samedi 21 février 2015

Abracadabra



Enfant, on m'avait offert à Noël un coffret formidable : Le Petit Magicien, où je pouvais m'initier à des tours de passe-passe. La magie, j'ai toujours aimée. C'est pourquoi je me suis empressé d'aller entendre, hier soir, à l'Espace Saint-Jacques, la nouvelle conférence de Benjamin, bibliothécaire, sur la magie dans la bande-dessinée (en vignette, coiffé du célèbre chapeau de magicien, tout de noir vêtu, couleur de mystère ; à ses côtés, l'un de ses admirateurs). La BD, ses bulles, ses récits, ses personnages, forment en eux-mêmes un univers magique. Benjamin a choisi de nous en présenter les plus fameux maîtres, dans le cadre de la semaine municipale consacrée à ce noble divertissement.

Le premier, c'est Mandrake, dès les années 1930, un américain avec tout l'uniforme : veste cintrée à pochette, cape, haut-de-forme, gomina, petite moustache à la Zorro, sans oublier la célèbre baguette, aussi indispensable au magicien que le sceptre au roi ou le râteau au jardinier. Mandrake est ce qu'il convient d'appeler un bel homme, qui non seulement fait des tours de magie mais dispose aussi de pouvoirs surnaturels, comme se rendre invisible ou transformer un adversaire en souris ! Son personnage a réellement existé : il s'agissait du magicien canadien Léon Mandrake (1910-1993).

Les magiciens sont de plusieurs catégories, dont les fakirs, dans le genre hindou. Les Cigares du Pharaon, aventure de Tintin et Milou, en offre un redoutable spécimen : le fakir Cipaçalouvishni, turban, barbe d'encre et regard perçant. C'est un hypnotiseur hors-pair, capable de se farcir le corps de lames, d'écraser pieds nus du verre, de faire tourner son corps le visage en équilibre sur un clou, en s'écriant : "je suis l'homme le plus puissant du monde !" Dans Le Lotus bleu, il invente le radjaïdjah, le poison-qui-rend-fou, administré à coups de fléchettes, dont Tintin en personne sera la victime.

Certains magiciens sont des sortes de sages, tel que le druide Panoramix, dans Astérix. C'est un homme cette fois bienveillant, protecteur et guérisseur, dont la barbe blanche en impose. Il ne jouit pas de pouvoirs en propre, mais concocte une potion magique qu'il partage avec ses amis gaulois, sauf Obélix, qui est tombé dans la marmite tout petit. Le breuvage augmente les facultés du consommateur. Sa composition n'est pas secrète : de l'huile de roche, du gui (coupé à la serpe d'or), du poisson (frais) et du homard (juste pour le goût). La mixture rend les pouvoirs magiques à la portée de n'importe qui.

Gargamel est un magicien de type sorcier, c'est-à-dire méchant : il veut capturer un max de Schtroumpfs pour fabriquer la pierre philosophale, vieux rêve moyenâgeux des alchimistes. Sauf qu'il rate tout le temps son coup, ce qui le rend encore plus méchant, comme tous les gens qui échouent à répétition. D'où sa formule fétiche : "je me vengerai et ma vengeance sera terrible". Il invente un dernier stratagème, une Schtroumpfette, mais se plante une fois de plus : au lieu de les diviser, elle rend tous les Schtroumpfs amoureux d'elle.

Lucky Luke croise et affronte deux prestidigitateurs dans ses albums : d'abord Pat Poker, un habile manipulateur de cartes et tricheur invétéré, qui sent très vite le goudron et les plumes. Fingers, lui, est un magicien classique, mais néanmoins délictueux, puisque kleptomane irrépressible. Il transformera, entre autres exploits, le colt de Lucky Luke en friandise.

