samedi 22 octobre 2016

Gare au bon gars



Jean-Frédéric Poisson a été la "révélation", lors du premier débat de la primaire de la droite. Normal : il était inconnu jusqu'à présent. En politique, quoi qu'on fasse, quoi qu'on pense, on gagne toujours à être connu. Mais il y a plus que ça : Poisson a une bonne bouille, il parle clair, n'est pas techno. Pendant le débat, il a tranché sur ses concurrents : lui, c'est le bon gars, qui vient de la base, qui sent le terrain, qui n'est pas un pro de la politique. C'est l'image, et elle est plaisante à beaucoup.

De plus, Poisson, ce soir-là, nous a surpris, en jouant à contre-emploi. Sachant qu'il venait du Parti chrétien-démocrate de Boutin, nous nous attendions à un sacré réac. Eh bien non ! Le gars semblait tolérant (pas d'islamophobie chez lui, le burkini ne lui fait pas peur). Plus incroyable : Jean-Frédéric Poisson affichait une dimension sociale, prenant la défense des syndicats et même des 35 heures. Pas du tout le profil habituel de l'homme de droite !

Ca, c'était il y a 10 jours. Mais l'exposition médiatique en démocratie est redoutable : elle dit la vérité sur ce que vous êtes vraiment ! Contrairement à ce que beaucoup croient, les médias ne manipulent ni ne mentent : ils révèlent. L'homme public ne tient pas longtemps derrière son rideau d'apparences. Le poisson a vite perdu ses écailles.

Jean-Frédéric Poisson a prononcé un mot qui tue (mais est-il mort ? La suite le dira) : "lobby sioniste", accolé à "Wall Street". L'association d'idées a été rapide : le pouvoir, l'argent, les Juifs, le good guy est antisémite ! Pourtant, l'expression "lobby sioniste" est souvent utilisée dans certains secteurs radicaux et pro-palestiniens de l'extrême gauche, sauf que le contexte politique est tout autre. Chez Poisson du Parti chrétien-démocrate, on ne peut pas s'empêcher de faire le lien avec l'antisémitisme catholique, très puissant dans la première moitié du siècle dernier.

Le problème avec le racisme, c'est qu'il n'est jamais franc du collier, et pour cause, tant il est honteux et indéfendable. Il se manifeste par périphrase. Jean-Frédéric Poisson est-il antisémite ? Je n'en sais rien, il faut continuer à l'écouter, le laisser parler, l'interroger et nous verrons bien. En tout cas, je me refuse de juger quiconque à partir de deux mots prononcés.

Surtout, je n'ai pas besoin de ce lapsus pour savoir que Jean-Frédéric Poisson n'est pas le bon gars qu'on a voulu nous vendre. Dès le départ, je savais que cet homme faisait partie de la droite radicale, à la lisière du Front national (en décembre, il fera un meeting commun avec Robert Ménard et Philippe de Villiers). Je savais depuis longtemps que Poisson était contre l'avortement et contre le mariage homosexuel. Bon gars sûrement, mais uniquement aux yeux de ses partisans.

Dans cette affaire, je déplore l'inculture politique généralisée, qui laisse croire qu'un type n'est pas vraiment de droite parce qu'il a des préoccupations sociales. Tout un pan de l'extrême droite, depuis toujours, s'est voulue sociale, et même révolutionnaire. Les revendications sociales du FN n'en font pas un parti de gauche, de même que, à l'inverse, les revendications libérales d'Emmanuel Macron n'en font pas un homme de droite. A défaut de mémoire historique, nous vivons en pleine confusion idéologique, et l'on finit par prendre un homme de la droite radicale pour un gars de centre gauche, rad soc.

Il est vrai que Poisson a pour lui un physique de bon gros qui incite à la confiance. Il ressemble d'ailleurs à un autre candidat des primaires, mais de gauche, en 2011 : Jean-Michel Baylet, "petit" candidat lui aussi, créant de même la surprise en militant pour la dépénalisation du cannabis, qui n'en faisait cependant pas un gauchiste. Poisson, parmi les candidats de droite, c'est couleur sur couleur, il n'y a pas contraste, les nuances sont trompeuses et les différences s'estompent.

Sa tolérance à l'égard du burkini ne doit rien à une inspiration républicaine ou au principe de laïcité, mais à son catholicisme traditionnel, qui comprend que l'interdiction des signes religieux ne peut que frapper, en toute cohérence, l'ensemble des religions, et pas une seule. Maintenant, je ne pense pas qu'il faille exclure Poisson de la primaire. Il fait tache à droite, c'est sûr, mais sa sensibilité existe et elle doit pouvoir s'exprimer. Petit Poisson deviendra-t-il grand ? Là, c'est moins certain.

