jeudi 13 février 2014

La fin des préaux



Je ne sais plus qui donnait cette définition minimaliste de la politique : "dire des choses à des gens". De fait, l'action politique, c'est rencontrer, écouter, échanger. Pendant longtemps, la grande tradition républicaine réunissait les candidats aux élections sous les préaux d'école, dans des discussions vivantes où le public était nombreux et curieux. Aujourd'hui, c'est fini : une campagne électorale moderne doit s'adapter aux nouvelles formes de communication, car il n'est pas question de renoncer à contacter les citoyens, à dialoguer avec eux, mais autrement qu'autrefois.

Cette réflexion chez moi est ancienne, mais réactivée ce matin en lisant l'article de L'Aisne nouvelle consacré à la première réunion de quartier de Michel Garand, tête de liste socialiste aux élections municipales à Saint-Quentin. Les expressions font mal : "réunion publique sans public", "rendez-vous manqué", "échec cuisant" et même "ambiance moribonde" (!). L'effet médiatique est évidemment désastreux : les socialistes donnent l'impression de ne parler qu'à eux-mêmes et de n'intéresser personne.

Pourtant, les problèmes que pose le quartier Saint-Jean sont multiples, et c'est un quartier qui vote à gauche, notamment au bureau de l'école Clin : les feux de poubelles réguliers, surtout du côté de la rue Denfert-Rochereau, les difficultés sociales de la cité de Billion, la circulation trop rapide dans la rue de la IIIème DIM (alors qu'il y a deux sorties d'écoles !), l'utilisation du centre Plein Air, etc. Le départ du théâtre de la Manufacture de la rue de Flavigny a éloigné du quartier tout un public, la multiplication des petites cours dans la rue Kennedy pose elle aussi un certain nombre de difficultés en matière de cohabitation. Plus généralement, c'est un quartier aux réalités très disparates, très éclatées : il y a peu de rapport entre la partie vers l'hôpital et celle qui jouxte le centre-ville, à la frontière du boulevard Richelieu.

Michel Garand n'est pour rien dans l'échec ressenti par la presse à la suite de la réunion de mardi. Depuis au moins une bonne quinzaine d'années, les réunions politiques de quartier ne marchent plus. Déjà, en 2001, bien que la tête de liste ait été une députée et que toute la gauche à l'époque ait été rassemblée, les réunions de quartiers n'attiraient pas grand monde. Pourtant, on réclame partout de la "proximité" ! Et les problèmes dans nos quartiers sont nombreux, sur lesquels nos concitoyens aimeraient bien interpeller et questionner les candidats ! Mais la formule "réunion de quartier" ne fonctionne bien qu'en présence d'élus sortants, des adjoints et du maire, connus de la population et censés, de par leurs responsabilités, pouvoir répondre aux demandes concrètes.

Candidat à la tête de liste municipale, j'avais bien sûr, et depuis longtemps, réfléchi à toutes ces questions et préparé un plan de campagne. Je crois que les réunions de quartier doivent être remplacées par des permanences dans des lieux publics très fréquentés : marchés, bistrots, centres commerciaux, ... (dans l'espace bien sûr autorisé). Au lieu de quatre ou cinq grandes réunions de quartier, il peut y avoir plusieurs dizaines de permanences, annoncées à l'avance par affiches, tracts ou communiqués de presse. Tous les candidats de la liste sont sollicités à tenir ces permanences, pour une durée qui n'excède pas les deux heures.

Ces permanences doivent impérativement être assurées par au moins un habitant du quartier ou du coin (car la notion de "quartier" recouvre un territoire tellement vaste, on le voit avec Saint-Jean, qu'il vaudrait mieux raisonner et agir en termes de "micro-quartiers"). S'il n'y a pas une tête reconnue par les habitants, ceux-ci ne viennent pas, ne s'arrêtent pas. Il faut que le cadre soit plus ou moins convivial, que les rencontres soient personnalisées et ne durent pas plus que ne le souhaite le visiteur. Ce qui plombe la réunion de quartier, ce qui la condamne définitivement, c'est qu'à part les militants convaincus d'avance, plus personne, dans la société telle qu'elle est devenue, n'accepte de perdre deux heures de sa soirée pour écouter des propos qui ne le concerne pas toujours directement. On peut sans doute le déplorer, mais les choses sont ainsi.

Autre moyen de toucher la population : les rencontres avec les dirigeants et les responsables de structures et d'associations. Il ne faut pas croire qu'une élection se joue et se gagne à travers les activités seulement publiques (ouvertes à tous). Mais la démarche doit être aujourd'hui beaucoup plus ciblée, en direction de publics spécifiques. Ce qui n'empêche pas les candidats, en accord avec les structures visitées, d'inviter la presse, bien au contraire. La droite saint-quentinoise mène une campagne essentiellement invisible, mais très efficace, au vu de ses résultats passés, sans qu'elle ait besoin de fortement médiatiser ce qu'elle fait.

Enfin, il y a un incontournable, quoique très classique : c'est le grand meeting de fin de campagne, auquel on ne peut pas échapper. C'est une démonstration de force, un moment d'enthousiasme. Je ne vois que la venue d'un leader national à Saint-Quentin qui puisse vraiment mobiliser.

L'impact médiatique négatif de la réunion de mardi fait oublier une nouvelle importante mesure annoncée par Michel Garand : la construction d'un parking à un étage devant la gare, afin d'éviter les déplacements sous les intempéries qu'impliquerait l'actuel projet de la Municipalité. Avec la réouverture à la circulation de la place de l'Hôtel de Ville, c'est sans doute la deuxième proposition la plus inattendue du programme.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Un parking devant la gare,
ça ne va pas gacher la perspective architecturale ?
Vous ne voudriez pas nous refaire le coup du parking souterrain mais en faisant un parking aérien ?

Emmanuel Mousset a dit…

L'idée est lancée, la raison est donnée, le projet reste à détailler. Le parking ne fait qu'un étage et n'est pas forcément devant la gare.

Anonyme a dit…

Cher Monsieur MOUSSET , nous sommes dans une zone de marais qui plus est inondable , donc une telle structure à étages va requérir des fondations sur dimensionnées et donc avec un coût insupportable pour la ville ...

Emmanuel Mousset a dit…

L'argument de Michel Garand est que l'extension du parking serait plus coûteuse qu'un étage. C'est un élément de débat.