devant leur suzerain. Les premiers sentent qu'ils doivent se donner un roi, s'ils veulent rester seigneur en leur terre.

Les politiques en chambre, qui feraient mieux de rester couchés, font les malins, à défaut de pouvoir faire autre chose, en prétendant que cette candidature, souhaitée par Nicolas Sarkozy, serait pour cette raison un cadeau empoisonné. Un poison comme celui-là, la gouvernance d'une région, on en redemande ! Sarkozy n'aime pas Bertrand et a dit pis que pendre de lui ? Sarkozy, comme tous les grands politiques, n'aime personne, à l'exception de lui. Il n'aime surtout pas ceux qui veulent lui ressembler et qui lui rendent ainsi un hommage involontaire. Sarkozy a besoin de tout le monde pour reconquérir le pouvoir, y compris de ceux qui s'opposent à lui. Le nord du pays, il le lui faut, et il sait que Bertrand est le meilleur pour le ravir (aux deux sens du terme). Et puis, si piège il y avait, ne croyez-vous pas que Bertrand ne serait pas assez finaud pour s'en apercevoir et ne pas s'y précipiter la tête la première ? Ce genre de réflexion est la piètre consolation de ceux qui veulent exorciser leur peur d'un adversaire redoutable, en se donnant l'unique plaisir de jouer aux intelligents.

La vérité est à l'opposé : une victoire de Xavier Bertrand conforterait largement son statut de présidentiable. On peut même dire qu'il l'inaugurerait, puisque ce statut lui est pour l'instant un peu fragile, face à ces mastodontes que sont Juppé et Fillon. Etre adoubé par le peuple d'une vieille terre de gauche, ce serait pour Bertrand très profitable, à l'aune de son destin national. Il ferait ainsi ses preuves de ramener à droite un électorat perdu. Ce serait une façon de faire en grand, dans sa dimension régionale, ce qu'il a fait en plus petit, à Saint-Quentin. Sauf qu'il lui faudra cette fois craindre un adversaire socialiste autrement plus uni et batailleur. Mais l'occasion lui est donnée, qu'il ne pouvait pas laisser passer, d'expérimenter ce gaullisme social, version Philippe Séguin, dont il se veut le continuateur. En plus, si Xavier Bertrand se retrouve face à Marine Le Pen, qui en a fait sa bête noire, il peut se présenter dans la posture avantageuse du sauveur de la République, en lui administrant une défaite. Si toutes ces raisons ne constituent pas un billet gagnant pour l'Elysée, je n'y comprends plus rien. Mais à cette grande loterie qu'est la politique, il ne faut jurer de rien.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bertrand DU Déclin ??

Emmanuel Mousset a dit…

Bien trouvé. Mais ça ne colle hélas pas à la réalité.