samedi 8 octobre 2016

RRRrrrr !!!




Je n'achète pas la mauvaise presse, mal fichue, mal écrite. J'ai fait une exception pour le numéro de septembre-octobre de Fakir. Pas parce que le journal est picard (d'Amiens), mais bien sûr parce que Emmanuel Macron, d'Amiens lui aussi, était en couverture. Regardez bien la photo : le gentil ex-ministre, si souriant, est devenu méchant. Il montre les dents, pas cette fois à son avantage. On dirait qu'il va mordre. Et puis, il y a le gros titre, qui fait de Macron un quasi assassin. On nous prévient : "ses victimes témoignent". Bigre ! Je me suis dit : il faut que je lise ça, que je ne rate pas ce procès.

Eh bien, j'ai été très déçu. Pourtant, le dossier à charge, signé François Ruffin, tient sur six grands pages d'une écriture serrée. Mais il n'y a rien à l'intérieur. On nous raconte longuement les péripéties d'une entreprise qui fabrique des barquettes en alu, à Saint-Vincent-de-Mercuze (38), et qui a fermé. Qu'est-ce que Macron a à voir avec ça ? Le ministre n'a pas répondu, parait-il, aux courriers qu'on lui a envoyés. Ok, ce n'est pas bien. Mais après ?

Une "lettre ouverte à l'ex-ministre" lâche quelques pauvres et banales critiques : "L'industrie [pour Macron], c'est fini. La modernité réside dans les services (...) Depuis trois décennies, la France est vide d'un projet industriel. Vous et vos semblables [sic] laissez faire la débâcle (...) Un peuple peut accepter la domination d'une élite, à condition que cette élite lui assure une protection [drôle de conception politique pour un journal gaucho]. Vous ne l'assurez plus. Vous avez au contraire livré les classes populaires au Minotaure mondial, vous les avez plongées dans le maelström économique".

J'arrête là, le reste est du même tonneau, inintéressant et inintelligent : un catéchisme antilibéral, qui invente de toutes pièces un épouvantail que Fakir prend plaisir à brûler. C'est de la magie, pas de la réflexion. Ces soi-disant anticonformistes répètent des clichés d'un conformisme affligeant. Qu'on critique Emmanuel Macron, je ne demande que ça, parce que j'aime le débat, la confrontation et qu'il y a sûrement des choses critiquables dans ses idées et sa démarche. Mais là, non : les attaques sont purement personnelles, jamais le projet de Macron n'est discuté (est-il au moins connu des rédacteurs ?).

La preuve : le journal reproduit HUIT couvertures de magazines où apparaît Macron, comme si le problème de Fakir avec lui était celui-là, le succès éditorial de l'homme politique. Mais qu'est-ce que ça peut bien leur faire ? Ce qui compte, ce sont les idées. Pourquoi ne pas sérieusement et honnêtement les aborder ? Mais non ! Ou alors en soutenant des choses fausses, car Macron n'a jamais prétendu que l'industrie n'avait pas d'avenir dans notre pays. Il affirme même le contraire !

On peut ne pas aimer Emmanuel Macron, sa personnalité, sa binette, sa vie. Mais quand on fait un peu de politique, c'est le projet qu'il faut discuter, éventuellement contester : pas l'individu. Ou alors c'est qu'on est en manque d'arguments. C'est pourquoi je vous invite à acheter et à lire ce numéro de Fakir. Le méchant Macron à la une ne vous mordra pas, et ses contempteurs ne réussissent vraiment pas à lui passer la muselière. Les adversaires sont parfois plus convaincants que les partisans, lorsqu'ils tiennent entre leurs mâchoires édentées un couteau sans manche et sans lame. Avec de tels attaquants, Emmanuel Macron n'a même plus besoin de défenseurs.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Comme disait Beaumarchais dans l'une de ses pièces de théâtre qu'on en parle en bien ou en mal mais on en parle ! Merci pour la pub pour Fakir !
Fakir sous l'égide de François Ruffin ne se cache pas ,lui, d'être un journal d'opinion contrairement à la plupart de ses confrères de la presse dite d'information.
Vous ignorez sans doute que le même François Ruffin a réalisé un très drôle film documentaire " Merci Patron " où il s'en prend avec humour, réalisme et efficacité aux patrons libéraux, licencieurs délocalisateurs pour maximiser leurs profits alors qu'ils sont déjà richissimes tel Bernard Arnault à qui, un gouvernement de gauche de rencontre, il y a presque 35 ans, a vendu à un Bernard Tapie de l'époque, pire que Trump, et pour une poignée d'argent le groupe textile Boussac-Saint-Frères contenant une pépite en or dénommée Dior. Comme l'on dit le documentaire militant de François Ruffin a ait "un carton" au box-office au premier semestre de cette année.
Monsieur Mousset ne veut pas voir ni savoir que le libéralisme même version Macron est une vieille lune d'au moins 2 siècles qui a connu un regain temporaire depuis 1979 avec l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher et en 1980 avec l'élection de Ronald Reagan, des dirigeants les plus à droite en leurs temps. Pour le plus grand malheur du monde du travail cette idéologie malfaisante s'est imposée dans le monde entier avec la complaisance de gens et de forces dites de gauche. Normal Monsieur Mousset ne lit que ce qui conforte ses opinions néolibérales comme tout bon homme de droite. Normal il ne lit que la bonne et juste presse comme la presse patronale qui défend becs et ongles le libéralisme économique qui lui a été si favorable. Il ne lira pas non plus "le grand bond en arrière " de Serge Halimi paru en édition de poche chez "Agone".
Si même le grand quotidien vespéral des marchés financiers se met à critiquer Macron où va-t-on ? Sur sa "Grande Marche et ses chiffres flous" dans l'édition du 7octobre. Vous n'avez pas fini de pleurnicher et cesser de lire toute la presse.