8 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Oui il a prononcé le mot qui tue. Parce que la suspicion d'antisémitisme est la pire des tares, dans une société qui a vécu récemment l'épisode hitlérien, auquel nous avons tous été sensibilisé durant notre parcours scolaire, aussi superficiel fut-il. L'opprobre était déjà tombé de façon spectaculaire sur Dieudonné, et sur des penseurs marginalisés et ostracisés du débat public, comme le disait Patrick Cohen ; les "cerveaux malades". Zemmour est un penseur paradoxal, qui semble avoir la nostalgie d'une société française unie sous la bannière du catholicisme, sans comprendre peut-être pleinement que la première minorité à avoir revendiqué pleinement sa différence en France et obtenu des droits, est la communauté juive, là où les protestants avaient échoué quelques siècles auparavant. Communauté juive à laquelle Zemmour appartient, alors que la communauté musulmane qu'il stigmatise tellement revendique son droit à la différence, sur le modèle de la communauté juive, mais d'une façon beaucoup plus virulente et conflictuelle : un exemple la plupart des musulmans ne donnent même pas un prénom français à leurs enfants, à la différence de la plupart des Juifs, jusqu'à récemment en tout cas. Il y a aussi le problème du nombre, les musulmans sont beaucoup plus nombreux que les Juifs. Comme quoi même au seins d'une communauté, comme la juive il existe des différences, et des différences énormes, comme entre un Zemmour attaché à l'identité française, et un BHL, plus enclin au cosmopolitisme. Et donc parler de "lobby juif" est trop réducteur et simplificateur, et dans des esprits simples peut générer des amalgames : ce que ne cessent d'ailleurs de nous rappeler les médias et la pensée politiquement correcte. Maintenant toutes les minorités s'engouffrent dans la brèche laissée par le renoncement du catholicisme à affirmer sa suprématie sur la société française. Renoncement qui s'explique aussi par l'américanisation des mœurs, donc la libéralisation aux sens économiques et sociétaux de la société, et surtout par la perte de la foi causée surtout par le progrès des sciences et techniques, qui prouve quasiment radicalement et définitive, la non-existence de dieu. Renoncement de la notion d'autorité en général, au nom du droit à la différence, qui finira par tuer la nation française, dont la racine finalement était catholique, et dont les ancêtres furent gaulois. D'où la résurgence de débats aussi conflictuels et clivants, que la question de l'identité, puisque ce sont à leur tour les Français de souche à se poser comme victimes à l'instar des Juifs et musulmans : ce que montrent les manifestations de policiers se posant en victimes, alors qu'ils sont sensés représenter l'autorité. Mais quelle autorité représenteraient-t-ils, puisqu'il n'y a plus d'autorité en France ? Conséquence sur la durée, des effets de mai 68, entre autre.

Erwan Blesbois a dit…

Ce que ne savait pas la République, c'est que le principe même de son autorité se trouvait dans la sécularisation du modèle d'autorité transmis par la religion catholique, et qu'avec l'extinction et dissolution de sa racine catholique, elle perdait par là même tout principe d'autorité. Donc la République ne fait plus autorité, et toutes les minorités ou différences revendiquent des droits. Une précision, Zemmour a la nostalgie d'une époque révolue où la République était plus autoritaire, comme sous de Gaulle. "Nos ancêtres les Gaulois" est un de ses mythes fondateurs, que tout le monde acceptait par esprit de consensus. La République s'est fondée sur un modèle d'autorité qui faisait consensus et unité, sur le modèle autoritaire du catholicisme, qu'elle a tout de suite vidé de son sens spirituel, pour n'en garder que le modèle hiérarchique : par analogie c'est pour cela que je dis que Zemmour a la nostalgie "d'une société française unie sous la bannière du catholicisme". La société française privée de tout principe d'autorité, risque rien de moins que la fragmentation, puis par un jeu de dominos, l'effondrement. Emmanuel Mousset par exemple est quelqu'un qui a une vision catholique du fonctionnement de la République, son admiration pour elle consiste en une métamorphose de son admiration enfantine, pour les rites de la religion catholique : à l'échelle d'un individu, son exemple montre la nécessité d'une racine catholique, comme principe nécessaire de l'autorité de la République.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Oui, les policiers à leur tour, suivant la mode ambiante, posent en victimes, ce qui est un comble quand on a pour métier de protéger les victimes.

2- Le catholicisme, ou plus exactement l'Eglise comme modèle de structuration de la société française, c'est du Maurras, qui débouche non sur la République, toujours un peu bordélique, mais sur la monarchie absolue, ou plutôt son fantasme d'autorité. Ce même Maurras a d'ailleurs été condamné par le Vatican, y voyant à juste titre une instrumentalisation de la religion.

Erwan Blesbois a dit…

Zemmour a-t-il pour modèle Maurras ? Ou est-ce plus "compliqué" ?

