mercredi 26 octobre 2016

Un président chocolat



Je vais faire aujourd'hui quelque chose d'incroyable, d'exceptionnel, qui va rendre ce billet historique : je vais prendre la défense de Jean-François Copé ! C'est la première fois de ma vie, ce sera sans doute la dernière. Un homme de gauche normalement constitué ne peut jamais prendre la défense du très droitier et très rusé Copé. C'est donc l'exception qui confirme la règle. Vous devinez, puisque tout le monde en a parlé et s'en est gaussé : le prix du pain au chocolat, que Jean-François Copé ne connait pas, sur lequel il se trompe grave. Une seule réaction de ma part devrait suffire : basse démagogie ! populisme répugnant ! question idiote !

Allons-y, expliquons-nous, puisque les rieurs ne sont pas de mon côté. Aurait-on osé poser la même question à De Gaulle et à Mitterrand ? Non, jamais ! Parce qu'à l'époque, on ne faisait pas de la politique à ras les crottes de chien et les pains au chocolat. Mitterrand, qui n'avait pas un sou en poche quand il sortait mais laissait payer les autres, ne savait sûrement pas combien coûtait un pain au chocolat et aurait écrasé de son mépris l'impudent qui aurait eu l'audace de le questionner à ce sujet. Voilà ce qu'il nous manque aujourd'hui : trop de flatterie, pas assez de mépris.

Autrefois encore, on aurait chercher à savoir si un postulant à la charge suprême avait lu un roman de Goethe, connaissait un poème d'Aragon ou appréciait un tableau de Rembrandt. Aujourd'hui, c'est le prix du pain au chocolat ! Le niveau baisse, comme on dit dans l'Education nationale. Va-t-on désormais sélectionner le chef de l'Etat comme dans un jeu télévisé, en lui demandant d'estimer le prix du timbre-poste, du lave-vaisselle ou du tube à dentifrice ? Oui, mais c'est la "vraie vie", parait-il. Non, pour un chef d'Etat, la "vraie vie", qu'il doit parfaitement connaitre, ce sont les mécanismes financiers, la gestion d'entreprise, la compétitivité industrielle, le droit du travail, la géopolitique mondiale et j'en passe, mais sûrement pas le prix d'un pain au chocolat. A moins que les Français rêvent d'un président chocolat ? Merci, ce n'est pas mon cas (même si j'adore le chocolat, en boîte, pas dans la politique ou la conduite du pays).

Et puis, je suis sûr qu'il y a autour de nous plein de gens qui ne songent nullement, à la différence de Copé, à devenir président de la République et qui ne savent pas très bien combien coûte un pain au chocolat (surtout ceux qui n'en achètent jamais et qui n'aiment pas). Arrêtons donc avec cette lamentable histoire. Jean-François Copé s'en est sorti avec la seule arme disponible en pareille situation, mais une arme de destruction massive : l'humour. Dans notre société de dérision généralisée, où le moindre propos sérieux ne tient pas très longtemps, nous en sommes tous là, moi le premier : se marrer. Rions des rieurs, amusons-nous de ceux qui brocardent Copé, car ils sont plus sérieux qu'on ne le croit, et plus dangereux que ne le laisse paraître leur simple blague : la fonction présidentielle est rabaissée, la politique est dévalorisée, la médiocrité est promue. Voyez-vous, je n'en ai rien à foutre qu'un citoyen lambda ou qu'un responsable politique connaissent précisément le prix d'un pain au chocolat, je m'en contre-tape. Je ne veux pas, absolument pas, d'un président chocolat.

4 commentaires:

Le futur a dit…

Mais n'est-ce pas un exemple de la déconnexion de certains politiques de la réalité du quotidien des français ? Comme NKM qui pensait que le ticket de métro était à 5€, comme je ne sais plus qui croyait que le SMIC était à 1800 €.

Anonyme a dit…

Ne vous inquiétez pas, le risque d'avoir un président chocolat comme Copé est très faible, sa mauvaise image de tricheur et magouilleur lui colle à la peau pour longtemps. Si, par miracle qui se révèle chaque jour de plus en plus improbable, Hollande était réélu alors Copé aurait sa chance en 2022. Tout cela relève de la politique-fiction. La baisse du chômage est un leurre d'un mois qui peut ne pas se reproduire ou pire la hausse du chômage peut être envisagée.
A force d'être impopulaire François Hollande finira par trouver du pétrole.

D. a dit…

"je vais prendre la défense de Jean-François Copé !" dites vous et vous avez parfaitement le droit de vous exprimer tel quel mais à y regarder d'un peu plus près votre sujet n'est ni le maire de Meaux, ni les petits pains fussent-ils au chocolat ou pur beurre. Non, votre sujet est plutôt la pipolisation de la chose politique et de ses interprètes par le truchement de pseudo-journalistes qui ont vraisemblablement mal suivi les cours lors de leurs années de formation professionnelle ou plus possiblement s'en éloignent parce que ne compte plus que le buzz, le bruit, la rumeur, le scandale. Et ce qui peut être considéré comme une dérive prend son envol lors des septennats d'après 1968. Depuis, et sans qu'il soit question d'incriminer pour cela qui que soit, plus rien n'est comme avant. Est-ce mieux ou est-ce pis ? En tous les cas, ce n'est plus pareil.
Que les dirigeants soient loin des préoccupations des gens du peuple, ça date, ça date...
Un simple souvenir : Marie Antoinette par sa réponse à la foule qui dit manquer de pain, provocation ou pas, : "Mangez donc de la brioche si vous n'avez plus de pain !" est bien plus scandaleuse que le politicien ignorant le prix du ticket de métro ou la valeur d'un petit pain au chocolat.
En pleine guerre au Moyen Orient avec les répercussions que cela a chez nous, dans un pays avec tant et tant de personnes sans emploi, se focaliser sur un livre d'anecdotes présidentielles ou des lacunes de connaissances n'ayant rien à voir avec la politique, c'est du foutage de gueule pur et simple.

Philippe a dit…

Pitié pour les survivants comme Juppé (ou moi) qui éduqués en primaire en « anciens francs », consolidés en secondaire en « nouveaux francs » ont été déstabilisés quand ils furent bien mûrs en « euros ».
Pris par surprise pendant l'agitation stressante d'un débat TV notre Juju risque de répondre en « anciens francs » et de subir les lazzis des innombrables tenants de la « sous culture twit ».