Emmanuel Mousset a dit…

Après m'avoir conseillé un mauvais livre, vous me conseillez un mauvais film. Quand allez-vous me conseiller quelque chose de bon ? Ca ne manque pas, pourtant !

Philippe a dit…

Il n'est pas besoin de voir des films pour savoir qu'il est des financiers propriétaires sans scrupules.
Le terme de patron est impropre, il fait référence à un passé révolu dans lequel il existait une proximité physique entre l’industriel et ses salariés … le patron traversant ses ateliers avant de « monter » au bureaux …
Délocalisations, dégraissages … qui se font de loin, sans risques pour ces financiers propriétaires par l’intermédiaire de sous-fifres bien payés pour la chose et si possible n’ayant aucun respect d’autrui qui est le trait de caractère commun à cette racaille.
Pourquoi voir des films ! Il suffit d'en avoir été victime soi-même ou d'être proche d'une victime et d'avoir suivi "en direct" par le biais d'un membre de sa famille par exemple les techniques de harcèlement permettant de dégraisser aux moindre coût.
Ceci dit ce poison associé à la précarité sociale qui s’en suit et grandit doucement mais sûrement depuis « 1974 » (faut bien dater !) a profondément changé la société de la France et bien sûr au-delà.
Nous avons maintenant une société éclatée
ceux qui maronnent (lire Christophe Guilluy), qui comme on dit vulgairement n’en ont rien à cirer de la société « légale » et s’organisent en sociétés parallèles
ceux qui s’opposent et votent pour les partis dits populistes de gauche et de droite
reste un croupion fait de vieux et de moins vieux mais nantis qui votent par habitude et supportent par peur et/ou intérêt les gouvernants LR-UDI-LR

Philippe a dit…

Concernant Christophe Guilluy un article ici :

http://www.lepoint.fr/chroniques/christophe-guilluy-nous-allons-vers-une-periode-de-tensions-et-de-paranoia-identitaire-21-09-2016-2070040_2.php

video ici

https://www.youtube.com/watch?v=LJcmJBxea-A

Anonyme a dit…

Répondez d'abord à ma question : qu'est-ce qu'un bon livre ? Qu'est-ce qu 'un bon film ? Citez-moi vos bons livres, vos bons films.

Emmanuel Mousset a dit…

Relisez tous mes billets depuis 10 ans. Vous trouverez la réponse, les nombreuses réponses à votre question. Bonne lecture.

Anonyme a dit…

Pas de temps à perdre à lire des robinets d'eau tiède. Ceux que je lis présentement suffisent. En fait vous n'avez rien à dire ni à citer comme je le fait depuis que je commente vos posts.

Emmanuel Mousset a dit…

Je vous laisse avec votre eau chaude ou froide, mais attention à vos mains.

Erwan Blesbois a dit…

Mais si de soi-même il ne sort que de l'excrément, comme pour la plupart d'entres nous ? Que nous reste-t-il à nous pauvres hères que de lire Finkielkraut, Zemmour et Onfray ou Bruckner, Luc Ferry, Comte-Sponville ou Badiou, Jorion, Michéa, Houellebecq ou encore BHL, Minc et Attali, ou bien même François Ruffin, pour essayer d'y comprendre quelque chose, puisque nous n'avons pas eu la chance extraordinaire d'être payé pour jouir de notre travail intellectuel, comme l'auteur de ce blog ? Je parle d'excrément, car feu Bernard Maris, que j'avais lu, disait qu'en société capitaliste, le travailleur ou prolétaire, n'est que l'excrément d'un système, dont la valeur d'échange est l'argent. Donc les rapports humains y sont pervertis, ainsi que tout rapport à la création, par cet étalon universel de mesure qu'est l'argent, qui est notre nouveau dieu, notre salut ; qui fait les gueux et les seigneurs des temps modernes. Ne s'agit-il pas d'un formidable asservissement, aliénation, qui fait primer la division (division du travail prônée par le libéralisme économique) sur l'unité, la mortification collective sur l'épanouissement personnel : constitution de réseaux sur lesquels retombent les bénéfice de la plus-value, oligarchie... Et à force de vouloir rester à la surface du réel, comme dit Nietzsche peut-être par volonté d'être "superficiel par profondeur", l'auteur de ce blog ne se condamne-t-il pas au psittacisme d'un courant social-libéral. L'endoctrinement à un discours politique, aussi dérisoire que celui de Macron qui plus est, n'est-il pas un signe de soumission à une forme de dogme, donc une démarche anti-philosophique ?