Erwan Blesbois a dit…

Le principe de l'autorité dans la société française contemporaine serait donc, le mérite. Il y a aussi la question de la vérité, puisque la philosophie pendant des siècles s'est posée la question de la validation de la vérité scientifique. Aujourd'hui finalement la vérité et le mérite font autorité, on ne peut plus mentir avec des fables comme la religion, qui imposent un dogme, une croyance, une autorité, de l'extérieur. Aujourd'hui l'autorité s'affirme elle-même de l'intérieur, et ses principes de validation sont le mérite républicain, et la vérité. Ce qui semblerait constituer un progrès incroyable et fabuleux. Si on y regarde de plus près cependant, comment se fait-il que la vérité ne parvienne pas du tout à résoudre tous les problèmes qui se posent dans la société française ? Qu'il y ait tant de frustrés qui ont la nostalgie du passé et souhaitent un retour en arrière ? Parce que la vérité ne se trouve pas en réalité dans la vérité scientifique objective, mais la vérité est propre à chacun, subjective, et vise à la réalisation de soi, par le bonheur et l'épanouissement personnel : un leurre bien sûr, personne n'y arrive. Hormis ceux qui marchent finalement scrupuleusement dans les traces du mérite républicain, et de la vérité validée par les sciences : d'où l'importance de l'éducation. La société finalement semble pleine de bonne volonté, tout le système semble bon et vise à l'épanouissement de chacun par l'école. Tout n'est qu'une question de bonne volonté et de mérite, et ceux qui sont "exclus", soit font preuve de mauvaise volonté, soit sont des malades. En réalité, je ne souscris pas du tout à cette vision républicaine de la laïcité, du mérite, de l'éducation. Je suis en désaccord avec le monde moderne, et ses chiens de garde à qui on a donné un beau nonos pour la protéger coûte que coûte, mais je n'ai effectivement rien à proposer en échange.

Anonyme a dit…

La République est un mot-valise, polysémique qu'Erwan Blesbois emploie dans le sens et l'esprit de la IIIè République. C'est un concept apparu lors de l'antiquité grecque dans le cadre d'une cité notamment Athènes où les femmes, les étrangers ( métèques) et les esclaves n'avaient pas droit civiques.Donc l'autorité n'est pas l'apanage de la République, bien d'autres régimes sont détenteurs d'autorité sans être républicains.
Les policiers sont de plus en plus sollicités alors qu'ils sont de moins en moins nombreux. Ils sont de plus en plus victimes de leurs devoirs puis qu'entre 2009 et 2015 le nombre est passé de 230 à 430. De même les enseignants sont de plus en plus victimes d'agression verbale, physique et morale. De la même façon le personnel hospitalier l'est aussi, dans les hôpitaux il est précisé par affiche que toute agression contre le personnel sera l'objet de poursuites civiles et pénales. Même chose à La Poste où toute personne agressive peut voir son compte chèque postal fermé d'office sur requête d'un responsable hiérarchique d'une agence. Que faut-il de plus à Emmanuel Mousset pour réaliser que quelque chose ne va plus dans ce pays? A Viry-Châtillon des policiers, qui, comble, se contentaient de surveiller des caméras de surveillance ont été délibérément agressés avec une claire intention de tuer des policiers. Déjà dans mon quartier parisien en 2002 que j'habitais alors, j'ai vu des policiers et des pompiers agressés alors qu'ils venaient éteindre un incendie. De plus en plus tout détenteur d'autorité est suspect pour une partie de plus en plus grande dans certains endroits de notre pays "les territoires perdus de la République".
Face à cela la pire des politique est celle de Monsieur Mousset, la politique de l'autruche. La culture libérale-libertaire de nos élites ne leur permet pas d'affronter avec la lucidité requise les problèmes auxquels elle est confrontée. Il va de soi que ce problème est autant celui de la droite que de la gauche. Ou bien le réflexe pavlovien d'y voire la main du FN. C'est tellement plus confortable.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Zemmour est le modèle de lui-même, et la vie est simple, sauf pour ceux, nombreux, qui la compliquent.

2- Vous me traitez d'"autruche" ? Surveillez vos propos. L'essentiel est de ne m'avoir pas traité de Poisson.

Philippe a dit…

Autruche ... c'est pas gentil ... elle cache sa tête et montre son fion à la moindre alerte.
Cette fois l'alerte n'est pas la moindre !
Calais va-t-il devenir le symbole de la fin de la V République comme Alger le fut pour la IVème ???
Les requins circulent autour du symbole Calais = migrants.
Quel requin va ramasser la mise ???
Certainement pas la sardine Poisson!!!
Alors la daurade MLP ? le merlan qui valls ?
Pour Hollande il n'y a pas de poisson ... alors la méduse ?
Bon, assez de zoologie pour ce dimanche !