mardi 4 octobre 2016

Juppé sans ses bottes



Ce sera sûrement le candidat de la droite à l'élection présidentielle. Il faut donc que je m'intéresse à lui. Franz-Olivier Giesbert, un chapeau sur la tête (!), en a fait un documentaire, diffusé hier soir sur France 3 : "Juppé, le ressuscité". Il y a du Mitterrand en lui, quand il se promène tranquillement dans les rues de Bordeaux, comme le président socialiste parcourait les quais de Seine. Surtout, même sens de la distance : la présidentielle, il y va parce qu'il n'a rien à perdre. Les électeurs qui le trouvent trop classique ? Qu'ils aillent voir ailleurs, Juppé ne les retient pas. A ce propos, je partage complètement sa critique des réseaux "sociaux", son rejet de l'immédiateté dans la communication politique. Ses petits camarades de droite ? A chacun, ils distribuent les bons points et quelques piques bien senties, comme Mitterrand savait les lâcher contre les siens. Le résultat de l'élection ? S'il gagne, tant mieux ; s'il perd, tant pis. Pas de doute : Juppé a pris de la hauteur, celle qui met au niveau de la fonction suprême.

Pour le reste, Alain Juppé est fidèle à lui-même : un homme de droite, plutôt modéré, sans grande originalité. Pourquoi plait-il ? C'est un grand mystère, comme toutes les formes de charisme politique. Après un Sarkozy surréaliste et surexcité, l'électorat droitier aspire peut-être à un retour au classicisme, technocrate, bonhomme et bourgeois. Juppé, ce n'est ni mes idées, ni ma culture, ni mon style. Je prends un exemple : son rapport à la religion, dont il aime la pompe, l'encens et la défense par Chateaubriand. Comme Jean d'Ormesson, il se prétend "catholique agnostique", ce qui ne veut strictement rien dire, sauf à réduire la foi à une simple tradition, ce qui est offensant pour le christianisme authentique. La messe, il s'y rend parce que c'est le seul endroit où on ne l'emmerde pas (sic). L'Eglise appréciera.

Pour la gauche, Alain Juppé restera celui qui, il y a 20 ans, ce n'est pas si vieux, a jeté des millions de salariés dans les rues, contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. Avec lui, le mouvement social prendra une tournure nouvelle : s'emparant du thème de la retraite, mobilisant puissamment autour de cette angoisse inédite, se radicalisant aussi, FO s'alignant sur la CGT. Pourtant, sur l'assurance-maladie, Juppé avait fait un bonne réforme, soutenue par les syndicats réformistes et une partie de la gauche. Mais le symbole de la retraite mise à mal, dans une France commençant à devenir vieillissante, a été le plus fort. Les électeurs de gauche qui s'apprêtent à voter pour Juppé en participant à la primaire de la droite l'auraient-ils oublié ?

Le documentaire de Giesbert nous a rappelé les affaires dans lesquelles Alain Juppé a été impliqué : un loyer à bon marché, les emplois fictifs à la Mairie de Paris. Je ne le juge pas là-dessus, c'est le travail de la justice, qui est derrière nous. Juppé me semble un honnête homme. On lui a beaucoup reproché sa formule : "droit dans mes bottes". Moi, elle me convient, comme me convenait la soi-disant psychorigidité de Lionel Jospin : rigueur, droiture, exigence. Evidemment, ça n'amuse pas tout le monde. Mais est-ce que la politique est faite pour amuser ? Aujourd'hui, Juppé a changé, se veut plus décontracté. Il lui arrive même de rire et de dire des gros mots. Sera-t-il notre futur président de la République ? Je ne le souhaite pas, mais il est, de tous les candidats à la primaire de la droite, celui qui en a le plus l'étoffe.

3 commentaires:

Philippe a dit…

Au fond comme le dit pour lui-même Woody Allen "Escroc mais pas trop".
Le prototype du parfait politicien ... comme cela suffit à toute médiocratie ...

Erwan Blesbois a dit…

C'est une resucée du journal de 20 h 00 de France 2 de Davis Pujadas ou Laurent Delahousse, que nous sert tous les jours notre ami philosophe Emmanuel Mousset, mais qui peut croire encore à ce catéchisme politiquement correct ? "Escroc mais pas trop", c'est aussi le rôle qu'a choisi d'endosser notre philosophe, avec un certain talent propre à sa profession, qui rejoint le talent de l'ensemble de la société, dont les médias, pour faire avaler aux plus faibles ou naïfs d'entre nous, la pilule amère, voire létale : mais là il s'agit vraiment des cas pathologiques. Tout être normal peut se faire un lit douillet des perversions et des crimes de notre société, comme notre philosophe, spécialiste en la matière. Pourtant la colère gronde dans les sous-couches de la société et se répand, comme une épidémie, vers les classes plus aisées, malgré tous les efforts de notre médiocratie qui tente de plus en plus vainement, de faire pencher la balance de son côté.

J a dit…

" Pourquoi plait-il ? "
Mais c'est très facile : s'il ne plaisait pas trop auparavant mais que maintenant il plaît (ou mieux, plairait, parce que ça reste du conditionnel, tout ça), c'est que ceux qui plaisaient avant, ne plaisent plus ou plaisent moins, ne plairaient plus ou plairaient moins.
Un principe de vases communicants.
Suivez mon regard du côté d'un descendant de Gaulois pur jus.