vendredi 6 février 2015

Le réveil républicain



De la conférence de presse de François Hollande, dont la tonalité nouvelle a été unanimement remarquée, nous pouvons extraire les contours d'une redéfinition de l'action politique (la ligne économique, elle, ne change pas, comme il fallait s'y attendre). Les événements tragiques qui ont endeuillé et mobilisé la France sont les vecteurs de ce renouvellement. J'en perçois quatre orientations :

1- L'unité nationale. Le président de la République entend la poursuivre. Mais il faut bien se comprendre : la démocratie conserve évidemment tous ses droits, les sensibilités existent et demeureront, le débat entre elles est le sel et le nerf de la République, notamment sur les questions économiques et sociales. Sauf que de nombreux sujets pourraient faire preuve de consensus. D'autant que les bagarres politiques sont beaucoup moins appréciées aujourd'hui qu'autrefois : on y voit plus des luttes personnelles pour le pouvoir que des affrontements idéologiques, ce qui n'est pas faux.

Dans ces conditions, l'unité nationale ne doit pas être une rengaine électoraliste, toute théorique, mais un exercice pratique de compromis. Le nouveau projet de loi sur la fin de vie, rédigé conjointement par un député socialiste et un député UMP, est un exemple à suivre. Sur le mariage homosexuel ou la réforme des rythmes scolaires, je crois qu'un travail parlementaire de fond, très ouvert, aurait sans doute permis un accord entre les deux partis de gouvernement, au lieu des déchirements et des querelles byzantines auxquels nous avons tristement assisté. De ce point de vue, le travail des Assemblées est à revaloriser. Nos concitoyens auront un peu plus de respect envers la classe politique lorsque celle-ci aura démontré l'efficacité d'un travail commun sur certains points.

2- La participation des citoyens. François Hollande a compris que la mobilisation de masse du 11 janvier n'était pas politique ou partisane, mais citoyenne et populaire. A sa suite, il convient maintenant de se demander comment la démocratie peut rénover ses mécanismes de consultation des citoyens. L'interrogation date d'il y a déjà quelques années, mais elle est devenue cruciale. Les partis politique concourent à l'expression du suffrage universel, mais ils n'en sont pas l'alpha et l'oméga. Repliés sur des appareils isolés de la population, désertés par leurs adhérents, ils doivent laisser sa place à d'autres modes d'intervention dans la vie publique.

3- Les valeurs de la République. Le chef de l'Etat y a longuement insisté hier. Naguère, ce n'était qu'un exercice de style, un passage obligé, une pure rhétorique : en République, on défend les valeurs de la République. Aujourd'hui, ce n'est plus un discours de circonstances, mais une véritable pédagogie à quoi il faut se livrer : la laïcité est mal comprise, la liberté est confondue avec le laxisme, l'égalité est contestée et la fraternité est le plus souvent ignorée. L'extrême droite a troublé le jeu, déplacé les repères, perverti le sens politique commun, à tel point qu'on en vient à se demander si le Front national est républicain ou pas, alors que la réponse est manifestement non. François Hollande l'a énoncé très clairement : le FN est dans la République, mais pas de la République. Aujourd'hui, le danger est aux portes : l'extrême droite, comme le nazisme à son époque, pourrait légalement s'emparer du pouvoir, après avoir manipulé et égaré le peuple. Plus que jamais, il faut parler de la République et de ses valeurs, sur un ton offensif.

4- La responsabilité politique. Il faut redonner à la politique son lustre, sa noblesse, en refaire une activité de qualité, et plus un refuge de démagogues, d'opportunistes et de suiveurs (ils ne disparaitront pas, ils sont de tous temps ; mais il ne faut plus les pousser aux avant-postes). Si l'on compare à ce qu'était la classe politique d'il y a une quarantaine d'années, la baisse de niveau est évidente, à tous les échelons de la République. Quand les représentants du peuple ne sont plus respectés du peuple (qui se déplace de moins en moins pour les élire), c'est que quelque chose de grave ne va plus.

La solution me semble être dans la responsabilisation, dont François Hollande a de nouveau hier donné un exemple remarquable : s'il ne réussit pas à faire baisser le chômage (ce pour quoi il a été élu), il ne se représentera pas. Je n'ai jamais entendu, en France, un président de la République prendre un tel engagement, qui est pourtant dans l'ordre des choses : quand on échoue, on ne recommence pas, on laisse la place à d'autres. Il existe une sale mentalité française, qui consiste à se présenter à tout et à n'importe quoi, à continuer y compris quand on a raté et qu'on a été disqualifié, à revenir dans la vie publique après avoir fait des adieux définitifs. Ce n'est pas acceptable, et ce n'est plus accepté par les Français.

La politique doit redevenir une activité sérieuse, grave, digne, qui repose sur des convictions et des hauteurs de vue. Sinon, gare au proche avenir ! François Hollande a ouvert le chantier de cette modernisation. Il n'est sans doute pas le seul, il ne peut pas être le seul. A gauche comme à droite, il faut sonner le rappel de ce réveil républicain.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

On dirait le titre d'un journal de province des années 20 ..

Anonyme a dit…

En ce moment la république se réveille tous les jours avec un gros mal de tête !!!!!

Emmanuel Mousset a dit…

Pour le titre de journal, c'est mon côté IIIe République.

Anonyme a dit…

Melenchon en est lui à la sixième !

Vous retardez de 4 métros !!

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Emmanuel Mousset a dit…

En politique, je préfère la réalité à la fiction.