Il y a les magiciens professionnels, du côté de l'ombre ou de la lumière ; et puis, il y a les occasionnels : par exemple Mickey, qui, dans L'Apprenti Sorcier, envoûte et fait danser des balais (scène tirée d'un poème de Goethe). Dans un hors-série du Journal de Mickey, la recette pour fabriquer une baguette de magicien est dévoilée : achetez un crayon de bois, une feuille de couleur noire et du papier d'aluminium. Enveloppez le crayon à l'aide de la feuille et entourez le bout d'aluminium, vous aurez entre les mains une vraie baguette de magicien, qui devrait fonctionner.

Il n'y a pas que les souris qui s'adonnent à la magie : Pif-le-Chien aussi. Hercule sera l'un de ses partenaires dans la malle magique, qu'on transperce d'épées sans laisser une seule égratignure. Mais Pif, c'est aussi le gadget, comme la pièce qui disparait, grâce à un fil de nylon astucieusement dissimulé dans la manche.

Il arrive que le magicien soit une magicienne, le féminisme aidant. Dans les années 1990, le magazine Spirou lance une jolie sorcière de 119 ans, qui ne les parait pas : Mélusine. Thorgal, chef-d'oeuvre de l'heroïc fantasy, met en scène, dans La Magicienne trahie, une superbe rousse, borgne comme un pirate, qui n'a pas froid aux yeux au milieu des farouches Vikings. Dans le même style, mythologique et médiéval, il y a l'ancêtre, Prince Vaillant, qui revisite la légende arthurienne et son Merlin l'enchanteur, adepte de la terrible magie noire.

Iznogoud a lui aussi recours à la magie, dans Le Tapis magique et Iznogoud et l'ordinateur magique. Petit et méchant comme bien des assoiffés de pouvoir, il ne cesse de proclamer : "je veux être calife à la place du calife", mais comme Gargamel, il ne parvient jamais à ses fins, avec ou sans magie.

Plus proche de nous, Lanfeust, dernier succès de l'heroïc fantasy, parvient à développer en lui le pouvoir absolu, rêve ultime de tous les magiciens. Mais saviez-vous que les animaux aussi peuvent s'adonner à cet art merveilleux ? C'est le cas de la grenouille Garulfo, qui se transforme en prince charmant dès qu'elle embrasse une belle princesse. Sauf qu'elle attire plus facilement les crapauds ...

Benjamin, pendant plus d'une heure, nous aura hypnotisés par ses connaissances. En sortant, je me suis demandé pourquoi j'aimais tant la magie, moi qui ne suis plus un enfant. J'ai trouvé : la magie est à l'origine de la politique, la politique est une forme de magie. Ces deux activités sont une recherche de pouvoir, le plus grand qui soit, dans une forme d'illusion et à travers des tours de passe-passe. Gagner une élection transforme un crapaud en prince charmant. Gouverner, c'est faire sortir des lapins blancs d'un chapeau, sous les regards subjugués. Le combat politique, c'est un peu de magie blanche et beaucoup de magie noire, et des militants qui suivent à la baguette. Dans son subconscient, tout homme politique en quête de pouvoir se dit à lui-même : "je veux être calife à la place du calife !", et laisse entendre à ses adversaires : "je me vengerai et ma vengeance sera terrible !". Une fois qu'il a atteint son objectif, il ne peut s'empêcher de penser : "je suis l'homme le plus puissant du monde !"

Je vous laisse choisir, pour conclure, si la politique est une potion magique ou un poison qui rend fou. Abracadabra.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Enfin vous avouez votre folie de prendre la politique pour un jeu .....

Anonyme a dit…

Au conseil hier , la magicienne FN a fait sortir des centaines de pigeons , pendant des minutes interminables , ils sont forts ces FN , si forts que le MAIRE les a approuvé !!! C'est donc vrai que la politique c'est aussi de la magie !!!
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Anonyme a dit…

Le FN est en campagne et sans doute le MAIRE a accentué comme au judo pour les faire s'étaler sur le tapis avec un sujet pour vieilles dames patronnesses de quartier bourgeois !!! Histoire de montrer les associations où ils sont infiltrés et de bien cibler leur niveau PRIMAIRE de participation aux débats .....
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