lundi 17 octobre 2016

Mélenchon fait son Macron



Il est seul sur scène, sans cravate. Il fait les cent pas, entouré par son public. Il se tourne vers les uns, se retourne vers les autres, un micro invisible au col de sa veste. Il ne lit pas de notes, n'a pas de papier sous les yeux. C'est de l'improvisation, très vivante, éloquente, parfois lyrique et virulente. Le ton est à la passion. C'est un homme qui croit en ce qu'il dit. Le propos est critique envers les partis politiques, et la prise de parole le fait comprendre : pas de tribune, pas de brochette de soutiens, pas de pupitre, pas vraiment de discours, mais une suite de réflexions et de propositions personnelles. Ce n'est pas que le collectif soit absent, au contraire : mais pas sous la forme classique d'une foule muette, qui se contente d'écouter et d'applaudir. Son intervention a eu lieu en amont, par l'internet, ce moyen inédit, électronique et nouvellement démocratique, ouvert à tous les citoyens et pas aux seuls partisans.

Ce leader qui se met ainsi en scène, qui organise de cette façon la participation de ses sympathisants, qui critique sur ce ton la politique contemporaine, ce pourrait être Emmanuel Macron, qui le premier a agi ainsi. Mais non, c'est quelqu'un de très différent : Jean-Luc Mélenchon, ce week-end, à Lille. Preuve qu'il peut y avoir des similitudes de forme, même quand beaucoup de choses vous opposent. A gauche, aujourd'hui, il y a deux hommes qui vont jusqu'au bout de leurs opinions : Jean-Luc Mélenchon avec la gauche radicale, Emmanuel Macron avec la gauche social-démocrate. Ce sont des personnalités transgressives, offensives et clivantes : c'est nécessaire en démocratie, pour que les enjeux apparaissent clairement aux yeux des citoyens.

Mélenchon et Macron, que presque tout sépare, ont un autre point commun, qui n'est pas rien : ils refusent l'un et l'autre le système des primaires, n'y participeront pas. Tous les deux estiment que ce système n'est qu'une dernière rouerie des appareils politiques, qui privilégient les affrontements personnels aux débats d'idées. Car les idées, Mélenchon et Macron aiment ça, même s'ils n'ont pas les mêmes ! Soyons clairs : les primaires sont excellentes quand on est dans l'opposition, pour se donner un leader, et débilitantes quand on est au pouvoir, où le leader naturel est le chef de l'Etat.

Mais il y a pire : Montebourg, Hamon, Lienemann et Filoche ont fait part de leur intention de concourir à la primaire de la gauche. Ce faisant, ils s'engagent à soutenir celui qui en sortira vainqueur. Sauf que ces quatre-là rejettent François Hollande et sa politique, souvent très violemment. Vous les voyez, en cas de sélection de l'actuel président, se ranger derrière lui pour soutenir sa candidature ? Bien sûr que non ! Hypocrisie et débilité du système. Macron et Mélenchon l'ont compris et n'en seront pas.

Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon : ce sont les deux pôles de la gauche contemporaine. Le vrai débat, de fond, a lieu entre ces deux-là. Sinon, quoi d'autre à gauche ? L'ectoplasme vide, l'encéphalogramme plat, un socialisme de synthèse et de compromis, une gauche bricolée. Macron contre Mélenchon, Mélenchon contre Macron : ce sera peut-être le combat de géants des présidentielles.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Micron ou Mélenchon. Deux personnalités opposées entre un jeune conservateur avec des habits, une apparence, neufs et un vieil homme politique de 65 ans qui veut proposer des idées neuves pour tenter de sortir de l'Europe qui impose partout des politiques d'austérité sous la férule de l'Allemagne de Merkel et de son ministre des finances Schauble et de leurs amis, alliés et séides faisant de l'UE un machin irréformable.
Le premier une vieille soupe dans un pot neuf, de l'autre un vieux pot pour une soupe neuve.

Philippe a dit…

Melenchon fait son Macron.
Macron fait sa Ségolène.
Il n'y a pas de génération spontanée pas plus en politique qu'en microbiologie.

S a dit…

Mélenchon est un orateur.
Il est d'apparence sincère (mais depuis qu'on a été échaudés, on craint même l'eau froide) !
Est ce suffisant pour qu'il rassemble assez pour l'emporter ?
On n'en est plus au temps de Jaurès !
Sans vouloir tenter de prédire, Mélenchon fera un beau parcours de témoignage.
Parce que toutes les élections se perdent au centre.
Un centriste n'a jamais gagné (ne me dites pas que Giscard était centriste - je ne vous croirais jamais, VGE était un vrai descendant d'Antoine Pinay)...
Mais aucun n'a gagné sans les voix du centre.
Exception, votre honneur ?
Poher !
Poher était bien plus centriste que Pompidou, c'est vrai mais Pompidou avait été des années premier ministre de Mongénéral à qui toute la France ou presque regrettait d'avoir dit "non".
Mélenchon néglige le centre : il perdra !
Qui ne néglige pas le centre gagnera la place.
Quant à gagner les coeurs, faudra voir !
Même Hulot, dont on nous rebat les oreilles, ne ferait pas mieux que Mélenchon parce que pas réceptif au centre. Il le sait tout comme Dany le Rouge...
D'où leurs défections.
Un ou deux ou trois rares qui auraient pu : Attali... Debray... Macron...
Oui, à bien y réfléchir, l'amiénois énamouré de sa prof a des chances indéniables de gagner la présidentielles mais à condition de se démarquer nettement de son mentor Hollande François à qui il doit quand même beaucoup !
Ah, tuer le père !
N'est pas Brutus qui veut !

Anonyme a dit…

Mélenchon est un adepte de l'adage électoral de Mitterrand selon lequel au premier tour on rassemble son camp, puis au second on s'élargit au centre, aux modérés et indécis. Mélenchon tire les enseignements de son échec de 2012 où sa préférence étrangère (pour les immigrés) lui a couté cher et commence à se recentrer en patriote de gauche, idée née lors de la Révolution Française, avec le caractère subversif de la souveraineté nationale au grand dam de ses ex-amis d'extrême gauche, intégristes de l'internationalisme. Saura-t-il accomplir cette mue de façon assez forte et convaincante pour vaincre la gauche institutionnelle, battre Hollande ou tout autre ténor socialiste, voire passer en seconde position pour gagner au second tour face à Marine Le Pen.

Anonyme a dit…

Mélenchon, plombé par son accord précédent avec le PCF ne peut s'en sortir que s'il n'y a pas de candidat PS face à lui.
Macron, pas PS selon lui, mais ça trompe qui veut bien se laisser tromper, en se présentant sonnera le glas des espérances Mélenchoniennes comme des souhaits Bayrouistes ou Juppéens.
Cela n'empêchera pas les Bleu-Marine d'empocher la plupart des voix Sarkoziennes et malheureusement d'aller au second tour.
Contre Macron vraisemblablement.
Cet ordonnancement ne peut être perturbé que par la candidature du Président sortant qui ne saurait se faire réélire mais qui peut empêcher l'élection d'un autre représentant que lui de la gauche ou ce qu'il en reste.